De Xavier BOURGOIS (AFP) – LIBREVILLE — « Je suis contente de rentrer chez moi », lance Colette Bonanga, au moment où une soixantaine de réfugiés congolais chargent les camions affrétés par le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) pour la route du retour, après des années d’exil au Gabon.
« Je préfère encore rentrer souffrir chez moi, même s’il n’y a pas de travail. Là-bas (au Congo), il y a la famille », explique cette mère de famille de 38 ans, qui avait quitté son pays à pied avec mari et enfants en 1999.
Entre 1997 et 2003, près de 20.000 Congolais avaient fui la guerre civile pour le Gabon voisin. Dans un contexte désormais apaisé, le statut de réfugié des quelque 9.300 Congolais demeurant encore au Gabon a pris fin le 31 juillet.
Le gouvernement gabonais leur demande désormais de choisir entre le rapatriement volontaire au Congo ou la délivrance d’une carte de séjour associée à un statut de migrant.
« Plus de 450 réfugiés ont demandé le rapatriement ces dix derniers jours », explique Céline Schmitt, porte-parole du HCR, qui offre une prime au retour de 100.000 FCFA (150 euros) par adulte et de 50.000 FCFA par enfant.
« Il y a plus d’engouement pour la carte de séjour que pour le retour », souligne Mme Schmitt. Au moins 1.700 adultes ont opté pour la carte de séjour, sur laquelle seront aussi inscrits leurs enfants.
Cependant, bien que les accords entre le gouvernement gabonais et le HCR permettent un accès simplifié au précieux sésame, et que le HCR prenne en charge les frais administratifs à hauteur de 150.000 FCFA (228 euros), 168.000 FCFA (256 euros) demeurent à la charge des demandeurs.
Certains réfugiés affirment être contraints de rentrer au pays, faute de pouvoir payer cette somme.
De Tchibanga (sud du Gabon) à Dolisie (centre du Congo), il y a 300 km environ à vol d’oiseau mais plus de dix heures de pistes défoncées.
Beaucoup des réfugiés semblent peu confiants sur ce qui les attend de l’autre côté de la frontière. « Des soudeurs comme moi, là-bas, il y en a plein… Qui dit que j’aurai du travail? », s’interroge Christ Makanga, 21 ans.
La longue route commence. Après les premières heures de bus et beaucoup de poussière avalée, le convoi passe la frontière dans les cris de joie.
Une fois la barrière franchie, de nombreux ex-réfugiés se précipitent au maki (café africain) du coin pour arroser leur retour avec une bière « 100 % congolaise », payée avec l’argent de l’aide au retour.
Et déjà les bus repartent sur les pistes accidentées. Lors d’un arrêt, des curieux s’approchent des véhicules et apostrophent les voyageurs sur le « retour à cette vie de misère », persuadés que de l’autre côté de la frontière la vie est forcément plus aisée.
Pour Achille Paka, l’espoir de mieux vivre au Congo semble fondée: militaire avant l’exil, il espère que l’Etat congolais tiendra sa promesse de réintégrer les anciens fonctionnaires: « J’espère pouvoir retrouver mon poste et mon grade comme d’autres avant moi », raconte-t-il.
Encore quelques heures éprouvantes de route, et le convoi arrive à Dolisie, dans un hôtel dans lequel les nouveaux arrivants se mêlent à ceux du convoi précédent, encore épuisés par la route effectuée en camion.
Le lendemain, certains ignorent encore où ils vont aller, alors que çà et là entre les monts de bagages, les premiers à retrouver leurs familles se jettent dans les bras les uns des autres.
« Le plus important, c’est d’être ensemble, et c’est tellement mieux d’être en plus chez nous », lance Cyril, le mari de Colette en s’installant avec leurs six enfants dans une petite pièce louée à la hâte. Rien encore n’a été déballé. Pour les anciens réfugiés, tout reste à construire. Une nouvelle fois.