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Gabon – Henri-Claude Oyima : « Nous voulons être présents dans quinze pays en 2015 »

Alors que le groupe gabonais vient de coordonner un prêt bancaire historique accordé à l’État, son patron, 53 ans, négocie un nouveau virage stratégique, notamment à travers une augmentation de capital de 30 milliards de F CFA. Objectif : devenir l’une des deux premières banques de la zone franc.

Jeune Afrique : Le 5 mai, un consortium d’une quinzaine de banques, dont BGFI est le chef de file, a accordé un prêt de 175milliards de F CFA (267 millions d’euros) à l’État gabonais. Comment s’est conclue cette grande première ?

Henri-Claude Oyima : C’est en effet la première fois que des banques locales accordent un prêt bancaire de cette ampleur à l’État. Le sujet était en discussion depuis un mois environ. La décision a été prise lors du conseil des ministres qui s’est tenu en mars dernier à Port-Gentil. Ce jour-là, mandat a été donné à BGFI d’organiser le tour de table.

Comment avez-vous convaincu les autres banques ?

D’abord, le prêt a pour objet de rembourser partiellement la dette intérieure du pays. Donc les premiers bénéficiaires des fonds seront les entreprises locales, c’est-à-dire des clients de ces banques, qui pourront ainsi redynamiser leurs programmes d’investissement et renforcer leur trésorerie. Enfin, l’État rémunère très bien ce prêt à dix-huit mois, avec un taux de 6 %, alors que les emprunts obligataires d’État sont plutôt à 5 %.

Pour BGFI Bank, est-ce une forme de reconnaissance ?

En tant que chef de file, vous avez une obligation de convaincre. Vous mettez à l’épreuve votre capacité de mobilisation. C’est une marque de confiance de l’État gabonais dans le secteur bancaire qui n’existait pas il y a quelques années encore. Nous aurions alors eu du mal à monter une opération pareille et jamais l’État ne nous l’aurait demandé. Aujourd’hui, par ce succès, la confiance s’est installée entre les banques et les autorités. J’espère qu’elles nous permettront de monter des opérations futures plus importantes, plutôt que de les voir confiées à des banques ou des fonds d’autres pays.

En parallèle, vous réorganisez le groupe BGFI Bank. Dans quel but ?

Nous sommes à la recherche d’une plus grande efficience dans notre fonctionnement, afin de compter parmi les deux premiers groupes de la zone franc à l’horizon 2015 [selon le classement J.A. 2009 des 200 premières banques africaines, BGFI Bank est en quatrième position par le total de bilan, NDLR]. Nous étions une banque monopays et monométier, aujourd’hui nous sommes présents dans cinq pays et dans plusieurs métiers de la banque. Il nous fallait donc une société de tête qui supervise, oriente et conseille le groupe. BGFI Bank SA, jusque-là antenne gabonaise du groupe, devient le holding. Ses actifs et activités bancaires sont transférés à BGFI Bank Gabon, qui en sera une filiale. Comme elle, toutes nos autres banques doivent être des sociétés autonomes capables de se refinancer sur leur marché où elles visent le leadership. L’augmentation de capital lancée le 30 avril vise, elle aussi, à accompagner ce développement. Nous voulons être présents dans quinze pays en 2015. Les nouvelles réglementations imposent d’avoir un capital minimum de 10 milliards de F CFA [15 millions d’euros, NDLR] pour ouvrir une ­banque. Nous comptons donc sur ces 30 milliards de F CFA et sur notre cash-flow pour atteindre cet objectif.

Avec le relèvement du capital social des ­banques, on s’attend à un mouvement de concentration, notamment en Afrique de l’Ouest. Y voyez-vous des opportunités ?

Bien sûr ! Nous sommes des banquiers et des entrepreneurs, et nous allons où nous pouvons maximiser la rentabilité de nos actions. Aujourd’hui, nous sommes dans une stratégie de croissance organique, mais nous n’excluons pas les possibilités de rachat et de partenariat avec une banque ou un groupe bancaire sur des marchés à fort potentiel. Cela nous permettrait d’aller plus vite dans notre projet de développement. Nous restons donc ouverts à toutes les opportunités.

Les reculs en 2009 du produit net bancaire et du résultat net du groupe, respectivement de 17 % et 16 %, n’entravent-ils pas votre stratégie d’expansion ?

La banque couvre tous ses frais généraux avec les commissions qu’elle perçoit sur ses activités d’intermédiation classique, c’est-à-dire les crédits accordés aux clients. En 2009, ces commissions ont baissé parce que l’activité n’était pas au rendez-vous en raison de la crise internationale, et leur niveau n’a pas suffi à couvrir ces charges. C’est ce qui explique la baisse du produit net bancaire et du résultat net. Heureusement, il y a eu des signes de reprise en début d’année avec le nouveau gouvernement, qui a donné des signaux très forts. Il faut maintenant concrétiser ces annonces. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où le discours très novateur est là, mais où l’on attend que tout se mette en place. C’est-à-dire le règlement de la dette intérieure, le lancement des projets d’investissements de près de 900 milliards de F CFA [1,4 milliard d’euros, NDLR], tels qu’ils sont prévus dans la loi de finance 2010. Quand toutes ces promesses se transformeront en actes, les choses se débloqueront rapidement.

En 2009, des concurrents, et pas des moindres (Ecobank et UBA), ont investi le Gabon, votre principal marché. Votre leadership est-il menacé ?

La concurrence ne nous inquiète pas, d’autant moins que nous l’affrontons déjà à l’extérieur du Gabon. C’est tant mieux pour la clientèle gabonaise si des banques de renom, qui ont fait leurs preuves ailleurs, viennent sur notre marché. Outre les banques que vous venez de citer, le groupe Attijariwafa Bank est déjà présent au Gabon via le Crédit agricole, qu’il a racheté. Il occupe la troisième place du marché. C’est important pour nos collaborateurs de savoir que les clients restent chez nous pour la qualité de nos services et pas uniquement pour notre nom. Et nous disposons d’importants moyens pour faire face à cette concurrence. Nous avons un capital de 113 milliards de F CFA [172 millions d’euros, NDLR] et des fonds propres les plus élevés de la zone, à 140 milliards de F CFA [213 millions d’euros, NDLR]. Cela nous procure une très grande capacité d’intervention par rapport aux autres banques. Ceci étant, les statistiques montrent qu’il y a de la place pour tout le monde. Le taux de bancarisation est en dessous de 5 %.

Le potentiel du marché bancaire dans les pays de la zone franc est-il aussi grand que le disent les acteurs du secteur ?

Absolument ! Le potentiel est énorme. Je parlais du taux de bancarisation, celui-ci est de plus de 95 % en Europe ! C’est le métier des banques de la zone de faire en sorte que ce taux soit le plus élevé possible. Par ailleurs, alors que nos gouvernements vont généralement s’endetter auprès de bailleurs de fonds étrangers, nous venons de démontrer qu’il y a une possibilité pour les banques de la zone d’intervenir sur ce créneau, pour financer soit des investissements courants, soit des investissements structurants…

Tous les grands pays émergents ont, d’une manière générale, de grandes institutions financières pour accompagner leur développement. Nous ne pouvons pas bâtir le nôtre uniquement avec des institutions étrangères. Nous devons créer des banques fortes pour soutenir nos États dans leurs efforts.

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