Monsieur le Président,
Le Gabon est honoré de vous accueillir.
Le Gouvernement, les Institutions constitutionnelles, les représentants de la société civile, les aînés, les Femmes et la jeunesse ici présente, vous souhaitent, par ma voix, la plus cordiale des bienvenues et vous adressent leurs sincères remerciements pour l’intérêt particulier que vous portez à notre pays. En vous accueillant dans cette enceinte, j’ai une pensée émue pour mon illustre prédécesseur, à qui vous avez rendu hommage ce matin à Franceville, en allant vous recueillir sur sa tombe.
Votre sympathie et votre attachement nous touchent, comme il y a quelques mois, lors des obsèques.
Il n’est point besoin de rappeler, Monsieur le Président, qu’à cette occasion, vous avez été témoin de la douleur d’un peuple meurtri, mais aussi de la dignité dont il fit preuve en ces moments combien difficiles. Nombreux sont ceux qui, à l’étranger, avaient prédit le pire et ne voyaient pas notre pays survivre à cette épreuve ou la surmonter rapidement.
A cet instant de notre histoire, nous avons tous été conscients qu’il fallait plutôt regarder l’avenir afin de poursuivre la construction de notre pays. Depuis les Pères-fondateurs de notre République, le Gabon s’écrit dans le cadre d’une paix civile que nous nous efforçons de perpétuer. En effet, malgré les divergences d’intérêts, la conscience partagée de notre communauté de destin reste un patrimoine national inaliénable. La fluidité de la transition politique que nous venons de vivre a démontré la vigueur et la solidité de nos Institutions, la capacité de notre peuple à persévérer dans son être, et à témoigner ainsi de sa singularité d’être-au-monde.
Monsieur le Président,
Au crépuscule de l’aventure coloniale, le Président Léon Mba était de ceux qui, parmi les responsables politiques Africains de l’époque, avaient requis de faire le choix d’un partenariat privilégié avec la France, l’ancienne puissance tutélaire.
Pour son interlocuteur de l’époque, le Général de Gaulle, il existait déjà une communauté de destin entre la France et les pays africains de l’Empire, restés fidèles tout au long de la seconde guerre mondiale. Il avait pris l’option de ne pas abandonner à leur sort les jeunes Etats africains indépendants.
L’occasion m’est donc ici offerte, à quelques mois de la célébration des cinquante (50) ans de notre accession à l’indépendance, de réaffirmer solennellement la volonté du Gabon de consolider ce choix historique assumé depuis lors, en dépit de certaines difficultés, de divergences et de malentendus. Ce sont là, en tout état de cause, les vicissitudes d’un destin partagé.
Le Gabon et la France ont plus d’un siècle et demi d’histoire commune ponctuée, comme toute relation, de joies et de peines, d’épreuves et de défis. Cette rencontre doit beaucoup aux hasards de l’aventure humaine; ainsi que l’attestent les témoignages des acteurs de l’époque, notamment celui d’Edouard Bouët-Willaumez, signataire, le 9 février 1839, avec le Roi Denis Rapontchombo, d’un traiter qui se révélera inaugural de la présence française au Gabon.
Un an plus tard, en 1840, ce fut le tour du Prince de Joinville,3ème fils du Roi Louis Philippe de fouler la terre gabonaise lors d’une escale de son expédition qui le menait à Sainte Hélène pour récupérer la dépouille de Napoléon Bonaparte, afin de la ramener sur la Belle-Poule suite à une décision de la Chambre des Députés.
Ces expéditions et ces rencontres ont scellé le début d’une relation forte entre le Gabon et la France même si elle fut marquée par l’esprit de domination et d’exploitation, mais aussi par des sacrifices
Contribuer au développement.
Lors des deux conflits mondiaux du XXe siècle, comme dans bien d’autres, nos peuples ont payé un lourd tribut. Ainsi périrent de vaillants combattants Gabonais, comme le Capitaine Ntchorere, et de nombreux autres soldats anonymes et méconnus.
Une séquence historique au cours de laquelle le sang, la sueur et les larmes versés ont contribué à creuser les sillons fertiles d’une relation profonde entre nos deux peuples. Si tout homme de progrès se doit de respecter le passé, il est toutefois nécessaire de faire entrer la relation entre nos deux pays dans une ère nouvelle; dans un cadre nouveau.
