Malgré sa part infime dans le commerce mondial, le commerce équitable est une affaire en pleine expansion qui importe des produits alimentaires certifiés de tous les coins du monde vers les supermarchés occidentaux ; mais il y a une préoccupation de plus en plus grande selon laquelle cette croissance ne profite pas encore aux pays pauvres de l’Afrique, informe, ce vendredi, l’agence Inter Press service (IPS), reçue par GABONEWS.
Le mouvement pour assurer des prix convenables et des conditions de travail pour les producteurs du monde en développement représente moins de un pour cent (1%) des échanges commerciaux globaux.
LENTEURS DANS LES PAYS PAUVRES D’AFRIQUE
Mais, selon ‘Fairtrade Labelling Organisations’ (Fédération des organisations de labellisation du commerce équitable), l’un des principaux promoteurs, les ventes de ce petit secteur ont encore fait une entrée de 3,6 milliards d’euros en 2009. Cette même année, malgré la crise financière et économique mondiale, les ventes du commerce équitable, en France seule, ont augmenté de 10%. Cependant, l’expansion du commerce équitable est beaucoup plus lente dans les pays pauvres de l’Afrique.
« Il est évident que le commerce équitable ne se focalise pas assez sur les pays les moins avancés », déclare Christophe Eberhart de Ethiquable, une coopérative qui importe des produits alimentaires du commerce équitable en France depuis les pays les moins avancés (PMA) de l’Afrique.
L’une des initiatives de Ethiquable appuie les agriculteurs de vanille en Comores, un Etat insulaire de la côte orientale africaine. La coopérative achète leurs cosses aromatiques de vanille à 100 euros par kilo, au lieu des prix du marché de 25 euros.
Les statistiques sur le commerce équitable n’ont pas réparti les chiffres relatifs à la production par région ou par catégorie de revenu des pays, ce qui rend difficile de voir dans quelle mesure le commerce équitable profite aux PMA. « Il est beaucoup plus facile de mettre en œuvre le commerce équitable dans les pays comme la Costa Rica, la Thaïlande ou l’Inde que dans la plupart des pays subsahariens », soutient Eberhart.
Le commerce équitable est de plus en plus populaire avec les consommateurs européens. En France, la Plate-forme pour le commerce équitable a sondé l’opinion des consommateurs et constaté que 95% d’entre eux ont entendu parler du commerce équitable. Mais la plupart des histoires de succès sur le commerce équitable viennent de l’Amérique du Sud et de l’Asie, plutôt que de l’Afrique.
Le rapport de 2009 de ‘’Fairtrade Labelling Organisations’’ énumère un nombre croissant de prix des consommateurs, accordés aux produits du commerce équitable. Parmi 6.000 produits environ, la vodka bolivienne, les chips de banane épicées de l’Equateur et autres spécialités du créneau étaient approuvées. Mais aucun produit africain ne fait partie de la liste.
DEFIS STRUCTURELS
« Les importateurs du commerce équitable comme nous, travaillent essentiellement avec des associations ou des coopératives de producteurs », explique Eberhart. « Et ces structures qui facilitent l’assistance technique et financière aux agriculteurs sont historiquement beaucoup plus fréquentes en Amérique Latine ».
« Au Pérou, par exemple, la coopérative des agriculteurs qui fait fonctionner notre usine de fabrication de confiture a été aidée par des spécialistes locaux pour contrôler la qualité », souligne-t-il. « Mais au Mali, où nous avons mis en place une unité pour transformer le fonio (une variété de graine), nous avons eu du mal à trouver une expertise locale pour nous assister dans les procédés de sécurité sanitaire des aliments ».
Il y a d’autres défis structurels pour les échanges commerciaux avec les PMA de l’Afrique. Pour que le commerce équitable profite au maximum de personnes, des prix convenables et des salaires pouvant soutenir les moyens d’existence doivent être payés non seulement aux producteurs mais aussi aux travailleurs sur toute la chaîne de production, y compris ceux qui travaillent dans le conditionnement, le transport et l’expédition.
« Notre approche du commerce équitable vise à travailler directement avec les organisations de producteurs, et à assurer qu’elles exportent leurs propres produits », déclare Eberhart. « Mais, en Afrique, nous avons observé que la plupart des producteurs comptent sur des exportateurs privés ».
Les agriculteurs perdent, par conséquent, les bénéfices sur les exportations qui sont généralement beaucoup plus élevés que ceux réalisés seulement sur la production.
« Cela n’aide pas les producteurs à atteindre une plus grande capacité ou autonomie », se lamente Eberhart. « Au Madagascar, par exemple, très peu de producteurs et de coopératives exportent leurs produits directement. La plupart d’eux comptent sur un petit nombre de grands exportateurs qui détiennent tout le pouvoir des négociations », ajoute-t-il.
LE COMMERCE EQUITABLE, UN LEVIER DU DEVELOPPEMENT
Comme dans tous les secteurs commerciaux, la taille compte. Même les producteurs bénéficiant de la hausse des prix du commerce équitable et de l’expertise doivent négocier les frais d’expédition. Les plus grandes organisations de producteurs ont plus d’influence.
« Les coopératives éthiopiennes productrices de café, par exemple, ont tendance à faire de bonnes affaires puisqu’elles ont des volumes plus grands et une expertise meilleure », déclare Eberhart.
La ‘’Fairtrade Labelling Organisations’’ a élaboré une norme qui s’applique non seulement aux producteurs mais aussi aux commerçants. Son organe de certification, FLO-CERT, fait la vérification et la certification des producteurs et des commerçants avant le commencement des ventes. Mais les ressources limitées et les structures du marché rendent quasiment impossible le contrôle de toute la chaîne depuis les champs africains jusqu’aux rayons des supermarchés.
Pourtant, des réseaux s’étendent rapidement. L’Organisation mondiale du commerce équitable (OMCE) prétend avoir actuellement 600 organisations membres dans 70 pays. On estime que 1,5 million de travailleurs et de producteurs participent au commerce équitable en Asie, en Amérique Latine et en Afrique.
« Notre objectif, c’est pour que le commerce équitable soit un levier du développement », déclare Eberhart. « Pour que cela arrive, il faut que nous aidions les petits agriculteurs à développer leur propre capacité locale à transformer leurs produits et non à faciliter simplement les ventes ».