Une centaine de millions de francs CFA s’est volatilisé dans la nature à l’issue d’un braquage au domicile de Léon Ndong Ntem, ex-directeur général du Budget. Mais, seuls 8 millions ont été ramenés par les enquêteurs auprès du Procureur. Les agents de la gendarmerie et ceux de la police chargés de l’enquête se sont sucrés au passage, allant jusqu’à gratifier le maire du 3è arrondissement de Libreville d’une petite portion du butin recherche. Les révélations de l’hebdomadaire satirique « La Griffe ».
Léon Ndong Ntem, ex-directeur général du Budget, a été victime d’un braquage à domicile, le 6 juin 2011, par des hommes armés. Poignardé à mort, Bance Inoussa, son gardien de nationalité Burkinabè, en a perdu la vie alors que le maître des lieux a été blessé par une agression au tournevis avant d’être ligoté. Plus de 100 millions de francs CFA ont été emportés par les gangsters.
L’hebdomadaire satirique « La Griffe » a publié, le 15 juillet dernier, un fac-similé du Soit-Transmis, daté du 29 juin, au Procureur de la République près le Tribunal de première instance de Libreville et un verbatim des différentes dépositions effectuées par les suspects auprès de la Police judiciaire. Il en ressort que seuls 8,04 millions de francs CFA ont été remis au procureur à titre de scellé, c’est-à-dire de l’argent que la police a réussi à récupérer durant son enquête.
On avait d’abord pensé que ce vol était une sorte d’avertissement adressé à l’ex-directeur du Budget, dans la perspective des prochaines élections, par ses adversaires du Parti démocratique gabonais (PDG) dont il est pourtant membre. Ou encore une intimidation visant à calmer l’expansivité de haut fonctionnaire qui en sait un peu trop et qui aurait des dossiers sur bien de malversations commises au début du mandat d’Ali Bongo. Il n’en est rien, les bandits, des amateurs au demeurant, avaient été alertés et sollicités par le beau-fils de Léon Ndong Ntem. Il «racontait que son beau-père avait détourné beaucoup, d’argent (…) et il voulait que nous lui apportions des idées pour voler cet argent», peut-on lire sur la déposition de l’un d’entre eux, Paul Messah, publié par « La Griffe ».
La série de procès-verbaux publiés par le satirique permet de faire les comptes du hold-up : «Nous avons fait le partage du butin, Rodrigues a eu 16 millions, moi j’ai eu 12 millions, Youless a eu près de 16 millions, Alban a eu près de 20 millions, Onanga a eu près de 15 millions, le taximan a eu près de 3 millions, le propriétaire des lieux [planque où se partageait le butin – ndlr] a eu 3 millions. Après ce partage Rodrigue a téléphoné les trois informateurs, à qui il a remis près de 15 millions», lit-on dans la déposition de Paul Messah. Il est à noter que ces trois informateurs ne sont autres que le beau-fils de Léon Ndong Ntem et deux de ses amis.
Mais, le plus effarant dans les documents publiés par « La Griffe » concerne la conduite des agents des forces de l’ordre qui se sont pour la plupart sucrés durant l’enquête, parsemée de tortures physiques et d’extorsions de fonds aussi bien aux présumés gangsters qu’à leurs parents et amis auxquels avaient été confiés la garde des différentes quotes-parts du butin.
Par exemple, la maman de Rodrigue Dang Kakpovi, l’un des braqueurs, s’est fait détrousser par des gendarmes de la Direction générale de la recherche (DGR) 5 millions de francs CFA sur les 6,5 millions qu’elle avait découverts dans la planque de son fils au domicile familial. Le reliquat lui sera également extorqué par deux agents de la police judiciaire. Les procès-verbaux publiés sont truffés de témoignages faisant état de gendarmes et policiers qui ravissent de l’argent, parfois aux bandits recherchés qu’on laisse ensuite repartir dans la nature.
Mais le cas le plus ahurissant de cette série concerne Serge Akassaga Okinda, maire du 3è arrondissement de Libreville. En vue de récupérer un ordinateur confisqué par l’une de ses amies, le maire a sollicité et embarqué dans son automobile Urbain Steeve Mboma, policier bénéficiaire d’une partie du 1,5 million récupéré auprès de la maman de Rodrigue Dang Kakpovi. Durant cette opération Urbain Mboma a été appelé d’urgence par un indicateur et a arrêté l’un des braqueurs de Léon Ndong Ntem. L’autorité municipale s’est ainsi retrouvée avec le bandit dans son véhicule. Ce dernier a été fouillé et interrogé dans le véhicule du maire qui se retrouve, au final, avec 150 000 francs CFA sur les 300 000 francs découverts sur le gangster amateur.
Dans sa déposition, Chrysostome Mbou Lafausse, attaché de cabinet du maire Akassaga Okinda, qui était lui aussi dans le véhicule sus cité, assure que «le maire connaissait bel et bien l’origine de cet argent, car dans la voiture il posait des questions au malfrat en lui demandant où il avait caché le reste d’argent ; ce dernier lui dira que les agents de la DGR avaient pris une partie de l’argent volé dans la journée et qu’il avait sur lui 300 000 francs.» Auditionné à deux reprises, le maire reconnait avoir reçu les 150 000 francs mais assure n’avoir rien exigé.
Connu comme un donneur public de leçons, le maire du 3è arrondissement de Libreville a récemment défrayé la chronique au sujet de l’acte de naissance controversé du président Ali Bongo, retranscrite par ses soins alors que seul le 1er arrondissement de Libreville est légalement habilité à le faire. Serge William Akassaga Okinda a d’ailleurs menacé de poursuites judiciaires les journaux d’opinion ayant publié un fac-similé de l’acte de naissance controversé.
Voilà où en sont certains membres des forces de l’ordre du Gabon et certains de ses élus. L’hebdomadaire satirique « La Griffe » promet d’autres révélations sur cette affaire dans ses prochaines livraisons.
Publié le 19-07-2011 Source : La Griffe Auteur : Gaboneco