Si les industries du cinéma, de la musique et de la danse parviennent aujourd’hui à se trouver une place dans la société gabonaise, le théâtre semble, lui, encore coincé en coulisses. A l’occasion de la célébration ce 27 mars de la Journée mondiale du théâtre, l’acteur, dramaturge et metteur en scène Dominique Douma, a des rêves précis sur le théâtre gabonais. Dans cette interview, il insiste sur la nécessité pour la discipline de «trouver sa symbiose entre tradition et modernité», afin de se créer un public et surtout un marché viable.
A quoi sert le théâtre ? Qu’est-ce que cela peut apporter dans le quotidien d’un jeune gabonais?
«Le théâtre est un geste civique de la littérature individuelle, mais soumis aux jugements et rendu publique dans l’espace de la cité. Le théâtre c’est aussi le lieu transparent et immédiat entre la scène qu’occupent les acteurs et la cité qui est représentée par le public, le théâtre est aussi l’espace matériel du partage entre les êtres humains qui composent la cité. (…) Il faut reconnaitre que le théâtre dans la société est une forme de pool de respiration sociale et civique. Voila comment je peux définir le théâtre dans la société.
Mais qu’est-ce que cela peut apporter concrètement dans le quotidien d’un Gabonais ?
(…) C’est à travers le théâtre que l’acteur ou le public acquière le sens de la responsabilité. Vous savez dans une société la responsabilité est une valeur très importante, il y en a qui sont chef de chantier, boulanger…
Mais comment le théâtre permet d’acquérir le sens de responsabilité ?
(…) Il y a certaines valeurs que les personnes ont totalement oubliés dans la société, par exemple la sincérité, la vérité…et le théâtre aide, à travers ses pièces, à travers le spectacle, à transmettre ces valeurs là aux êtres humains. C’est pourquoi quelqu’un qui a l’habitude de fréquenter par exemple le théâtre, quand il en sort, il acquière certaines valeurs s’il prend le temps de bien réfléchir sur la pièce qu’il a regardé.
Quel est selon vous l’état des lieux actuel du théâtre au Gabon ?
Le théâtre gabonais depuis l’indépendance est très embryonnaire jusqu’à présent. Il y a une grande volonté artistique chez ceux qui font le théâtre, chez toutes les personnes qui sont engagées dans le théâtre, malheureusement, ces personnes là ne rencontrent pas une volonté politique bienveillante et c’est la raison pour laquelle tous les efforts que les hommes de théâtre font depuis les indépendances n’arrivent pas à faire en sorte que le théâtre décolle, (…) il n’y a pas les mesures d’accompagnement.
Vous savez par exemple que le théâtre manque de salle de représentation et quand un comédien n’a pas une salle pour s’exprimer, cela complique un peu sa pratique. Les hommes de théâtre n’ont pas de subventions. L’art du spectacle en général et le théâtre en particulier est une industrie, il faut acheter du tissu pour faire des costumes, il faut acheter des matériels pour faire des décors, il faut payer le transport des comédiens quant ils viennent pour des répétitions, il faut faire des affiches de la publicité pour annoncer un spectacle, et quand vous jouez dans une salle, il faut louer la salle, pour tout cela il faut de l’argent.
(…)
On fait un peu avec des moyens de bord mais c’est un théâtre qui reste encore amateur.
Pour que l’Etat investisse dans le théâtre, il faudrait qu’il constate que les gens vont voir les productions du théâtre qu’il va subventionner. Comment comptez-vous développer cet art dans ce pays pour que l’Etat donne des subventions ?
Lorsque moi personnellement j’ai constaté tous les manquements que je viens de vous énumérer, j’ai créé des activités privées et c’est à travers ces activités privées que j’ai essayé de faire en sorte que le théâtre soit de qualité. Je vais du principe que lorsque vous faites des spectacles de qualité, vous avez la possibilité de faire venir le public parce que le publique viendra voir le spectacle de qualité et ce public là peut revenir chaque fois que vous programmez un spectacle et même si vous leur imposez un droit d’entrée ils payeront.
Est-ce qu’il ya un public pour le théâtre au Gabon ?
Oui, il y a un public pour le théâtre au Gabon, mais je reconnais que les hommes de théâtre eux aussi ne présentent pas des théâtres de qualité, c’est la raison pour laquelle nous avons perdu ce public, le public boude un peu le travail des hommes de théâtre. C’est la raison pour laquelle l’Etat se dit : tant que le théâtre n’a pas atteint une certaine qualité supérieure, pourquoi subventionner un art qui reste encore mineur ? C’est à nous les hommes de théâtre de faire un travail de qualité pour que le public que nous avons perdu revienne et pour que l’Etat comprenne qu’après tout, ce que nous faisons est bon, que cela a une utilité publique.