Cette exigence nous est dictée par l’évolution des sociétés, la mondialisation et le prodigieux développement des sciences et des technologies, les impacts induits sur l’environnement mais aussi les légitimes aspirations des nouvelles générations. Monsieur le Président,
Mes ambitions pour mon pays sont grandes et illimitées.
Je veux relever les défis de l’emploi, de la santé, de la formation, de la croissance, de la bonne gouvernance, de la lutte contre la pauvreté et de la préservation de l’environnement pour garantir un mieux être aux générations présentes et futures de manière juste et équitable. Comme vous, je veux faire respecter et rayonner mon pays dans le concert des Nations.
J’ai fait le serment aux jeunes, aux femmes et aux Aînés de cette terre qui vous accueillent aujourd’hui, d’engager des réformes pour améliorer leur quotidien confronté aux problèmes d’eau, d’électricité, de logement, d’infrastructures routières, etc. Je réalise chaque jour qui passe, Monsieur le Président – et vous le savez d’expérience – qu’il faut avoir de l’audace pour conduire les réformes, tant il existe ici et là des poches de résistance.
La mise en œuvre de cette volonté constitue le but ultime de mon engagement politique, pour contribuer à changer la vie des Gabonais. Il n’y a pas d’autres voies pour faire du Gabon un pays émergent. Mes compatriotes ont adhéré à ce programme ambitieux et sont conscients des efforts et des sacrifices qu’impose la longue marche vers le développement.
Je sais que l’action comporte des risques et des sacrifices. Mais ne rien faire serait encore plus coûteux pour le Gabon. Je crois que nous partageons cette conviction. Monsieur le Président, Permettez-moi d’évoquer à présent quatre domaines dans lesquels nous attendons de nos partenaires une coopération soutenue pour accélérer le rythme de ces reformes : – l’industrialisation de notre économie; – l’environnement ; – la formation et la recherche; – la paix et la sécurité.
Notre économie doit connaître des profondes mutations, avec la mise en place des conditions de son industrialisation, par la transformation sur place, au Gabon de nos ressources, principalement les mines, le pétrole et le bois; trois secteurs dans lesquels on compte une forte participation des entreprises françaises.
La présence française au Gabon c’est d’abord et avant tout celle de milliers d’hommes et de femmes qui aiment cette terre et l’ont choisie pour y vivre et faire des affaires. Ils contribuent ainsi à son développement.
Je les encourage à continuer d’œuvrer à la construction de ce pays, que nombre d’entre eux considèrent, à juste raison, comme leur seconde patrie. Aujourd’hui, il est plus que jamais impérieux de créer les conditions pour sortir de l’économie de rente et opérer ce saut qualitatif vers un Gabon industriel. L’augmentation du budget d’investissement de l’Etat, qui a été multiplié par quatre, donne le ton de cette politique volontariste.
Se conformer strictement aux règles définies
Pour indispensable que soit l’exploitation de notre forêt, elle ne doit pas se faire au détriment de l’environnement. C’est pourquoi, Le Gabon vert est un engagement pour un développement durable dont les acteurs et les bénéficiaires doivent être, en priorité, les Gabonais. La décision, prise par le défunt Président Omar Bongo Ondimba, de créer 13 parcs nationaux et de consacrer ainsi 11 % du territoire national à la protection de l’environnement constitue une implication historique du Gabon dans ce combat global qu’est la préservation de l’environnement.
Je salue donc le rôle des ONG internationales qui font un travail remarquable dans ce sens. Et je les invite à se conformer strictement aux règles définies chez nous, en remettant l’Homme et la Culture au cœur du projet écologique.
Il ne serait pas bon de sauver les plantes et les animaux tout en laissant mourir les hommes et faire disparaître des traditions plusieurs fois millénaires. La vraie écologie, la bonne écologie est une défense de la bioculture, qui n’oppose pas nécessairement la nature à l’Homme. Il faut donc trouver la médiane, le juste milieu, le nécessaire compromis entre les exigences du développement et la préservation des écosystèmes.
