Avant la fin des primaires démocrates, mardi 3 juin, deux incertitudes subsistent : quand Barack Obama va-t-il décrocher définitivement la nomination du parti ? Et la fracture entre ses partisans et ceux de Hillary Clinton pourra-t-elle être réduite avant l’élection de novembre ? Ni l’écrasante victoire de Mme Clinton dimanche à Porto Rico (68% contre 32%), ni le compromis décidé samedi par une commission d’arbitrage à propos des délégués de la Floride et du Michigan n’ont modifié le tableau d’ensemble : le retard de Mme Clinton est trop insurmontable pour menacer la position de M. Obama.
Le sénateur de l’Illinois a toutes les chances de parvenir cette semaine à une nomination qu’il poursuit depuis quinze mois, dont cinq d’une course harassante depuis le début des primaires le 3 janvier dans l’Iowa. Après Porto Rico, Barack Obama n’est plus qu’à 50 délégués du seuil nécessaire à la nomination. Seuls 31 délégués restent à répartir dans les deux dernières compétitions, mardi, dans le Montana et le Dakota du Sud.
M. Obama a donc besoin du soutien d’une trentaine de « super-délégués ». Or de 150 à 190 de ces grands électeurs, selon les estimations, n’ont pas encore affiché de préférence. Le candidat ne devrait pas avoir de difficulté à recueillir les voix qui lui manquent. Selon l’ancien sénateur Tom Daschle, un nombre suffisant de super-délégués devrait se déclarer « avant la fin de la semaine ». M. Obama a lui-même indiqué dans le Dakota du Sud qu’il pourrait atteindre le chiffre fatidique dès mardi soir : « Si c’est le cas, nous l’annoncerons, et même si ça ne l’est pas, c’est en tout cas la fin de la saison des primaires. » M. Obama a prévu de passer sa dernière soirée électorale à Minneapolis, où aura lieu la Convention républicaine, début septembre, pour bien montrer sur quel combat il se concentre désormais. Malgré les 38 délégués empochés à Porto Rico, Mme Clinton, elle, est encore à quelque 200 délégués de la ligne d’arrivée. Il faudrait qu’elle recueille le soutien de plus de 90% des super-délégués encore indécis pour remonter son retard.
Dans son discours de victoire à San Juan (Porto Rico), elle a rappelé leur responsabilité aux dirigeants du parti : « Quand le vote sera terminé mardi, ni le sénateur Obama ni moi-même n’aurons le nombre de délégués nécessaires pour obtenir la nomination. Je serai en tête dans le vote populaire. Il aura conservé une légère avance dans le décompte des délégués. La décision retombera sur les épaules des leaders de notre parti qui sont autorisés à voter à la Convention démocrate. Je n’envie pas la décision qui vous attend mais une décision doit être prise. » Mme Clinton a répété qu’elle est la meilleure candidate pour battre le républicain John McCain, en novembre. Une publicité, diffusée dans les deux Etats encore en course, affirme que « 17 millions d’Américains ont voté pour Hillary, davantage que pour tout autre candidat aux primaires dans l’Histoire ». Le camp Obama conteste ce chiffre, tout en indiquant avoir aussi totalisé 17millions de voix (il est vrai qu’il y a six manières différentes de comptabiliser les votes).
Sur la question de l’unité du parti, la réunion de la commission des règlements, samedi, a montré que le fossé se creusait de plus en plus entre les deux camps, même si M. Obama et Mme Clinton évitent les attaques directes. La séance était destinée à aplanir le contentieux sur le nombre de délégués à accorder à la Floride et au Michigan, deux Etats exclus par avance de la convention de Denver pour avoir avancé leurs primaires malgré l’interdiction du parti.
La réunion a été passionnée. Au nom de la démocratie, la commission a autorisé la Floride à envoyer ses délégués à Denver mais avec une demi-voix chacun. En vertu du même principe, elle a adopté une formule arbitraire pour le cas du Michigan. Comme Barack Obama avait fait retirer son nom des bulletins de vote, il a été décidé de lui attribuer un nombre obtenu à partir de sondages et d’évaluations maison. Soit 59 délégués. Elaine Kamarck, l’un des membres du comité, a parlé de « chaos ». « Si nous commençons à autoriser les partis locaux à prendre quelques données d’une primaire, quelques chiffres tirés des sondages de sortie des urnes et quelques données tirées de leurs propres assertions, nous allons avoir des problèmes », a-t-elle mis en garde. Le parti a choisi un mode de désignation « totalement irrationnel », a souligné le sénateur Carl Levin, auteur, pourtant, de la formule spéciale du Michigan.
Tout en appelant à l’unité, les membres de la commission se sont jetés à la tête les références aux droits civiques, ou encore l’exemple de la Floride pendant l’élection de l’an 2000, comme s’il s’agissait moins de faire respecter le règlement que de réparer une nouvelle injustice historique visant à priver les minorités de leur droit de vote. Furieux de la décision sur le Michigan, Harold Ickes, l’avocat du camp Clinton, a dénoncé ce « détournement » de délégués qui « augurait mal de l’unité du parti ». Il a annoncé que la sénatrice se « réservait le droit » de contester la décision. Les clameurs ont éclaté dans la salle. « Denver! Denver! », ont crié les partisans de Mme Clinton, dont plusieurs dizaines avaient passé la journée devant la réunion avec des pancartes « Comptez les votes! ».
A Porto Rico, la candidate a indiqué qu’elle n’avait pas encore pris de décision sur un éventuel recours. Son argument central est de rappeler au parti l’exemple de 1972, lorsqu’Hubert Humphrey avait gagné par le nombre de voix mais pas celui des délégués. George McGovern avait été le candidat démocrate et il avait été écrasé par Richard Nixon en novembre.