Nicolas Sarkozy a entamé, le 26 mars dernier, une petite tournée en Afrique qui l’a conduit tour à tour en République démocratique du Congo (Congo Kinshasa), au Congo Brazzaville et enfin au Niger. A Kinshasa, le chef de l’Etat français est intervenu dans un climat de
tensions nationales et régionales. Le Parlement est divisé quant à la question rwandaise et sur le sort de Vital Kamerhe, président de l’Assemblée qui a démissionné mercredi 25 mars. Les tensions régionales concernent le partage de l’espace et des richesses entre le Congo et le Rwanda. Prudent sur cette question, le Président a quand même atteint son objectif : un contrat pour Areva. La société nucléaire française a obtenu le droit d’explorer les gisements d’uranium sur tout le territoire du Congo Kinshasa, doublant la concurrence chinoise.A Brazzaville, devant les parlementaires congolais, le chef de l’Etat français a défendu sa vision d’une relation franco-africaine «rénovée», débarrassée des «pesanteurs du passé et des soupçons». Mais, dans les faits, les mêmes questions sont
revenues sur la table : la proximité politique et les intérêts économiques. S’agissant du premier point, le président français a affirmé que cette visite n’est pas un soutien à Sassou-Nguesso, candidat très probable à la présidentielle de juillet prochain. Pourtant, les observateurs ont noté que Nicolas Sarkozy avait rencontré cinq délégués de l’opposition congolaise. Mais aucun candidat à la présidentielle de cette opposition (Mathias Dzon ou Ange Edouard Poungui).
Officiellement, cette visite est supposée s’inscrire dans un processus de renouvellement des relations entre la France et l’Afrique, d’où la révision des accords de défense entre la France et ses anciennes colonies. Le premier exemple est le Togo qui vient de signer avec la France un nouvel accord. La tournée s’est achevée au Niger. A N’djamena, le président Sarkozy est accompagné d’Anne Lauvergeon, p-dg d’Areva. Avec le chef de l’Etat, elle est partie défendre les pratiques et les intérêts de son entreprise.
Une politique décomplexée
Cette tournée a été fortement critiquée par Survie, une plate-forme citoyenne France-Afrique qui regroupe une dizaine d’ONG françaises (ATTAC, Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France), Centre de recherche et d’information pour le développement (CRID), Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD), Cedetim/Ipam, Mouvement de la paix, Oxfam France–Agir ici, Peuples solidaires, Réseau foi et justice Afrique-Europe (Antenne France), Secours catholique/Caritas France, Survie). Pour elle, et
contrairement à ses promesses, le président français n’a en rien remis en cause les réseaux Françafrique traditionnels. Bien au contraire, il a décomplexé ces rapports ambigus basés sur des intérêts personnels et publics et employant pour cela des moyens souvent inavouables. Fabrice Tarrit, secrétaire national de l’association Survie, s’est inquiété au cours d’une conférence de presse de voir «les intérêts économiques de grandes entreprises françaises primer sur les questions de démocratie et de droits de l’Homme dans le cadre de ce que l’on peut appeler une Françafrique décomplexée». C’est ainsi que le soutien aux droits de l’Homme est totalement
absent. La plate-forme accuse nommément le secrétaire d’Etat à la Coopération, Alain Joyandet, «devenu de fait l’émissaire officiel du Président pour une défense totalement décomplexée des intérêts économiques français en Afrique quelle que soit la nature du régime en place». Survie dénonce, également, le fait que le contrôle parlementaire encouragé par la réforme constitutionnelle de juillet 2008 pour garantir plus de transparence est trop timide et totalement pour le contrôle des opérations extérieures. Quant aux exportations d’armements françaises en général et en Afrique en particulier, poursuivent les ONG, elles ne font l’objet d’aucune question parlementaire. D’où un rapport de la mission d’information parlementaire sur les relations franco-africaines publié, en décembre dernier, où «la plupart des sujets fâcheux ont été soigneusement écartés». Les ONG s’attaquent aussi à la réforme de la coopération
militaire, et la révision des accords de défense. Ces critiques viennent surtout du fait que les modalités de négociation ainsi que les nouveaux accords sont méconnus.