Au Gabon, nous voulons qu’il ne soit pas forcément opposé Nature et culture. Monsieur le président, Toutes ces mutations exigent une redéfinition des objectifs de notre enseignement, à tous les niveaux de son parcours, et qui doit, notamment prendre en compte les métiers liés aux nouvelles orientations de notre économie.
La professionnalisation des filières, la redéfinition des offres de formation, dans des structures plus autonomes, en relation avec les entreprises, doit permettre de reconfigurer totalement notre système éducatif. Nos écoles, nos centres de formations et nos universités n’en seront que plus attractifs.
L’élargissement de l’offre de formation contribuera ainsi à réduire le nombre d’étudiants boursiers que nous envoyons à l’étranger, notamment en France. Nous saluons les dispositions qui ont déjà été prises pour faciliter leurs conditions d’accueil et d’études, mais dont l’application pose parfois problème du fait des interprétations différentes en fonction des administrations et des zones de résidence. Réciproquement le Gabon a mis en place des conditions favorables pour les chercheurs et étudiants français qui séjournent chez nous, des facilités leur sont effectivement accordées.
Monsieur le Président,
Je sais que sous votre impulsion, la France a engagé des reformes importantes de son système éducatif. Le Gabon compte bénéficier de cette expérience pour faire évoluer le sien, le rendre plus performant afin qu’il soit le levain de notre développement. Les échanges d’expériences et la réalisation de projets communs doivent continuer à nourrir notre coopération scientifique afin d’obtenir des résultats significatifs. Et, de ce point de vue, il n’y a pas meilleur exemple que celui du Centre International de Recherches Médicales de Franceville (CIRMF) que vous venez de visiter, et qui vient de célébrer ces trente ans d’existence.
En effet, peu de pays dans le monde disposent d’une telle structure de renommée internationale. Cest le fruit des sages décisions du Gabon, la marque d’une exemplaire coopération entre nos deux pays. Aujourd’hui, le CIRMF est un symbole concret et emblématique de la présence du Gabon dans la communauté scientifique Internationale.
Ce remarquable outil au service du développement est une illustration parfaite de la réussite d’un partenariat Public-Privé au profit de la recherche de haut niveau, miroir d’un Gabon qui se veut émergent. Mon souhait est que la réussite éclatante du CIRMF rejaillisse sur l’Université gabonaise et profite amplement à notre système de santé.
Monsieur le Président,
La construction de la paix et la réalisation de l’entente entre les peuples ont toujours constitué des points matriciels de l’action diplomatique de mon pays. J’entends donc poursuivre avec la même détermination le travail accompli par mes illustres prédécesseurs et compte beaucoup sur le partenaire traditionnel qu’est la France, pour avancer. Et nous avancerons, en dépit des inerties qui se dressent devant nous. Le travail que nous faisons depuis de nombreuses années pour le maintien et la restauration de la paix dans certains pays de la sous¬région doit continuer; comme en République Centrafricaine, où le Gabon joue un rôle moteur au sein de la MICOPAX.
Notre combat contre la corruption
Les questions de paix et de sécurité dans notre sous-région, comme ailleurs en Afrique, resteront une préoccupation de tous les temps. Au sein du Conseil de Sécurité des Nations unies, où le Gabon siège depuis le 1er janvier 2010, nous comptons assurément sur le membre permanent que vous êtes pour mutualiser nos efforts afin d’impliquer davantage l’ONU dans la recherche de la paix et de la sécurité dans le monde.
Monsieur le Président,
Je considère, comme vous, que l’heure de la rénovation de notre relation a sonné; l’heure d’y apporter les inflexions nécessaires et salutaires dans le style et le rythme qui conviennent aux uns et aux autres.
Cest dans cet esprit que j’entends agir; et je vous affirme d’ores et déjà ma disponibilité à y réfléchir avec vous. Vous et moi ignorons le contenu réel de ce qui est communément et confusément appelé« FRANCE AFRIQUE» mais nous assumons courageusement cet héritage historique riche aussi bien d’aspects positifs que négatifs. Bien heureusement, vous et moi constatons que la politique des tutorats, des réseaux et des leçons est aujourd’hui dépassée et révolue. Nous restons forts convaincus qu’une amitié franche et sincère se nourrit de conseils réciproques.