La plupart des arts au Gabon n’obtiennent pas une assistance optimale des autorités. Comment parviendrez-vous à conquérir l’aide des autorités pour développer cet art aujourd’hui ?
La première chose pour laquelle je me bats maintenant est la fédération gabonaise du théâtre qui va être l’interlocutrice de l’Etat, pour leur dire que les hommes de théâtre se sont organisés, qu’il y a des troupes qui existent et que ces hommes de théâtre ont pris à bras le corps le travail du théâtre en l’améliorant. Et il faut que l’Etat accompagne ces activités en leur apportant toute l’assistance qu’il faut donc les salles de spectacle, les subventions et faire en sorte qu’aller au théâtre au Gabon deviennent une tradition et suscite un engouement. L’Etat finira par comprendre que c’est une industrie, c’est une activité qui peut faire la promotion du Gabon et qui peut améliorer le quotidien du Gabonais.
Quand je prends l’exemple de la musique, nous avons des structures qui essayent de donner le soutien nécessaire, mais malgré ces structures qui font l’intermédiaire entre le gouvernement et les artistes, on n’arrive toujours pas à avoir les droits d’auteur au Gabon et ces artistes ne bénéficient pas d’un soutien optimal. Alors par quel moyen l’Etat va pouvoir débloquer ces fonds pour le théâtre alors qu’il n’arrive pas à le faire pour d’autres disciplines plus populaires ?
Nous savons que l’Etat veut développer l’agriculture, la pêche au Gabon. Nous au théâtre nous allons nous associer à cette volonté de l’Etat en faisant des pièces par exemple pour conscientiser les citoyens à s’intéresser à la terre, faire des pièces qui feront en sorte que le théâtre accompagne l’action des autorités. Nous sommes convaincus que si nous accompagnons cette volonté de l’Etat de vouloir améliorer la mentalité des gabonais, l’Etat sera obligé de mettre à la disposition du théâtre des moyens qu’il faut pour que nous fassions des spectacles qui peuvent voyager ici et là. Le bras de fer qu’il ya entre l’art et l’Etat gabonais c’est parce que la musique par exemple, dénonce les travers politique, on ne va pas financer une arme qui se dresse contre nous. Nous, nous avons compris le bras de fer qui se passe entre les politiciens et les artistes et on s’est dit que si on continuait à faire ce bras de fer on n’aura pas gains de cause. (…) Comme le théâtre lutte beaucoup aussi pour l’amélioration de la mentalité du Gabonais, nous essayons de prendre les termes qui sont développés par l’Etat.
Le théâtre est un moyen de contestation des autorités impliquées dans les souffrances du peuple. Ne serait-ce pas dénaturaliser le théâtre si vous venez à prendre les termes développés par l’Etat ?
Pas du tout, c’est une stratégie ! Parce qu’autant le théâtre lutte contre les travers politiques, qui affament les citoyens, mais de l’autre côté, il faut que nous le théâtre aidions la population à s’autodéterminer. Si par exemple nous jouons des pièces où nous disons aux citoyens gabonais de travailler la terre, cela permet au peuple d’être autonome et de se foutre un peu de la gueule des politiciens entre guillemets, parce qu’un peuple qui va s’intéresser à l’agriculture, qui va aller aux champs il va vivre du fruit de son travail, il ne pourra plus être l’esclave des politiciens, et c’est la raison pour laquelle nous disons que cela ne dénaturalise pas le théâtre.
A quoi sert de toujours contester si nous n’apportons pas de solution ? Nous, nous pensons que si nous disons aux gabonais, écoutez, n’attendez pas que des ministres vous apportent des cartons de cuisse pendant les campagnes, intéressez-vous plutôt à la terre, vous autofinancez votre vie et vous n’attendrez pas de dons de qui que ce soit. C’est un peu notre stratégie à nous pour juguler le bras de fer qui fait en sorte qu’on ne nous apporte pas les moyens.
Vous avez le projet de monter une école supérieure de théâtre au Gabon. Quels débouchés pour vos étudiants ? Quels niveaux pourront-ils obtenir dans cette école ?
