Alors que Kaddafi est en fuite et que la traque continue, l’ex-dirigeant libyen n’a cependant pas disparu des radars. Sur Internet, il suscite même un engouement sans précédent. Ce sont des milliers d’internautes qui lui témoignent chaque jour leur soutien. Par panafricanisme mais, surtout, par rejet de l’Occident. Plongée dans le nouveau fief de Kaddafi : le numérique.
« Kaddafi forever ». Le commentaire, sur la page Facebook de Jeune Afrique, est court et sans ambiguïté. Presque simpliste, voire hors de propos. Mais terriblement révélateur puisque c’est bien l’opinion qui domine sur la Toile africaine depuis la chute de Kaddafi. Comme si l’Afrique avait réellement perdu son guide, seul homme capable de tenir à distance des intérêts occidentaux prédateurs.
Ainsi, l’internaute Bruno Ntumba commentait sur Facebook : « Vous l’accuserez de tous les crimes du monde mais il restera toujours gravé dans nos mémoires comme un défenseur impeccable de l’indépendance africaine. » Et d’ajouter, comme bon nombre d’autres commentateurs un sibyllin : « Vive KADDAFI! ».
« A la solde de l’Occident »
Malgré les exactions commises pendant plus de quarante ans, Kaddafi réussit donc l’exploit de gagner en popularité. Le nombre de groupes de soutien au dictateur en fuite ne cesse d’augmenter, rassemblant souvent des centaines ou des milliers de personnes. Une manière pour ces internautes de manifester leur ressentiment à l’égard de l’Occident, incarné par Sarkozy, Cameron ou Obama.
Depuis la chute de Tripoli, ce sont surtout les médias qui sont pris pour cible par des commentaires quelque peu, c’est un euphémisme, virulents. Propulsée au centre d’un hypothétique complot occidental dans lequel les gouvernements financeraient les journaux afin qu’ils diffusent de fausses informations, Jeune Afrique n’y échappe pas.
Day After, qui a remplacé sa photo de profil par un portait de Kaddafi, comme nombre d’autres internautes, écrit ainsi : « Jeune Afrique, à la solde de l’Occident, vous êtes prêts à tout dire pour maintenir l’ignorance sur le continent noir en divulguant des informations qui ne valent pas mieux que le silence. » Accusation sans fondement mais qui ne cesse de se répéter, faisant de Kaddafi le martyr du panafricanisme.
Kaddafi et le fan-club serbe
Mais l’ex-dictateur est-il uniquement le héros africain osant tenir tête à l’Occident ? Sans doute pas. Car la popularité du Libyen n’a pas épargné les Balkans et notamment la Serbie. Quelque 74 000 supporteurs serbes, et cela augmente, ont ainsi exprimé leur soutien au dirigeant en fuite via un groupe Facebook particulièrement actif. Or, qu’ont en commun la Serbie et la Libye désormais, sinon d’avoir connu l’intervention des forces de l’Otan ?
Et c’est bien là que le soutien à Kaddafi prend une toute autre tournure. Loin d’être uniquement une manifestation d’attachement à un Panafricain, certes sanguinaire, il représente davantage un symptôme du rejet croissant de l’interventionnisme militaire des Européens et des Américains, en particulier en Afrique.
Faut-il alors s’inquiéter de la popularité du « Guide éternel », comme l’écrive certains internautes, ou de la haine de l’Otan qui ne cesse de progresser, et qui, elle, risque d’être durable ? Si les théories du complot n’ont en soi rien de nouveau ni de bien inquiétant, il n’en est pas de même en ce qui concerne la perception très négative de l’Occident par une partie, grandissante, de l’opinion africaine.