Les traditions françafricaines
Faisant le contraire de ce qu’il dit, le président Sarkozy reçoit immédiatement après son élection à l’Elysée, Omar Bongo et Sassou-N’guesso. Est-il bien nécessaire de rappeler que le premier est au pouvoir depuis 1967, avec le soutien d’un puissant réseau de Jacques Foccart. Son gendre, Denis Sassou-Nguesso, au pouvoir de 1979 à 1991 et depuis 1997, dirige le Congo à la suite d’une guerre civile plongeant ce pays dans une guerre civile sanglante.Au Niger, le président français a pris soin de condamner sans appel les agissements du Mouvement nigérien pour la justice (MNJ). Ce groupe rebelle touareg est actif depuis début 2007 et réclame un partage plus équitable des ressources du nord du pays. La rébellion dans son ensemble s’est accentuée dès le début des années 1990, avec des racines remontant à l’indépendance. Pour le chef d’Etat français, «le Niger est une démocratie vivante dans laquelle il existe de nombreux canaux pour faire valoir son point de vue ou ses revendications sans avoir besoin de poser des mines. Il n’est pas acceptable que des individus ou des groupes prétendent défendre par les armes des idées ou des revendications qu’ils peuvent promouvoir par la voie des urnes». N’djamena ne pouvait être mieux soutenu.Rappelons dans la lignée de la tradition franco-africaine les accords de défense signés à l’indépendance avec huit pays, à savoir la Côte d’Ivoire (avril 1961), Centrafrique (août 1960), Djibouti (juin 1977), le Gabon (août 1960), le Sénégal (1960 et mars 1974), le Cameroun (novembre 1960 et février 1974), les îles Comores (1973 et novembre 1978) et le Togo (juillet 1963). Par deux fois, entre 2006 et 2008, Paris est venu au secours d’Idriss Déby face à ses rebelles. La tradition est donc respectée, rappelant ainsi des épisodes aux parfums de scandale comme les bijoux d’une valeur estimée de plus d’un million de francs, gracieusement offerts par l’empereur de Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa, à Valéry Giscard d’Estaing en 1973. Pour Prao Yao Séraphin, les assassinats de Thomas Sankara, de Patrice Lumumba et le sort réservé à Sylvanus Olympio (victime au Togo du premier coup d’Etat militaire en Afrique noire) ne sont rien d’autre que des moyens d’empêcher l’émergence de leaders ayant comme priorité l’intérêt de leur pays. Finalement, Agbobli n’a pas tort quand il dit que la tradition dans les relations France-Afrique fait que les relations entre les deux parties ont été longtemps «personnalisées, subies au point de favoriser, par un système de sous-traitance, un clientélisme gouvernemental où gestion de fonds secrets, renouvellement d’accords militaires datant des années 1960, préservation d’intérêts bien compris et maintien de régimes présidentiels non démocratiques ont conduit à vider de sens les mots république, solidarité et développement».
