Le parquet de Paris a fait appel jeudi après-midi de la décision de la doyenne des juges d’instruction du tribunal de grande instance d’instruire la plainte déposée notamment pour « blanchiment » qui vise les conditions d’acquisition en France du patrimoine de trois chefs d’Etat africains, a-t-on appris de source judiciaire.
Il appartient désormais à la chambre de l’instruction de décider si oui ou non un juge français est habilité à mener une enquête.
« Les engagements du candidat Sarkozy de mettre fin à certaines pratiques qui ont terni les relations entre la France et l’Afrique sont aujourd’hui totalement caduques », a commenté l’avocat des plaignants, Me William Bourdon, avant d’ajouter: Paris « s’incline devant ses obligés ». « Nous ne sommes pas dans une démocratie moderne. Cet appel vise à asphyxier une enquête qui s’impose en droit et en fait ».
Le 20 avril dernier, le parquet de Paris s’était opposé à l’ouverture d’une information judiciaire sur les biens en France des présidents Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville) et Théodore Obiang (Guinée-Equatoriale). Mais la juge d’instruction Françoise Desset avait passé outre ces réquisitions.
En décembre, l’association Transparence International France et un ressortissant gabonais, Grégory Ngbwa Mintsa, ont déposé une plainte contre X pour « recel de détournement de fonds publics », « blanchiment », « abus de biens sociaux » et « abus de confiance ».
La juge d’instruction a estimé que l’association avait un intérêt à agir en France, mais pas le ressortissant gabonais. Le parquet avait considéré au contraire que les deux plaignants n’avaient aucune qualité à agir en France et ne pouvaient se prévaloir d’aucun préjudice.
Transparence International France et une autre association avaient déjà déposé deux plaintes simples, classées sans suite, au terme d’une enquête préliminaire qui avait donné un reflet à peu près exact du patrimoine détenus en France par ces présidents africains ou leurs proches.
De nombreux biens immobiliers sont ainsi détenus par ces chefs d’Etat ou par leurs familles, notamment dans les quartiers chics parisiens. L’enquête a également identifié leurs comptes bancaires, ou ceux de proches, ainsi que les nombreuses voitures de luxe -Aston Martin, Bugatti ou Mercedes- achetées parfois en espèces ou, comme pour l’une des filles du président Bongo, par chèque d’un avocat français et de la Paierie du Gabon en France.