Sotheby’s, à Paris, expose, du 12 au 15 avril, plusieurs oeuvres africaines de premier ordre, avant d’être présentées à Marseille les 25 et 26 mai. Elles seront ensuite vendues aux enchères, à Paris, le 15 juin. Elles ont appartenu à un collectionneur illustre, Pierre Guerre (1910- 1978), avocat marseillais, mais aussi écrivain et critique littéraire.
Il a 12 ans quand il achète sa première statue africaine, après la visite de l’Exposition coloniale de 1922 à Marseille, avec son père, directeur des hospices de la ville. Et il a 17 ans quand il publie son premier texte, « L’art nègre », dans la revue Taches d’encre.
Au fil du temps, la collection devient considérable. On en connaît une partie. En 1979, en effet, sa veuve, sa fille et son gendre, Christine et Alain Vidal-Naquet, offrent 86 oeuvres de la collection à la ville de Marseille.
Exposée, d’abord, au Musée des beaux-arts, la donation suscite la création du Musée des arts africains, océaniens et amérindiens (MAAOA), ouvert en 1992 à la Vieille-Charité.
Le 20 juin 1996, une deuxième partie de la collection est dispersée à Drouot Montaigne par Guy Loudmer. A cette occasion, le record absolu pour une pièce d’art africain est battu : un byéri fang du Gabon – statue reliquaire liée au culte des ancêtres – atteint la somme de 5,5 millions de francs (825 000 euros). Pierre Guerre possédait deux de ces sculptures parmi les plus précieuses d’Afrique.
Le deuxième byéri sera vendu par ses héritiers, le 15 juin, avec dix autres pièces de Pierre Guerre. Il a été collecté dans la vallée du Ntem, au Gabon, vers 1915, par un médecin marseillais apparenté à Gisèle Salvetat, épouse de Pierre Guerre. L’oeuvre n’est donc pas passée par le circuit des marchands.
Publié et commenté depuis longtemps, exposé au Musée d’art moderne de New York dans le cadre de l’exposition « Primitivism », en 1984, ce byéri relève du style fang mvaï. Il se caractérise par une structure géométrique, le traitement de l’anatomie par des volumes fortement détachés les uns des autres et par la triangulation de la coiffe en trois crêtes. Le dos porte une longue gravure décorative et l’abdomen des scarifications finement gravées. Deux autres exemplaires seulement de ce type et de cette qualité sont connus, l’un au Dallas Museum of Art, l’autre au Seattle Art Museum. Selon Louis Perrois, spécialiste des Fang et auteur de la notice consacrée à la pièce, les trois oeuvres pourraient être de la même main, celle « d’un très grand artiste fang ». L’oeuvre est estimée autour de 2 millions d’euros.
Une autre pièce majeure accompagne le byéri, une statue féminine dogon qui a été publiée dès 1943 dans la Negro Anthology de Nancy Cunard. Elle est estimée entre 300 000 et 450 000 euros.
Chefs-d’oeuvre de la collection Pierre Guerre – Arts d’Afrique, Sotheby’s, 6, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris 8e. Tél. : 01-53-05-53-05. De 10 heures à 18 heures. Du 12 au 15 avril.
Philippe Dagen
Article paru dans l’édition du 12.04.11