La reddition du président ivoirien sortant, Laurent Gbagbo, aux Nations unies semblait acquise hier soir. L’intervention des hélicoptères de la France, qui a reçu le soutien des Etats-Unis, a été déterminante.
Au terme de longues et difficiles tractations, la reddition de Laurent Gbagbo, l’ancien président de la Côte d’Ivoire, semblait proche hier soir. Les négociations se poursuivaient pour finaliser l’ensemble des détails. Dans l’après-midi déjà le ton était donné par Paris. Le Premier ministre, François Fillon, avait déclaré que la reddition était « imminente ». Le contact des responsables des Nations unies avec le despote assiégé avait été établi via deux généraux ivoiriens. Laurent Gbagbo était alors barricadé dans un bunker de sa résidence avec une poignée de fidèles après la perte de ses derniers bastions. Il s’agissait de préciser les garanties physiques, voire juridiques, pouvant être données à un dirigeant accusé de crimes de guerre, ainsi qu’à son influente épouse. La France et l’ONU exigent que Laurent Gbagbo signe un document dans lequel il renonce au pouvoir. Reste qu’en début de soirée, il continuait de refuser de reconnaître la victoire d’Alassane Ouattara.
Le régime de Laurent Gbagbo chute donc après huit jours d’offensive des troupes de son rival, Alassane Ouattara, reconnu depuis décembre dernier par la communauté internationale comme président élu du pays. Entrées dans Abidjan jeudi, ces forces piétinaient depuis face à la garde présidentielle et aux forces spéciales de l’homme, qui a dirigé la Côte d’Ivoire d’une main de fer pendant onze ans.
L’intervention directe lundi soir de quatre hélicoptères français de la force Licorne, sous mandat de l’ONU, semble avoir fait basculer le rapport de force, notamment par la destruction de blindés et de canons. Le chef de l’armée loyaliste a affirmé hier après-midi avoir « arrêté les combats » et demandé un cessez-le-feu. Le ministre des Affaires étrangères de Laurent Gbagbo s’est réfugié peu après à l’ambassade de France.
Paris a justifié son intervention par un appel pressant de l’ONU au vu de la détérioration rapide de la situation humanitaire dans une ville de quatre millions d’habitants où des quartiers entiers étaient pris sous le feu croisé d’armes lourdes et où les vivres commençaient à manquer. En butte aux critiques des députés communistes, ainsi que du Nouveau Parti anticapitaliste ou de Lutte ouvrière, qui dénonçaient une « opération néo-coloniale » alors « qu’une solution pacifique était encore possible », François Fillon a estimé au contraire que « la France peut être aujourd’hui fière d’avoir participé à la défense et à l’expression de la démocratie en Côte d’Ivoire ». Il a justifié l’intervention française par le fait que l’arrivée des troupes d’Alassane Ouattara à Abidjan « risquait d’entraîner une apocalypse ». Le président des Etats-Unis, Barack Obama, a déclaré soutenir « fermement » les actions entreprises par l’ONU et la France, tout en appelant à une enquête sur les massacres commis dans l’ouest du pays, dont sont soupçonnées les forces pro-Ouattara.
Nicolas Sarkozy a souhaité hier la constitution « d’un gouvernement de large union nationale » pour « assurer la réconciliation de tous les Ivoiriens ». Avec cette deuxième opération en Afrique, deux semaines après ses premiers raids en Libye, le chef de l’Etat rompt avec une politique de non-intervention sur le continent, exprimée lors d’un déplacement en Afrique du Sud en février 2008, où il avait proclamé que « la France n’a pas à jouer un rôle de gendarme en Afrique ».
YVES BOURDILLON, Les Echos