La première chose que mon école ferra c’est qu’à la sortie de la formation, les étudiants seront nantis de plusieurs compétences qui feront en sorte qu’ils soient eux même auto-entrepreneur du spectacle vivant. Moi quand je suis sorti de la formation, l’Etat m’a engager comme comédien d’Etat, mais ce n’est pas ce statut d’Etat qui a fait en sorte qu’aujourd’hui j’ai pu faire une grande carrière, mais tout simplement parce que j’ai créé mes propres troupes à moi, j’ai créé mes spectacles, et j’ai participé à des spectacles et festivals en Europe, et cela est de ma propre initiative et mes troupes marchaient très bien.
La compétence de ceux qui sortiront de mon école est d’abord être autonome, créer leur troupe de théâtre, créer leur évènement pour être au parfum de tout ce qui se passe en Europe ou ici en Afrique, ça c’est le premier point. Le deuxième est que beaucoup de ceux qui sortiront de cette école seront formés au niveau du maquillage, du décor, au niveau de la mise en scène, ils auront la possibilité, lorsqu’ils sortiront de là d’être intégrés à la télévision pour jouer des pièces, pour être acteur ou présentateur de télévision, il y a le cinéma qui peut les accueillir ; Il y a beaucoup des comédiens que j’ai formé qui sont les grandes têtes d’affiche du cinéma gabonais en ce moment. Ils pourront aussi aller enseigner le théâtre dans les établissements scolaires, que ce soit au pré-primaire, primaire, secondaire ou universitaire. Ils peuvent aussi faire du management artistique, l’école en formera car il en manque au Gabon, il n’y a pas de manageurs artistiques.
Quels seront les diplômes que l’école délivrera ?
L’école va être supérieure avec des stages dans des universités européennes, parce que moi-même j’ai été formé en France, j’ai un doctorat en théâtre. J’étais à l’université Paris III Sorbonne, j’ai suivi une formation à Paris VIII Saint-Denis, à Paris X Nanterre. Donc ces universités là en France sont spécialisées en théâtre et avec les accords que nous avons signés avec mon école vont permettre à mes élèves d’aller suivre les stages là-bas et ceux qui veulent faire un master ou un doctorat en théâtre vont le faire là-bas et reviendront avec des diplômes supérieurs avec la possibilité qu’ils soient accueillis à la fonction publique pour ceux qui veulent aussi être des fonctionnaires d’Etat, pourquoi pas. Maintenant ceux qui veulent se mettre à leur propre compte pourront ouvrir des ateliers et créer leur troupe de théâtre.
Est-ce que la demande existe ?
Oui, la demande existe. Moi je suis rentré au pays ça fait déjà un mois et je vous assure que partout où je me rends même dans des administrations, je rencontre des citoyens gabonais qui me disent : monsieur Douma où pouvons nous faire du théâtre ? Parce qu’on veut faire du théâtre. Il y a un grand besoin de venir au théâtre pour améliorer sa diction, faire de l’expression corporelle, travailler sur la concentration, et cela rejoint un peu ce que je vous ai dit tout à l’heure sur la responsabilité. On se rend compte qu’il ya des gens qui ont besoin des techniques du théâtre pour la maîtrise de soi, il y a une grande demande et si on offre à ces personnes là la possibilité d’aller suivre une formation théâtrale, on aura déjà un public qui viendra déjà pour se former, mais aussi un public qui amènera d’autres personnes venir regarder les spectacles que nous allons organiser. Donc je pense qu’à l’heure actuelle l’offre et la demande sont aujourd’hui d’actualité.
Le théâtre est un des vecteurs pour acquérir la maîtrise de soi, le sens des responsabilités, mais quels sont les antécédents traditionnels de l’art théâtral dans les cultures locales pour que les gens se tournent vers le théâtre ?
La société gabonaise comme toutes les sociétés africaines se trouve à cheval sur les mœurs ancestrales et la civilisation moderne, qui nous revient d’ailleurs. Cela fait en sorte qu’aujourd’hui l’homme de théâtre se retrouve dans une situation très compliquée parce que lorsqu’il veut faire des pièces de théâtre qui font ressortir nos valeurs traditionnelles, vous avez un public qui dit que tout cela est déjà dépassé. Et vous avez même des politiciens qui disent : nous ne sommes plus à ce stade du passé, au contraire, ils veulent même faire en sorte que tout le monde soit dans de belles voitures, dans de beaux bureaux, tout un tas d’histoire. Mais l’homme de théâtre comme il est tenace, il veut absolument faire actualiser sa tradition et c’est la raison pour laquelle les hommes du théâtre qui ont essayé jusqu’à présent à faire cela ont eu du mal à jouer ce rôle là. Il y a en qui sont même morts. Les hommes de théâtre actuels ayant compris ce conflit là entre le passé et le présent, sont entrain de réfléchir pour mettre en place une recherche pour savoir le spectacle qui peut passer en ce moment, c’est-à-dire même au niveau des textes, nous essayons de choisir les textes qui peuvent attirer l’attention de l’homme gabonais aujourd’hui, qu’il soit politicien, qu’il soit un simple citoyen. C’est la raison pour laquelle je vous disais que le théâtre reste un laboratoire qui permet de se remettre tout le temps en cause.
