La liste des médias gabonais – déjà constituée d’une kyrielle de chaines de radio, télévision et d’organes de presse ( écrite et en ligne) – devrait s’allonger notamment dans la perspective des élections législatives et la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football 2012 conjointement organisée par le Gabon et la Guinée-Equatoriale non sans exposer ces futurs confrères aux dures réalités gabonaises illustrées par le faible niveau des ventes de journaux, l’étroitesse du marché publicitaire, la quasi absence de formation du personnel, la gestion parfois approximative de l’outil voire la méconnaissance, par de potentiels partenaires, de l’environnement médiatique local.
Depuis peu, les promoteurs se bousculent en vue de la création, qui d’un titre, qui d’une radio ou d’une télévision tandis que d’autres investissent dans le Net, plus fluide et transfrontalier.
AUTORISATION SOLLICITEE
» Je souhaite créer une radio privée, mais que faire pour obtenir les autorisations d’émettre en République Gabonaise? », s’interroge Jean Joseph, passionné des médias, qui entend consacrer ses économies à une telle aventure entamée, il y a quelques années, par Radio Génération Nouvelle, Radio TV » MBIRE », Radio Télévision Nazareth, Radio Unité…
En écho, son interlocuteur, Henri M, ancien responsable d’une chaine de radio-tv, conseille son vis-à-vis à prendre langue avec le ministère de la Communication en charge de la gestion administrative du dossier et le Conseil National de la Communication(CNC), instance de régulation. Le CNC, très sollicité actuellement par nombre d’éditeurs dont l’ambition porte sur le lancement d’un journal ou la réactivation d’une publication disparue depuis des lustres pour des raisons diverses.
Les uns justifient cet engouement par les mutations qui se profilent dans le secteur de la communication où pointent, entre autres, le Fonds National d’Aide à la presse (FONAPRESSE) caractérisé par l’éligibilité d’un plus large éventail de supports médiatiques contre la formule actuelle (subvention) datant de 2005 et jugée très restrictive.
Pour les autres, il importe de saisir l’opportunité offerte par la tenue des législatives. Il est de tradition que dans ce genre de consultation, les différents concurrents ont recours à divers moyens de communication pour leur propagande.
» C’est clair, nous ne voulons pas rater la manne qui sera mise à la disposition surtout des candidats les plus en vue lors de ce scrutin », avoue Maturin, comme pour justifier son intérêt pour une radio commerciale dans le sud du pays.
Le choix d’une télévision anime, pour sa part, Marie Josée, venue de la diaspora, qui se hâte à réunir les »pièces afférentes » à six(6) mois, jour pour jour, de la CAN 2012.
Forte de l’expérience acquise durant son séjour dans plusieurs pays africains et européens augmentée d’une passion pour le ballon rond, elle compte tirer profit du rassemblement de l’élite du foot africain singulièrement au Gabon pour se « positionner » dans l’univers de la télé.
CONCURRENCE TRES OUVERTE
» L’arrivée prochaine du pôle public (Gabon Télévision, Radio Gabon et Gabon Télédiffusion) est porteuse d’espoir et, nous voulons nous inscrire dans le registre de la concurrence ouverte par l’éclatement de la Radio Télévision Gabonaise (RTG, ndlr). Je suis certaine que plus rien ne sera comme avant. Il y aura place pour toutes les volontés susceptibles de tirer nos programmes vers le haut. Je suis convaincue que seule la qualité de la production départagera les différents opérateurs tant publics que privés et drainera plus d’annonceurs, qui, comme vous le savez, ont toujours été rétifs à l’idée de soutenir nos grilles, qualifiées d’insipides », a laissé entendre M. Josée.
L’émergence rapide du nouveau pôle de télévision, radio et télédiffusion( doté de ressources suffisantes) voulue par le gouvernement vise à renforcer l’audiovisuel en technologies de pointe avec un accent sur la mutualisation des moyens de propagation des ondes, promouvoir le patrimoine historique et culturel exceptionnels dont dispose le Gabon , in fine, pour valoriser ces atouts sur le plan international.
» L’essentiel est de renouer avec la tradition gabonaise de rigueur pour mieux remplir notre mission d’information et de pédagogie pour être crédible face à la concurrence internationale car nous entendons, nous aussi petites radios et télévisions, être présentes sur le satellite, s’engage Herman D, responsable de l’info dans une structure privée, à Libreville.
Reste à régler les pré-requis, reconnait Justin G, à l’époque gestionnaire d’une radio communautaire émettant dans l’hinterland.
» Nous n’avons pas fait de prospective avant le lancement de cet outil. Dans l’euphorie du démarrage, nous avons omis de planifier sur les dix ans à venir. Résultat des courses, nous ne pouvions plus tenir face aux charges (exploitation, production, salaires) sans cesse croissantes, au désengagement des rares annonceurs qui nous avaient pourtant fait confiance et au manque de subvention de l’Etat », se souvient-il.
» Il ne suffit pas seulement de fournir au public une grille qui allie information et divertissement, nous devons aussi innover afin d’intéresser le plus grand nombre à ce que nous faisons. Pourquoi ne pas inviter, comme observateurs, les annonceurs, banquiers, ONG et partenaires au développement aux travaux de nos conseils d’administration ? Je parie que cette proximité peut contribuer à réduire le fossé qui nous sépare et gommer les incompréhensions entre bailleurs de fonds et médias en termes d’accès aux sources de financements », suggère-t-il.
CHANGEMENTS NOTABLES
Cette conjonction d’intérêts entre propriétaires des médias et investisseurs pourrait déboucher sur des changements notables dans le paysage médiatique gabonais où la disparition, en cascades, des journaux, radios et télévision depuis 1990 a fini par inquiéter le public et le CNC, sentinelle de la pluralité d’opinions.
Ici, par changements, il faut entendre l’amélioration de la qualité de l’offre éditoriale et de la production.
Parmi les acteurs engagés dans ce combat, figure l’Organisation Gabonaise des Medias (OGAM) officiellement opérationnelle après avoir reçu, en juin dernier, son récépissé du ministère de l’Intérieur.
Née devant l’absence d’autocritique dans la profession de journaliste au Gabon, l’OGAM veut remplir une » mission d’autorégulation, une sorte de conseil des sages et ainsi travailler en amont avant les sanctions du CNC », énonce Albert Yangari, président de l’organe jeté sur les fonds baptismaux depuis 2005 mais qui prend maintenant son envol un véritable parcours du combattant.
AIDER A UNE PLUS GRANDE PROFESSIONNALISATION
» Nous voulons aider à une plus grande professionnalisation du secteur de la communication, aider à la responsabilité du métier à travers l’observation de tous les organes y compris sur Internet », déclare l’ancien directeur de publication du premier quotidien du pays » l’union » qui, dans son élan, annonce la mise sur pied d’une » cellule de veille permettant aux responsables de l’autorégulation d’interpeller un confrère auteur de dérapages avant la saisine du CNC ».
L’OGAM s’inscrit ses actions dans la lignée de ses prédécesseurs, au Sénégal, en Cote d’Ivoire, au Cameroun et sous la férule de l’Union Africaine (UA), favorable a l’existence des observatoires d’autorégulation des médias sur le continent.
Le concept d’autorégulation s’appuie sur le sérieux dans la production pour assurer à la presse une large audience par la conquête et la séduction aussi du lecteur, de l’auditeur, le téléspectateur que de l’internaute.
GN/RA/11
Mis à jour ( Mercredi, 20 Juillet 2011 18:53 )