Intervention étrangère, guerre civile, démission de Laurent Gbagbo, compromis, manifestations : passage en revue des scénarios qui pourraient conduire à la fin de la crise institutionnelle dans laquelle le pays est plongé depuis plusieurs semaines.
Menacé d’être renversé militairement par ses voisins, le régime de Laurent Gbagbo a mis en garde samedi contre les graves conséquences économiques et humaines d’une telle opération. Elle pourrait mener la Côte d’Ivoire à « la guerre civile » selon le camp du président sortant. Intervention étrangère, guerre civile, démission de Laurent Gbagbo, compromis, manifestations de protestation, quels sont les scénarios possibles de sortie de crise?
Une intervention militaire étrangère
Les dirigeants de la Communauté économique des Etats del’Afrique de l’Ouest (Cedeao) réunis à Abuja ont prévenu vendredi qu’ils pourraient recourir à « une force légitime » pour obliger Laurent Gbagbo à céder le pouvoir à son rival Alassane Ouattara, reconnu sur le plan international comme le vainqueur du scrutin présidentiel du 28 novembre. La prise de position de la Cedeao est une première puisque le président sortant, qui n’a eu de cesse de critiquer les Occidentaux ces dernières semaines pour ingérence, a reçu cette fois-ci un avertissement direct de la part de ses voisins. L’organisation sous-régionale s’est donnée toutefois une marge de manoeuvre avant une éventuelle intervention militaire en demandant aux présidents du Bénin, de Sierra Leone et du Cap Vert de se rendre mardi en Côte d’Ivoire afin de convaincre Gbagbo de se retirer. Dans l’hypothèse où le président sortant refuserait, un conflit ouvert pourrait alors voir le jour entre l’armée ivoirienne, qui soutient Gbagbo, et la force militaire de la Cedeao, connu sous le nom d’Ecomog. Cette dernière, composée essentiellement de soldats nigérians, est déjà intervenue dans trois conflits civils de la sous-région – Liberia, Sierra Léone et Guinée-Bissau.
Une guerre civile
En dépit d’un embargo sur les armes en vigueur à travers le pays, les analystes estiment que les forces gouvernementales, comme les ex-rebelles, ont reconstitué des stocks d’armes significatifs ces dernières années. La semaine dernière, les tensions se sont exacerbées entre les deux camps et les anciens rebelles du Nord, fidèles à Ouattara, avec des échanges de tirs à Tiébissou, une ville du centre du pays qui marque la frontière entre le nord du pays, fief des rebelles, et le Sud, sous l’influence de Gbagbo. Dans l’hypothèse d’une escalade des violences, de plus en plus d’Ivoiriens pourraient continuer à fuir en direction des pays limitrophes, qui ne disposent pas forcément d’infrastructures d’accueil suffisantes. Depuis le second tour de la présidentielle, le 28 novembre, près de 14.000 Ivoiriens ont fui au Libéria, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Sur le plan économique, une guerre civile pourrait avoir des répercussions sur les exportations de cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial, si jamais les routes, les moyens de transport et les deux ports d’expédition, Abidjan et San Pédro, étaient paralysés.
Gbagbo démissionne
La menace d’une intervention militaire de la Cedeao, destinée à faire abandonner le pouvoir au président sortant, pourrait fonctionner. Gbagbo et ses proches, déjà touchés par des restrictions de déplacement par les Etats-Unis et l’Union européenne, ont vu leur marge de manoeuvre se réduire ces derniers jours avec
l’annonce de la Banque mondiale de geler 800 millions de dollars destinés à la Côte d’Ivoire. La Banque centrale de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a emboîté le pas à cette décision en annonçant jeudi qu’elle ne reconnaissait plus l’autorité du président sortant. Un autre argument pourrait éventuellement faire plier Gbagbo, celui de la menace qui pèse sur lui de la tenue d’un procès international pour violation des droits de l’homme. Bientôt confronté à des problèmes de trésorerie évidents, qui rendront difficile le paiement des traitements des fonctionnaires ivoiriens et surtout de la solde des militaires, Gbagbo pourrait alors accepter une offre d’exil dans un autre pays africain, ce qui lui a déjà été proposé.
Un compromis
Un compromis semble difficile entre les deux parties puisque chacun campe sur ses positions depuis le 28 novembre et la communauté internationale, la Cedeao, a clairement choisi de reconnaître l’autorité d’Alassane Ouattara. Le clan Ouattara a toujours dit qu’il n’accepterait aucune solution au sein de laquelle Gbagbo resterait président. Qui plus est, la Cedeao mais aussi l’Union africaine (UA) ont fait savoir qu’elles n’étaient pas en faveur d’une solution incluant un partage du pouvoir, à l’image de ce qui s’est passé ces dernières années au Zimbabwe et au Kenya. Un compromis semble d’autant plus difficile à trouver que Gbagbo a construit toute sa carrière politique et développé son charisme en défiant la communauté internationale, une ligne de conduite à laquelle il est resté fidèle ces dernières semaines.
Le peuple ivoirien dans la rue
Les partisans d’Alassane Ouattara sont pour le moment peu enclins à descendre dans la rue, refroidis par la répression policière sanglante qui a suivi les manifestations du début du mois. Ils préfèrent pour le moment faire confiance au processus diplomatique. Et pour cause, la semaine dernière, lorsque ces derniers ont tenté de prendre le contrôle de la Radio-Télévision ivoirienne (RTI), des affrontements avec les forces de sécurité ont fait au moins 20 morts. Le scénario d’une sortie de crise à la faveur de manifestations massives, quoique peu probable, porterait en son sein une pointe d’ironie. En 2000, pour chasser le général Robert Guéï avec qui il se disputait la présidence de la Côte d’Ivoire, un certain Laurent Gbagbo s’était servi du pouvoir de la rue pour arriver à ses fins.
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