Accusé de diffamation dans un article sur l’assassinat de René Ziza, directeur du Conseil gabonais des chargeurs (CGC), le journaliste du quotidien « L’union », Jonas Moulenda, n’a pas été entendu. Du fait d’un «petit» manquements, la procédure de ses adversaires a été déclarée «nulle de plein droit». La justice a mis sa décision en délibéré au 22 mars alors que le plaignant annonce qu’il reviendra à la charge.
On attendait, ce 22 février, une terrible joute en plaidoyers entre les avocats du journal « L’union » et ceux de l’ancien directeur général du Conseil gabonais des chargeurs (CGC), Alfred Nguia Banda, qui a assigné en justice le journaliste de « L’union » Jonas Moulenda et le directeur de la publication de ce quotidien, Albert Yangari, pour un article paru le 28 novembre dernier concernant l’assassinat du DG du CGC, René Ziza. Mais, le procès n’a presque pas eu lieu.
En effet, les avocats des sociétaires du quotidien « L’union » et ceux du plaignant Alfred Nguia-Banda, actuel secrétaire général du Fonds national de l’habitat (FNH), ont unanimement relevé que l’huissier chargé de la plainte avait omis de citer à l’audience le procureur de la République. Ce qui a rendu la procédure «nulle de plein droit.» La plainte «irrégulière» a pourtant été déposée au tribunal depuis le 13 janvier.
Joint au téléphone, Me Lubin Ntoutoume, avocat du journaliste prévenu explique : «L’article 133 du code de la Communication, prévoit que toute citation par voie d’huissier à l’occasion des délits de presse, notamment les diffamations, doit contenir un certain nombre d’énonciations obligatoires. Notamment, qu’elle doit être impérativement notifiée au procureur de la République qui devient partie au procès. La défense de Mr Nguia-Banda a omis de citer le Parquet. Or, l’article 133 sus cité stipule, si cette formalité n’est pas accomplie, que la citation est nulle de plein droit. Je l’ai relevé ce matin, le procureur m’a suivi et l’affaire a été mise en délibéré pour le 22 mars.»
Interrogé sur ce qui pourrait arriver après la délibération, Me Lubin Ntoutoume pense qu’ «il y a deux possibilités : Après le 22 mars, quand l’affaire sera jugée, Mr Nguia-Banda pourrait avoir gagné en sagesse, aura peut-être pris un peu de recul et pourrait décider de ne plus poursuivre Jonas Moulenda. Ou alors, il persistera, signera et entreprendra une nouvelle démarche.»
Alfred Nguia-Banda a cependant déclaré à l’AFP que : «La plainte reste d’actualité. J’irai jusqu’au bout.»
Dans l’article incriminé, le journaliste avait écrit : «Pourquoi René Ziza a-t-il été envoyé ad patres ? La question taraude les esprits. Pourtant, on ne s’embarrasse pas de supputations au siège du CGC. Dès l’annonce du drame, des langues se sont vite déliées pour rappeler que le nouveau patron faisait l’objet de menace de mort depuis sa prise de fonction. Selon certaines indiscrétions, le technocrate rompu à la tâche à commandité un audit, lequel aurait déjà mis en exergue des malversations financières de l’ordre d’1 milliards 600 millions de francs. Son assassinat aurait-il été commandité par des gestionnaires gênés aux entournures ?».
Alfred Nguia-Banda reproche notamment au journaliste l’utilisation des termes «nouveau patron» et «depuis sa prise de fonction». Selon l’actuel secrétaire général du FNH, ces mots opposeraient directement René Ziza à «l’ancien patron» et donnerait un caractère prémédité aux faits.
Interrogé sur ce qui pourrait constituer son plaidoyer si les poursuites venaient à persister, Me Lubin Ntoutoume a esquissé : «C’est vrai qu’en matière de diffamation la loi permet à celui qui veut se plaindre de le faire, même si l’article est écrit sous la forme dubitative ou interrogative. Ce qu’il y a dans ce dossier c’est que : 1/ Moulenda ne nomme nullement Nguia-Banda dans son article. Le journaliste s’interroge sur le mystère qui entoure l’assassinat de Mr Ziza. Il lance des pistes qui pourraient permettre d’aller vers la vérité. Même s’il a évoqué des gestionnaires gênés aux entournures ; combien y a-t-il de gestionnaires au Conseil Gabonais des chargeurs ? N’y a-t-il que Mr Nguia-Banda ? 2/ Jonas Moulenda pourra justifier de sa bonne foi. Il n’a aucun antécédent avec Mr Nguia-Banda. Bien au contraire : par le passé, il a écrit de bons articles sur le CGC. 3/ A côté de l’article de Jonas Moulenda, il y a eu d’autres articles bien plus violents sur le même sujet et leurs auteurs n’ont pas été attaqués en justice. 4/ Il y a une enquête en cours visant à savoir comment et pourquoi ce monsieur a été assassiné. Jonas Moulenda est journaliste et il a le devoir d’informer.»
Au risque de faire preuve d’acharnement, Nguia-Banda réintroduira-t-il une autre plainte contre le journaliste ?