D’après une étude menée au Gabon, 13,5% de la population en moyenne possède des anticorps dirigés contre le virus Ebola, même dans des régions où il n’y a pas eu d’épidémies.
Une partie de la population gabonaise est-elle immunisée contre le virus Ebola? C’est la question que pose une étude menée au Gabon, sur plus de 4.000 personnes, montrant qu’en moyenne 13,5% de la population possède des anticorps dirigés contre le virus Ebola, y compris dans des régions où n’il y a pas eu d’épidémie.
Les anticorps sont des «marqueurs mémoire» précise Eric Leroy, chercheur de l’IRD basé au centre de recherches médicales de Franceville, au Gabon. Leur présence signifie que l’organisme a rencontré le virus et qu’il a produit une réponse. «Les porteurs de ces marqueurs de l’immunité n’ont pas pour autant souffert d’une fièvre hémorragique, qui passe difficilement inaperçue», poursuit le spécialiste du virus Ebola. «Soit ces personnes ont développé une forme modérée, qui peut se confondre avec une crise de paludisme, soit elles n’ont eu aucun symptôme».
Eric Leroy et ses collègues ont sélectionné leur échantillon afin qu’il soit représentatif des différents environnements du Gabon. «Nous ne nous attendions pas à trouver de tels chiffres» commente-t-il.
L’analyse des quelque 4.000 prélèvements sanguins révèle de fortes variations entre les régions : dans les zones de savane et de plaine, 10,5 à 12,4% des personnes ont des anticorps contre le virus Ebola, pour moins de 3% dans les zones lacustres. C’est dans les régions forestières que la prévalence est la plus forte, qu’il y ait eu ou non des épidémies : elle tourne autour de 19-20% mais peut atteindre plus de 33% dans certains villages.
La salive contaminée des chauves-souris
Dans ces forêts, il est fort probable que les villageois soient en contact avec le virus Ebola via les chauves-souris, qui en sont le réservoir naturel. De précédents travaux de l’équipe de l’IRD suggéraient que le virus peut passer directement des chiroptères aux humains. Dans le cas présent, les chercheurs supposent que les gens sont contaminés en consommant des fruits souillés par la salive des chauves-souris. La quantité de virus dans la salive étant beaucoup plus petite que dans le sang d’un malade, elle ne provoquerait qu’une forme modérée ou asymptomatique d’Ebola.
«Ces travaux montrent finalement une image plus classique de l’infection par Ebola, avec un large éventail de formes cliniques, comme pour la plupart des infections virales, analyse Eric Leroy. Ce n’est que dans un contexte épidémique particulier, avec des charges virales très fortes, que l’on atteindrait des taux de mortalité de 90%».
Reste à savoir si cette mémoire immunitaire rime avec protection. Les analyses ont montré que les anticorps réagissaient avec certaines protéines du virus Ebola : ils sont donc bien dirigés spécifiquement contre ce filovirus. De plus, des tests simulant une infection in vitro montrent que, chez les porteurs d’anticorps, une population de lymphocytes destinés à lutter contre le virus augmente. Il y a donc bien une réaction de défense de l’organisme. Est-elle suffisante pour protéger en cas d’épidémie ? Les chercheurs n’ont pas la réponse.
Cécile Dumas
Sciences-et-Avenir.com