Vous n’avez pas répondu à ma question, quels sont les antécédents traditionnels de l’art théâtrale, dans quel aspect de la tradition des cultures du Gabon trouve-t-on l’art théâtrale qui se manifeste à travers les cultes traditionnel, les danses traditionnelles, etc… ?
C’est ce que je vous disais tout à l’heure, je vous parlais des mœurs ancestrales, mais nos mœurs ancestrales, c’est tout ce que nous rencontrons quand nous allons au Bwiti, quand nous allons voir les femmes danser le Ilombo, par exemple quand nous allons au Woleu-Ntem, nous regardons le rituel du Byéri, quand nous allons à Mayumba regarder la danse féminine du Djikoumbi c’est cela qui en principe est déjà le fondamental de notre théâtre ici. Mais malheureusement lorsque l’homme du théâtre gabonais veut mettre ces rituels en avant pour dire aux citoyens : voici notre théâtre, voici notre histoire, le public est réfractaire à ce théâtre traditionnel parce que tout simplement il y a l’aliénation culturelle qui est là qui fait en sorte que maintenant il y a un problème pour le gabonais d’accepter de revivre sa propre tradition. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui nous réfléchissons pour savoir comment faire en sorte que ces antécédents qui aujourd’hui assombrissent un peu le devenir du théâtre gabonais soient maintenant mis au goût du jour pour que les gens reviennent sur ces rituels là.
En dehors de Libreville, trouve-t-on des pièces de théâtre qui se jouent à l’intérieur du pays ?
Non c’est le grand problème que nous avons en ce moment, c’est la raison pour laquelle moi, individuellement, et la fédération gabonaise du théâtre en général, nous essayons d’inciter les auteurs pour écrire des pièces de théâtre. Au Gabon, il nous manque des pièces de théâtre éditées. Si par exemple le théâtre européen fonctionne très bien c’est parce que quand vous allez dans une bibliothèque vous avez mille pièces de théâtre qui ont été écrites or ici il manque des pièces de théâtre. Moi-même j’ai écris des pièces de théâtre mais je crois qu’il n’est pas question que nous jouons nos pièces à nous, c’est toujours bien de jouer des pièces écrites par d’autres personnes.
Aujourd’hui on a des écrits par exemple sur le Mvett, il ya des ouvrages entiers qui retranscrivent des épopées tirées du Mvett et cela constitue un répertoire qui peut être utilisé pour le théâtre et si vous allez jouer une telle pièce à Oyem, c’est sûr que le public sera récepteur.
Pour les cinquantenaires de l’indépendance du Gabon, j’ai pris la responsabilité de faire jouer au mois d’août la pièce ‘Le combat de Mbombe’ de Vincent De Paul Nyonda. C’est une pièce qui parle du passé, mais pour faire jouer cette pièce là, il a fallu l’intégré dans un évènement pour être sûr que les gens viendront pour regarder la pièce parce que il y un évènement. Je reviens encore sur l’expression théâtre laboratoire c’est qu’avant de reprendre le Mvett ou l’épopée Wongo, il faut que nous fassions un état des lieux pour savoir si, si nous rejouons ces épopées là, les gabonais seront prêts à revivre ces épopées et c’est la question que nous nous posons. Mais nous savons qu’il y a une richesse ancestrale, qui est encore là, mais maintenant il faut que nous trouvions une méthodologie, la bonne méthode pour vraiment jouer ces œuvres là et faire en sorte que les gens viennent nous regarder.
D’autres arts du spectacle comme la danse ou le slam aujourd’hui arrivent à faire cette transition que le théâtre apparemment n’a pas réussi à faire avec ses antécédents traditionnels. Est-ce que le théâtre n’aurait pas intérêt à s’associer à ces registres pour parvenir à opérer sa mue ?