Les intérêts économiques de la France
Les intérêts économiques sont importants. Le Congo l’est aussi pour les groupes Total et Bolloré. Plus encore, Elf tire environ 70 % de sa production et le groupe TotalFinaElf tire encore 40% de sa production de ce continent et spécialement des pays de la Françafrique. Au Niger, l’intérêt économique le plus stratégique est l’uranium et le groupe Areva est leader dans son exploitation dans ce pays. Areva est même comparé à un Etat dans l’Etat. Présent depuis 40 ans, il est le deuxième employeur national après l’administration. Au-delà de cette présence, c’est la Françafrique de Foccart qui est représentée. Mais le Président et sa délégation sont venus finaliser un énorme contrat d’exploitation du gisement d’Imouraren, qui recèle la moitié des réserves du pays, et dont la production est estimée à
5 000 tonnes/an pendant environ 35 ans. Le gisement d’Imouraren s’ajoute au gisement à ciel ouvert d’Arlit et à la mine souterraine d’Akokan. Il sera ouvert en 2012, créera 1 400 emplois et hissera immédiatement le Niger au deuxième rang des pays producteurs d’uranium dans le monde. Areva détiendra 66,65% de la nouvelle société exploitante du yellow cake, contre 33,35% pour l’Etat du Niger. Un accord historique pour son exploitation a été signé, le 5 janvier 2009, entre le ministre des Mines et de l’Energie, Mohamed Abdoulahi, et la présidente du directoire d’Areva, Anne Lauvergeon, à Niamey. Il est intervenu après des mois de tractations et l’intervention de Nicolas Sarkozy à plusieurs reprises pour rassurer le président nigérien Mamadou Tandja, qui accusait Areva de soutenir la rébellion touareg dans le nord du pays. Il n’est pas superflu de rappeler que les principaux gisements d’uranium dont ceux de Imouraren et Arlit sont situés au nord du pays, région touareg.
Or, en plus de la controverse politique, les agissements d’Areva sont de plus en plus contestés pour leurs conséquences sociales
et environnementales. Des organisations nigériennes rappellent que les dispositions relatives à la préservation de l’environnement ne sont pas respectées, ce qui nuit directement à la santé des populations et des travailleurs des mines. Le phénomène de radiation et de la pollution des nappes d’eau est dénoncé par ces ONG. Depuis 2005, des organisations françaises se sont jointes aux organisations nigériennes pour révéler et dénoncer les conséquences des exploitations sur l’environnement et les hommes. A la liste déjà longue des griefs contre Areva, Stéphane Lhomme, du réseau Sortir du nucléaire, ajoute les expropriations et l’absence de plus-value en termes de développement pour les populations maliennes.
Soulignons qu’Anne Lauvergeon a signé un accord portant sur la recherche et l’exploitation de futures mines d’uranium en République
démocratique du Congo (RDC). «Un partenariat gagnant-gagnant de valorisation des ressources minières du pays», précise Areva dans un communiqué. Le précédent nigérien permet d’ores et déjà de mettre en doute cette annonce.
Les fortunes des chefs d’Etat africains en France
La fortune accumulée par certains chefs d’Etat en Afrique est de notoriété publique. Rappelons que le Quid 1992 avait attiré l’attention de certains milieux occidentaux sur la fortune de Mobutu évaluée à 15 milliards de dollars, et celle d’Houphouët à 11 milliards de dollars. En ajoutant à la liste les pays hors zone franc mais qui ont des relations étroites avec la France, on pourrait citer le cas Duvalier et Aristide. En effet, la fortune de Jean-Claude Duvalier (1971-1986) a été évaluée à 120 millions de dollars et celle de Jean-Bertrand Aristide (1994-1996 et 2000-2004) s’échelonnerait entre 200 et 800 millions de dollars.L’Office central pour la répression de la grande