Cest dire que l’heure est venue de faire émerger un réel partenariat gagnant-gagnant, à la mesure des aspirations respectives de nos deux peuples. Dans cet esprit, nous assumerons entièrement nos responsabilités pour que dorénavant nos manquements ne soient plus imputés aux autres. C’est la condition nécessaire de notre respectabilité.
Les conditions me semblent donc réunies pour que nous écrivions ensemble les nouveaux chapitres de l’histoire des relations entre nos deux pays, la France et le Gabon. Les instruments juridiques que nous allons signer tout à l’heure, qui concernent notamment le plan d’action pour un partenariat stratégique, l’accord de Défense sont de notre temps et posent les jalons d’un partenariat franc, décomplexé, donc marqué du sceau du respect.
Si nous partageons continuellement cette volonté de mouvement, cette prise en main de notre destin, nous récolterons, j’en suis sûr, les meilleurs bénéfices pour nos deux peuples. Tout conservatisme, toute inertie serait un rendez-vous manqué avec l’histoire.
Monsieur le Président,
Nous sommes ici à la « Cité de la Démocratie ». Cest qu’au-delà des mots et des slogans politiciens, je veux faire du Gabon une terre d’enracinement du système démocratique, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance. Notre combat contre la corruption et toutes les formes de prévarications est un engagement résolu.
J’attache donc une importance particulière à la Société civile que je veux plus expressive, plus dynamique dans l’action en faveur de la démocratie et du développement. Voilà, Monsieur le Président, mon ambition pour le Gabon.
Construire un Gabon émergent
Mais au-delà de cette ambition, pour laquelle je ne ménagerai aucun effort, je voudrais pouvoir compter sur la France, cette amie de toujours. L’Afrique vous tient à cœur et rien de ce qui la concerne ne vous, est etranger. Vous l’avez si bien prouvé à l’occasion de la conférence de Copenhague et de la réunion des Chefs d’Etat des pays du bassin du Congo à Paris. Au cours de ces deux rencontres, vous vous êtes battu à nos côtés pour défendre nos positions sur la nécessité de préserver sainement nos écosystèmes.
Nous saurons donc toujours compter sur vous dans les instances internationales où se déroulent les négociations sur l’avenir du monde. Nous aurons besoin de vous pour un dialogue franc sur toutes les questions d’intérêts communs.
Nous aurons besoin de vous pour mieux fructifier notre coopération sur les plans économique, social et culturel. En retour, nous vous assurons de notre amitié et de notre disponibilité à œuvrer inlassablement au renforcement de notre partenariat légendaire.
Monsieur le Président,
Si dans la vie d’un homme 50 ans c’est l’âge de l’accomplissement de ses projets, il en va tout autrement pour une Nation. C’est dire qu’ici au Gabon, n’en déplaisent à nos détracteurs, des avancées remarquables ont été enregistrées sur plusieurs plans. Mais nous restons pleinement conscients que beaucoup reste à réaliser.
Comme on dit chez-vous, Monsieur le Président, Paris ne s’est pas construit en 100 jours. Face donc à tous ceux qui doutent de notre volonté de construire un Gabon émergent, juste et crédible, nous répondons, Monsieur le Président, comme les jeunes de Libreville et ceux de toutes les provinces du Gabon : Laissez-nous avancer!
Face à ceux qui doutent encore de la solidité de notre partenariat, nous disons : Laissez-nous avancer! Face aux esprits négatifs qui refusent à dessein de reconnaitre l’évolution positive du Gabon, Laissez-nous avancer! Face aux afropessimistes, à ceux qui avaient prédit le pire pour le Gabon et à ceux qui doutent de notre capacité, nous réitérons: Laissez-nous avancer! Nous savons que nous trébucherons en chemin, Nous savons que nous chancèlerons, Mais nous nous Re lè ve rons, Et nous avancerons.
Monsieur le Président,
Je voudrais enfin vous redire, combien nous sommes heureux de vous avoir parmi nous, loin du froid hivernal actuel de votre douce France. Bon séjour au Gabon, dans la chaleur des cœurs et du soleil équatorial.
Je vous remercie.