Précédé par un scrutin historique et auréolée par une transition apaisée l’élection présidentielle du 30 août dernier a accouchée d’un malaise profond qui écartèle la société gabonaise entre le gouvernement et le Front du refus du coup d’Etat électoral et asphyxie peu à peu la nation depuis la proclamation des résultats le 4 septembre. Le malaise est si profond que quelque soit le résultat des travaux de la Cour constitutionnelle le climat social ne sera apaisé. Pour sortir de la crise l’Observatoire national de la démocratie propose des pistes à explorer pour sauvegarder la paix et la stabilité du Gabon.
Dans un document intitulé «propositions d’une solution de sortie de crise l’OND rappelle qu «au crépuscule de sa vie, le Président Omar BONGO ONDIMBA avait dressé un état de lieu sans complaisance de la situation socio-politique du Gabon en ces termes « l’Etat doit inspirer -confiance, assurer et rassurer par son dynamisme, dans tous les secteurs d’activités relevant de ses compétences, cet Etat est actuellement affaibli par : l’ethnisme, le clientélisme, l’affairisme, la corruption, la politisation outrancière et le népotisme qui ont gangrené les pouvoirs publics».
Selon l‘Observatoire national de la démocratie, «Cette situation de décrépitude a entraîné une crise sociale sans précédent dans la fonction publique et au niveau du secteur privé et occasionné une fracture entre, d’un coté, une classe dirigeante riche, repue, corrompue et insensible et de l’autre, un peuple de plus en plus pauvre et dégoûté de la chose politique. le pays était déjà au bord du chaos.»
C’est ce chaos qui est à l’origine de «la forte participation des populations aux différentes phases de la dernière élection présidentielle traduit clairement la volonté des gabonais à se réapproprier leur destin et l’avenir de leur pays ».
Malheureusement, «la proclamation des résultats électoraux aussitôt contestés et jugés contraires à l’expression démocratique des gabonais et les messages de félicitation adressés par les dirigeants de certains pays avant la fin du processus du contentieux électoral , en même temps qu’ils ouvrent une période d’incertitude pour l’avenir de notre pays, si la Cour Constitutionnelle venait à valider ce résultat en dépit des preuves de fraudes accablantes et des manquements graves présentés par les autres candidats dans leurs différentes requêtes, nous enseignent aussi que le vote seul ne suffit pas pour réguler la vie démocratique et assurer une alternance politique stable et paisible au Gabon. Il existe des pesanteurs externes et des réticences internes qui se trouvent aujourd’hui au dessus du vote.»
Pour l’OND, «Des mémoires des Gabonais, le pays n’a jamais été aussi proche d’une explosion: les deux camps politiques se regardent en chiens de faïence, le dialogue est rompu, la rue gronde et le front social se réactive»
Face à cette situation l’OND estime que «pour sortir de cette crise politique qui, très rapidement, sera rattrapée par une crise sociale, mise en veilleuse par les partenaires sociaux afin de donner une chance au processus de transition politique en cours, nous proposons la voie de la sagesse.»
Les propositions de sorties de crise que préconise l’OND gabonaise s’articule autour de trois axes : l’annulation de l’élection présidentielle du 30 août, la mise en place d’une période intérimaire de 6 mois et une période de transition de 5 ans. Toutefois ces actions seront précédées par l’adoption d’une constitution consensuelle élaborée par toutes les forces politiques du pays et la mise en place d’une commission «Vérité et réconciliation».
Sur l’annulation de l’élection présidentielle, l’OND pense qu’au regard des recours introduits par différents candidats et dont les nombreux griefs enregistrés sont avérés, «la Cour constitutionnelle n’aura aucune difficulté a déclaré l’annulation de cette élection (…) si elle décide de dire le droit et rien que le droit»
L’annulation de l’élection présidentielle sera suivie d’une période intérimaire de 6 mois dirigée par l’actuel Président de la république et un gouvernement d’union nationale dont le premier ministre sera issue des rangs de l’opposition.
Ce gouvernement comprendra des membres du camp d’Ali Bongo Ondimba (25%), de ceux d’André Mba Obame (25%), des cadres issus du camp de Manboundou (25%). «Les autres politiques de la société civile» participeront à ce cabinet respectivement à hauteur de 10% et 15%.
La mission de ce cabinet sera de convoquer les assises politiques, de préparer et organiser les élections générales. En effet dès sa prise de fonction le gouvernement s’attachera à élaborer et adopter une constitution consensuelle intérimaire, définir les modalités pratiques de création et de fonctionnement de la commission «vérité et réconciliation», ainsi que les conditions de négociations politiques et économiques avec les partenaires privilégiés du Gabon.
La constitution intérimaire et consensuelle constitue la véritable dorsale des propositions de l’OND car c’est elle qui a la charge de «créer les conditions de vie d’une gestion en commun du pays par les grandes forces politiques pendant 5 ans».
Elle introduit également une innovation de taille, l’élection présidentielle et législative seront couplées et soumises à la règle de la proportionnalité. Ainsi, seront représentés à l’Assemblée nationale tous les partis ou groupement de partis qui atteindront 10% des suffrages.
Tous les partis qui franchiront la barre de 20% de suffrages participeront d’office au gouvernement. Ceux ayant atteint 25% auront un Vice-président. C’est au parti ou le groupement de partis qui remportera les élections qui aura le privilège de nommer le Président de la république, le premier vice-président et le premier ministre.
L’OND est convaincue que l’adoption d’une telle constitution pour une période transitoire de 5 ans permettra de migrer «doucement vers la constitution des grands partis politiques nationaux et ainsi tordre le coup au phénomène des petits partis politiques à forte coloration ethnique et locale», de faire participer toutes les grandes forces politiques à la gestion du pays, pour affronter ensemble les défis de l’après Bongo t enfin de conduire ensemble les premiers pas du Gabon vers une économie moderne et diversifiée.
Si cette somme de propositions ne manque pas de pertinence, elle est cependant loin de rapprocher les deux grands camps qui s’affrontent actuellement à travers ce processus électoral.
Le plus difficile à faire c’est de convaincre le camp donné vainqueur d’abandonner sa victoire et par la même occasion les privilèges attachés à l’exercice du pouvoir. Pour parvenir à la voie médiane que propose l’OND le Gabon aura besoin non seulement du courage de chacun de ses fils mais surtout de l’esprit de sacrifice pour sauver l’essentiel.