délinquance financière (OCRGDF) a effectué une enquête ouverte par le parquet de Paris et ce, suite à une plainte pour «recel de détournement d’argent public». Cette enquête a mis en évidence l’important patrimoine immobilier de cinq chefs d’Etat africains ou de leurs familles ainsi que les conditions d’acquisition de ce patrimoine en France. Conditions d’autant plus controversées que la gestion financière dans les pays d’origine est opaque et que le niveau économique y est faible. Les chefs d’Etat impliqués sont congolais, guinéen, angolais, gabonais et burkinabé et les biens concernés sont plusieurs dizaines d’appartements, des villas et des hôtels particuliers dans les plus beaux quartiers de la capitale, à Neuilly-sur-Seine et à Nice, véhicules de grandes marques aux prix mirobolants… Ainsi, les médias français ont-ils révélé l’immense patrimoine immobilier de Sassou-Nguesso et de son gendre, Albert-Bernard Bongo dit Omar Ondimba, chefs d’État du Congo et du Gabon. «Paris 16e, 8e et 7e arrondissements pour Omar Bongo et son épouse, Paris 16e et Neuilly-sur-Seine pour Jeff Bongo [un des fils d’Omar Bongo], Le Vésinet pour le frère de Denis Sassou-Nguesso,
Courbevoie pour Wilfrid Nguesso [neveu du président du Congo]». La télévision française a révélé qu’au total, sont répertoriés
33 biens (appartements, hôtels particuliers et maisons) appartenant au Gabonais Omar Bongo ou à sa famille (près de 150 millions d’euros) et 18 autres dont le président congolais et ses proches sont propriétaires, notamment une maison avec des robinets en or. Or, ces deux petits pays africains producteurs de pétrole comptent respectivement 4 millions et 1,2 million d’habitants, dont 70% de auvres dans l’un et 60% dans l’autre vivent avec moins d’un dollar par jour. L’enquête de la police a démontré que beaucoup de ces achats ont été réglés par des sociétés publiques. La même enquête aurait révélé, au-delà de ce patrimoine immobilier et du parc de véhicules de luxe, l’existence de plusieurs dizaines de comptes bancaires ouverts au profit des chefs d’État ou de leurs familles. Dans une enquête réalisée en 2007, l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) a dénombré pas moins de 112 comptes au nom de la famille dans les établissements bancaires de l’hexagone. Un procès-verbal en date du 4 octobre 2007 recense 8 comptes bancaires au nom de son épouse, la première dame du Congo. Antoinette Tchibot Malonda épouse Sassou-Nguesso détient, en effet, des comptes titres et des comptes courants au CIC et au Crédit Lyonnais, dans des agences à Paris et à Boulogne-Billancourt. L’enquête de l’OCRGDF montre également que le clan Sassou aux 112 comptes bancaires français possède une partie de sa fortune au Luxembourg, via plusieurs coquilles financières. C’est avec l’une d’elles, dénommée Matsip Consulting, que Sassou s’est porté acquéreur de la villa du Vésinet, en 2005, après le décès de son frère Valentin, qui en était propriétaire jusque -là.L’association Sherpa et Survie ont déposé une plainte pour «recel de détournement de biens publics et complicité» portant sur l’acquisition en France de nombreux biens immobiliers de luxe contre Omar Bongo et le Congolais Denis Sassou-Nguesso. La plainte a fini par être classée, faute de preuve. Les enquêteurs de l’OCRGDF ont dressé la liste des biens immobiliers et des comptes bancaires accueillant en France les avoirs de dirigeants africains et de leurs familles. Le rapport de mars 2007 citait le Burkinabé Blaise Compaoré, l’Angolais Eduardo Dos Santos, et le Guinéen Teodoro Obiang. A cette liste, il faudra ajouter les biens des présidents disparus comme Eyadema père et de son fils. D’autres rapports ont mis en avant l’enrichissement illicite des chefs d’Etat africains. Ainsi, les rapports d’organisations
internationales (ONU, OCDE, UE) et d’ONG (Transparency International, Global Witness, Plate-forme dette et développement, le Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD)) ont dénoncé ces malversations. La France est, donc, une espèce de paradis fiscal pour certaines fortunes africaines et rien ne paraît remettre en cause ce statut.
source: la tribune
Moi l’oiseau aux épines je vous parle du haut de l’arbre parce que sur terre là bas c’est chaud.
Depuis un certain temps, je ne sais pas si d’autres gabonais et gabonaises remarquent que le Gabon traverse de vraies turbulences. Moi, je suis déjà habitué aux grands vents. Mais pour les dirigeants là, c’est nouveau oh! Donc panique dans le pays…
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