Oui c’est une question à laquelle moi j’ai réfléchis personnellement parce que je reviens de cinq ans d’une formation doctorale en France et ma thèse est intitulée «Comment intégrer les rituels dans le jeu de l’acteur gabonais et dans la construction de la mise en scène ? ». C’est pour vous dire que c’est parce que j’étais conscient de cette nécessité là d’associer la danse de chez nous, les traditions de chez nous dans le théâtre moderne que j’ai pris le temps d’aller réfléchir pour voir comment cela se passe. La musique nous a précédé à travers le slam, à travers le Hip-hop, j’ai même entendu des morceaux hip-hop où des musiciens de nos provinces ont introduit des instruments traditionnels. Donc la musique a déjà un pas en avant, aujourd’hui le théâtre est engagé dans la même voie, moi j’ai beaucoup analysé la façon par exemple nous pouvons puiser dans le Mvett, l’instrument du Mvett, le son du Mvett comment l’intégrer dans un spectacle moderne, les sons de nos tam-tam, comment les intégrer dans nos spectacles pour que ce ne soit pas une coloration simplement, pour que ça soit vraiment un personnage dans un spectacle ? Comment faire en sorte que le maquillage de nos parents avant ne devienne pas seulement des choses folkloriques qui feront rire le public dans un spectacle, mais que ce soit vraiment une véritable expression où la couleur doit signifier quelque ? Parce que chez nos parents, la couleur signifiait quelque chose, le noir avait un sens, le rouge un sens, le blanc et ainsi de suite, et au niveau de la danse même, nos pas de danse, on ne soulève pas le pied n’importe comment, les postures, la façon de se tenir sur la scène, être debout, assis, être à même le sol, tout cela a un sens. Tout mon travail s’est basé sur cette réflexion là, il fallait analyser cela. Maintenant nous sommes arrivés à un stade où il faut tout cela dans le théâtre moderne avec un sens et nous allons maintenant nous attaquer à tout cela.
C’est la raison pour laquelle le travail que je vais faire avec la fédération gabonaise que je dirige va donc s’orienter vers cela et mon école va expérimenter tout ce que je suis entrain de vous dire. La musique et la slam ont déjà fait la symbiose de nos traditions avec la modernité, le théâtre est aussi entrain de s’orienter vers cela et je pense, je suis confiant que dans un an on aura réussi à donner au théâtre la vraie identité qu’il faut pour que tout le monde s’intéresse à cela, pour que le public qui va venir se retrouve dans ce spectacle en se disant enfin, le théâtre parle de notre histoire et nous pouvons partir suivre. Et que les hommes politiques aussi se rendront compte que le théâtre ne s’écarte pas de la volonté du peuple et qu’à ce moment là il faut qu’on donne des moyens à ce théâtre là.
Comment peut-on amener les Gabonais qui ont du mal à se loger, à joindre les deux bouts, à trouver même 1000 francs CFA pour payer une place assise pour assister à un spectacle de théâtre ou suivre un cursus dans une école supérieure de théâtre ?
Pour le peuple qui est dans la paupérisation, le théâtre a d’abord le rôle de lui dire qu’il compati à ces douleurs. (…) La deuxième chose est de permettre qu’une pièce jouée conscientise les gens. C’est le théâtre qui doit dire à des gens qui cherchent des solutions à leur vie : voilà ce que nous on vous apporte comme solution, vous avez des mains, vous avez une intelligence, vous avez des pieds, mais pourquoi vous ne pouvez pas utiliser tout ce que vous avez en vous pour aller faire des petits métiers, le théâtre doit éduquer le citoyen pour lui dire que vous avez des potentialités en vous, réveillez vous et allez travailler, trouvez n’importe quoi. C’est ce qui ferra que chaque soir, vous revenez à la maison avec une petite recette. C’est lorsque le théâtre va réussir à faire prendre conscience de certaines choses qu’il pourra réussir à faire en sorte que le citoyen un jour soit conscientisé. Alors il pourra revenir écouter le théâtre et réalisera que si son enfant suit les cours de théâtre, il pourra avoir une licence, un master en théâtre, donc devenir aussi quelqu’un qui pourra avoir un grand poste dans la société, être comme le médecin qui a obtenu un doctorat en médecine. C’est cette démarche de conscientisation qui fera qu’ils comprendront le sens de faire du théâtre.
(…)
J’ai sacrifié toute ma vie au théâtre, je suis encore dans le théâtre aujourd’hui, mon cursus se résume à cela, la passion du théâtre hier, aujourd’hui et demain».