La dernière note de conjoncture de l’Insee, rendue publique vendredi 20 mars, est alarmante. Sur fond de chute historique du commerce mondial et de dégradation du climat des affaires, elle prévoit une prolongation de la récession au premier semestre dans toutes les économies avancées.
En France, les précédents records de contraction du produit intérieur brut (PIB) de 1993 (- 0,9 %) et de 1975 (-1 %) seraient enfoncés. Le débat sur la nécessité de nouvelles mesures contre la crise, d’ailleurs préconisées par le Fonds monétaire international (FMI) pour les pays du G20, ne manquera pas de rebondir.
Une dégradation accélérée. En l’espace de trois mois, les conjoncturistes de l’Insee ont revu à la baisse leurs prévisions pour la France de manière draconienne. En décembre 2008, ils s’attendaient à un repli du PIB de – 0,4 % au premier trimestre 2009 et de – 0,1 % au deuxième. Ils tablent désormais sur des reculs bien supérieurs (- 1,5 % et – 0,6 %), en raison notamment de la poursuite du déstockage des entreprises et d’une accélération de la chute de l’investissement.
A la mi-2009, l' »acquis de croissance » serait très nettement négatif (-2,9 %). Et pour que la récession puisse se limiter à – 1,5 % sur l’année, comme le prévoit le gouvernement, il faudrait que la croissance se redresse à + 1,9 % au troisième et au quatrième trimestre, fait remarquer Eric Dubois, responsable du département conjoncture de l’Insee. Dans l’environnement économique actuel, c’est impensable.
330 000 emplois détruits en six mois. Le président de la République et le premier ministre vont devoir faire face à une dégradation inédite du marché du travail et à ses conséquences sur la société française.
L’Insee prévoit une accélération spectaculaire des pertes d’emploi au premier semestre: 387 000 postes seraient détruits dans les secteurs marchands non agricoles en six mois.
Seule la progression de l’emploi salarié dans les secteurs non marchands permettrait de réduire à 330 000 le nombre total de destructions d’emploi au premier semestre, après un recul de 90 000 en 2008.
281 000 chômeurs de plus. Quant au nombre des demandeurs d’emploi, il continuerait d’augmenter fortement. Le taux de chômage, au sens du bureau international du travail (BIT) , s’accroîtrait d’un point en six mois, à 8,8 % (9,2 % avec les DOM). Il y aurait 281 000 chômeurs supplémentaires au premier semestre.
L’Insee fait remarquer que, pour la première fois depuis 2004, la dégradation de la conjoncture a pesé sur le comportement de la population : 12 000 personnes au second semestre 2008 et 35 000 au premier semestre 2009 auraient renoncé ou renonceraient à entrer sur le marché du travail du fait de la crise.
Les jeunes sont particulièrement touchés par la récession. Leur taux de chômage progresse beaucoup plus vite que celui des adultes. Des mesures en leur faveur devraient être annoncées sous peu.
L’envolée des déficits. Le gouvernement devra revoir ses prévisions de déficit. A l’heure actuelle, le déficit public 2009 est fixé à 5,5 % du PIB . Mais si la récession est supérieure d’un point au – 1,5 % prévu – ce qui est possible- , il s’alourdira mécaniquement de 0,5 point de PIB et dépasserait alors le record de 6 % établi en 1993.
Quant au déficit budgétaire 2009, passé du simple au double (104 milliards d’euros), il augmenterait de plusieurs milliards.
Maintien du pouvoir d’achat. Seule note un peu moins négative, le pouvoir d’achat des ménages progresserait encore début 2009, grâce au repli de l’inflation et au dynamisme des prestations sociales.
Le gouvernement trouvera sûrement là de quoi conforter la stratégie qu’il affiche depuis des mois : faire de l’emploi la priorité absolue.
Claire Guélaud
LE MONDE | 19.03.09 | 19h38 • Mis à jour le 20.03.09 | 07h36