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La presse engendre la démocratie au Cameroun, à travers le continent

En partenariat avec le Comité de Protection des Journalistes, l’Agence de presse en ligne « GABONEWS » débute, ce samedi, la publication d’une série d’articles sur les doyens de la presse africaine francophone et leur bilan de 50 ans de presse, dans le cadre du cinquantenaire des indépendances d’une quinzaine d’ex-colonies françaises, avec, en ouverture, le thème : « La presse engendre la démocratie au Cameroun, à travers le continent », traité par Célestin Lingo, ancien président de l’Union des journalistes du Cameroun et Secrétaire général du Réseau Médias pour les Elections (NETWEL).

« Le 1er janvier 1960 à l’occasion de la proclamation de l’indépendance de la partie francophone du Cameroun, je suis obligé, avec d’autres camarades du Lycée Leclerc de Yaoundé de prendre part au grand défilé organisé par le président Ahmadou Ahidjo.

A l’époque, j’écrivais de temps en temps des articles pour le journal de l’établissement, mais aussi pour Les Nouvelles du Moungo, un mensuel édité par la préfecture de mon département d’origine, à Nkongsamba.

Encore déstabilisé par le meurtre en septembre 1959 de mon père, un militant du maquis indépendantiste de l’Union des Populations du Cameroun(UPC), banni par la France, et celui un an plus tôt du leader du maquis, Ruben Um Nyobè, je vais voir M. l’Abbé Albert Ndongmo qui venait de créer, en mars 1960, un mensuel nommé L’Essor des Jeunes. C’est ici que ma vocation prend véritablement son essor.

Je nourris la ferme conviction que la presse a contribuée à la démocratisation en cours en Afrique, bien plus que les acteurs politiques, du pouvoir et de l’opposition. Quand l’Abbé Ndongmo confiait la grosse responsabilité de L’Essor des Jeunes à un jeune comme moi (22 ans), nous opérions dans le contexte oppressant d’un monolithisme de plomb, où la pensée unique imposait une censure de fer et réduisait la pauvre presse existante aux reportages sur les faits divers, le sport et les cérémonies religieuses et folkloriques.

LA PRESSE A CONTRECARRE LES MAUVAISES PRATIQUES ÉLECTORALES INSTALLÉES

Heureusement, L’Essor des Jeunes pense, selon une célèbre formule de son charismatique fondateur, que « l’Eglise ne peut conduire l’Homme au ciel comme si la terre n’existait pas ». Nous osons ainsi des commentaires qui, pour un oui ou pour un non, nous valent des visites de policiers et des saisies.

Cela ira jusqu’à mon arrestation et à ma détention sans jugement, de septembre 1970 à mai 1975, à l’occasion de l’Affaire Ndongmo/Ouandié, où l’Abbé devenu Évêque est jugé et condamné à mort, puis à perpétuité, pour « complot contre la sécurité de l’Etat » et pour « association avec la rébellion » dirigée par Ernest Ouandié.

A ma sortie de prison, je m’éloigne du pays vers la Cote d’Ivoire, ou, malgré l’existence du parti unique et la vénération du « Vieux » Houphouët-Boigny, l’atmosphère est bien plus respirable dans la presse. Quand je rentre à Cameron Tribune, quotidien gouvernemental, en 1984, le journal est éditorialement voué au régime de Paul Biya, le 2ème président. Même la libéralisation politique initiée en 1990 n’y change rien.

Heureusement, le paysage médiatique s’élargit considérablement, et les « feuilles de chou » au contenu très critique, abusivement taxées de « journaux d’opposition » par les bien-pensants, fleurissent et damnent le pion, auprès du public, à la presse encensoir. D

La concurrence rude entre les médias publics et les médias indépendants, installe les journalistes en deux camps retranchés. Mais l’hostilité et le mépris des uns vis-à-vis des autres se réduiront grâce à l’action de l’Union des Journalistes du Cameroun (UJC) créée par tous les professionnels en 1996.

Un débat récurrent oppose, en Afrique francophone et au Cameroun en particulier, les tenants de l’opinion selon laquelle on ne peut pas être un bon journaliste sans avoir fait des études dans une école de journalisme, et ceux qui, comme moi, pensent que tout dépend du talent, qu’on a ou qu’on n’a pas.

Ma petite expérience témoigne en faveur de cette dernière thèse. Avant mes études de journalisme, j’ai commencé la profession sur le tas, en compagnie d’un confrère qui n’a pas terminé son secondaire et qui, cinquante ans après, compte parmi les meilleurs journalistes professionnels du Cameroun.

Alors que des diplômés en communication (licence, doctorat, etc.) ne brillent pas particulièrement par leurs performances dans le domaine. C’est au pied du mur qu’on reconnait le maçon; c’est en forgeant qu’on devient forgeron… C’est connu !

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication et la hardiesse des hommes de plume ont fait reculer la censure, même si celle-ci adopte souvent des formes insidieuses (intimidations, fragilisation économique, etc.).

C’est vrai pour le Cameroun, où la contestation médiatique a largement devancé et boosté les revendications démocratiques et les timides avancées observées. C’est vrai pour le Sénégal, où, de toute évidence, la presse a contrecarré les mauvaises pratiques électorales installées, et a poussé à l’alternance. Et les exemples ne manquent pas ailleurs ».

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