Le parquet de Paris a refusé un réquisitoire supplétif au juge Roger Le Loire, qui enquête sur les biens mal acquis, en France, par les chefs d’Etat de la Guinée Equatoriale, du Gabon, du Congo et leurs proches. Selon l’enquête du juge d’instruction, les familles visées par la plainte déposée à Paris en 2008 par l’organisation Transparence International France (TIF), pour « recel de détournement de fonds publics », ont continué sur leur lancée en procédant à de nouvelles acquisitions.
Les menaces liées à l’instruction judiciaire en cours sur leurs éventuels biens mal acquis en France n’ont pas tempéré leur goût du luxe. Les présidents du Gabon, du Congo et de la Guinée-Equatoriale, visés par la plainte déposée à Paris en 2008 par l’organisation Transparence International France (TIF) pour « recel de détournement de fonds publics », ont continué depuis lors, comme s’ils se sentaient intouchables, à amasser objets de luxe et voitures d’exception, a rapporté le quotidien français « Le monde » le 9 juin.
Désireux d’étendre leurs investigations à ces présumés nouveaux biens mal acquis, les juges d’instruction parisiens, Roger Le Loire et René Grouman, avaient demandé le 13 avril un réquisitoire supplétif au Parquet, qui a rejeté leur requête le 9 juin.
«C’est une intrusion caricaturale du politique dans le judiciaire», s’est indigné William Bourdon, avocat de Transparency, l’association internationale contre la corruption à l’origine des procédures qui visent les chefs d’État. «Chacun devrait être curieux de savoir quelles assurances ont reçues ceux qui continuent à faire des acquisitions malgré les enquêtes en cours», a-t-il poursuivi.
Les agents de l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), mandatés par les juges d’instruction parisiens, ont ainsi établi que le président gabonais, Ali Bongo, a acquis en France, en 2009, une Bentley, quelques mois avant son élection. Ce bolide de 2,5 tonnes, capable d’atteindre 322 km/h, est facturé plus de 200 000 euros (plus de 131 millions de francs CFA).
La famille de Denis Sassou Nguesso, président du Congo-Brazzaville, n’est pas en reste. Son épouse a acquis en France, début 2010, une Mercedes classe E immatriculée « corps diplomatique ». De son côté, Wilfrid Nguesso, neveu du chef de l’Etat et patron de la Société congolaise de transports maritimes chargée par Brazzaville de prélever les taxes sur les tankers de pétrole congolais, a, en octobre 2009, jeté son dévolu sur une Porsche Panamera turbo estimé à 137 000 euros.
Mais le constat le plus stupéfiant concerne le fils de Teodoro Obiang Nguema, président de la Guinée équatoriale. Les enquêteurs des douanes ont établi qu’en novembre 2009 «26 voitures de luxe et 6 motos (…) d’occasion d’une valeur de près de 12 millions de dollars ont été acheminées à l’aéroport de Vatry [Marne] en provenance des Etats-Unis [par Teodoro Nguema Obiang] pour réexportation vers la Guinée équatoriale», notamment.
Le 9 novembre 2010 en France, la Cour de cassation avait autorisé la justice française à enquêter sur les conditions d’acquisition en France du patrimoine de trois chefs d’Etat africains, après un rejet en octobre 2009.