Devant la multiplication des révélations de la presse française sur les biens du président gabonais Omar Bongo Ondimba, le parti au pouvoir, le Parti démocratique gabonais (PDG), demande une relecture des accords de coopération qui lient le Gabon et la France. Chantage ? Gesticulations stériles ? Lassitude de Paris de couvrir les caprices d’un homme au pouvoir depuis 42 ans ? Signe des temps, l’attitude de ce pion important de la “françafrique” semble indiquer qu’il est en retard d’une époque.
C’est en effet une véritable révolution que les ennuis judiciaires du président gabonais fassent les choux gras de la presse hexagonale. Sous les présidents Mitterrand et Chirac, c’était tout simplement un tabou, sauf pour des impertinents comme feu François-Xavier Verschave et Pierre Péan. Mais les choses ont changé. Et elles continuent de changer. Un vent de transparence souffle sur toute la planète, une dynamique de la transparence financière s’est emparée du monde. Malheureusement, le président gabonais, son PDG et le Gabon semblent surpris par cette nouvelle dynamique en cours en Occident, suite à la sévère crise financière qui le secoue.
Ce n’est pas la première fois que le Gabon brandit la menace de la révision de ses accords de coopération avec la France. Il l’a sortie chaque fois que des associations ou simplement la presse s’intéressent aux errements du doyen des chefs d’État d’Afrique et du monde. Sans doute a-t-il jugé ridicule cette affaire de Clearstream où le président de la République française et son Premier ministre étaient mis en cause ? Les autorités gabonaises doivent s’efforcer de se conformer à la nouvelle ère où tout responsable doit rendre compte de tout à tous.
En France de façon particulière, et en Occident de manière générale, les associations sont fortes et dynamiques. Elles travaillent pour apporter la transparence dans ce que font les gouvernements. Il en est de même de la presse. Le poids de cette société civile et de la presse est tel qu’il serait mal venu à un responsable politique d’aller contre elles sans perdre des plumes.
Tant et si bien que lorsque le 5 mars dernier, les autorités gabonaises ont protesté auprès de leurs homologues françaises contre la diffusion par la chaîne publique française “France 2″ d’un reportage relatif à ses biens immobiliers en France, le secrétaire d’État français à la Coopération, Alain Joyandet, s’est contenté de dire qu’en France, la presse est indépendante. Elle n’est pas tropicalisée. Par les menaces de toutes sortes et les actes de représailles, le président Omar Bongo Ondimba voudrait “gaboniser” la presse française. Les dénonciations fréquentes des biens immobiliers que possède le président Bongo sur le sol français, et de ses autres dérives, comme cette affaire d’achat d’un bateau n’annoncent-elles pas qu’on se trouve à un tournant des relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique ?
Bongo, mais aussi d’autres chefs d’État africains du pré carré français, étaient jadis des “intouchables” et les attaquer n’était pas sans grand péril pour une association ou un journal. Si le président gabonais n’a absolument rien à se reprocher par rapport à ces dénonciations de “recel et vol de l’argent public”, qu’il aille devant les tribunaux pour laver son honneur comme on le dit couramment. Ce serait mieux pour lui que toute autre action en ces temps où souffle un vent de vertu financière partout dans le monde. Du reste, une rude bataille contre les paradis fiscaux et l’évasion fiscale ne se déroule-t-elle pas en ce moment en Occident avec, par exemple, le cas de la Suisse qui a été sommée de lever son secret bancaire, lequel a fait sa prospérité passée et présente ?
L’Afrique et ses dirigeants ne peuvent pas échapper à cette volonté de transparence financière mondiale, tout comme ils n’ont pas échappé à la globalisation. Dans le cas du président gabonais, faut-il penser que Paris s’inscrit d’ores et déjà dans la recherche d’une logique alternative ? Si c’est le cas, il est temps pour Bongo de mettre en application sa traditionnelle menace : “Si la France me lâche, je la lâche”. Il gagnerait cependant à quitter à temps les choses avant que celles-ci ne le quittent.