Au Gabon comme dans beaucoup de pays d’Afrique où les Constitutions sont amendées pour permettre un nombre illimité de mandats présidentiels, seule la mort permet l’alternance. La disparition d’Omar Bongo suscite des craintes totalement justifiées du fait que l’Etat gabonais a été accaparé par le clan Bongo.
La mort du patriarche est donc comparable à un séisme qui secoue une bâtisse conçue sur un pilier central entouré de piliers secondaires. Sur le plan économique, le peuple gabonais n’a, semble-t-il, jamais profité de la manne pétrolière : peu de routes et d’infrastructures ont été construites. Le Gabon a même reculé dans l’échelle de développement humain du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en quelques années. La rente pétrolière a plus servi à consolider le pouvoir Bongo qu’à construire l’Etat du Gabon (…).
La bataille de la succession
En vertu de la Constitution, l’intérim revient à la présidente du Sénat, Rose Francine Rogombé, jusqu’à une élection à organiser dans les quarante-cinq jours. La bataille pour la succession commence. Ali Ben Bongo, 49 ans, fils aîné du Président et ministre de la Défense, est en tête de liste. Il a préparé le terrain en s’alliant avec le ministre de l’Intérieur, en nommant des généraux fidèles et en devenant vice-président du mouvement de son père, le Parti démocratique gabonais (PDG).
Selon Philippe Bernard, Ali Bongo est réputé moins proche de la France que sa sÅ »ur Pascaline, et serait même tenté de se rapprocher des Etats-Unis et de la Chine. Il a, toutefois, été reçu par Nicolas Sarkozy en décembre 2008. L’avocat Robert Bourgi, émissaire officieux du président français et proche du régime gabonais, soutient Ali Bongo. Deuxième nom sur la liste des candidats, Pascaline Bongo à travers son compagnon et non moins ministre des Affaires étrangères.
Pascaline Bongo, 52 ans, fille et directrice de cabinet du Président, est passée par l’ENA. Grande argentière du régime, elle est considérée comme l’avocate des grandes entreprises françaises implantées au Gabon. Elle détiendrait la clé de la fortune, probablement immense mais très disputée, de son père. A cette rivalité filiale ajoutons le jeu du général Idriss Ngari, ministre de la Santé, qui disposerait de soutiens dans l’armée.
Les dignitaires de l’ancien parti unique, le PDG, pourraient tenter de casser le cercle Bongo pour s’y introduire. A ceux-là s’ajoutent quelques opposants comme Pierre Mamboundou, chef de l’Union du peuple gabonais (UPG), et Zacharie Myboto, ancien proche d’Omar Bongo, ou encore Jean Ping, ex-époux de Pascaline Bongo et actuel président de la commission de l’Union africaine.
Profitant de la maladie du président Omar Bongo, un groupuscule d’opposition intitulé « Bongo doit partir » (BDP) avait commencé à s’activer, réclamant sa démission. Il avait lancé un mot d’ordre de manifestation le 23 mai dernier à Libreville. Celle-ci avait rapidement tourné court, les membres du mouvement ayant été accueillis par un important dispositif policier. Le BDP est très actif sur Internet, à défaut de pouvoir l’être sur le terrain, constate le quotidien de Kinshasa.