Le secteur forestier gabonais, qui représente d’ores et déjà une part significative du produit intérieur brut (PIB), a initié un processus ambitieux et de longue haleine pour mettre fin à son activité d’exportation de bois en tant que matière première et se reconvertir dans la transformation.
La progression dans la chaîne de valeur génère quelques difficultés de développement, mais le secteur a enregistré un succès relatif en s’orientant vers des activités à valeur ajoutée.
Plus de 400 essences de bois composent les forêts gabonaises, qui s’étendent sur 22 millions d’hectares de terres et couvrent plus de 85 % du territoire national. Le secteur forestier, qui contribue à hauteur de 6 % au PIB hors hydrocarbures, est l’un des principaux moteurs de l’économie locale. Il est le second employeur du pays, après le secteur public, et le premier et principal employeur dans le secteur privé, puisqu’il génère quelque 20 000 emplois directs et indirects. Le secteur est par ailleurs la seconde source de revenus étrangers au Gabon. En 2008, avant la mise en œuvre des réformes gouvernementales, la valeur des exportations de bois atteignait 165 milliards de francs CFA (251 millions d’euros), soit 12 % des exportations totales.
Par conséquent, le gouvernement a joué un rôle actif en lançant diverses initiatives visant à multiplier les activités à valeur ajoutée dans le secteur. En novembre 2009, le président Ali Bongo Ondimba a annoncé son intention d’interdire les exportations de bois non transformé, une décision entrée en vigueur en janvier 2010. L’objectif de cette interdiction était d’encourager les investissements dans le secteur, en apportant les installations de transformation et l’expertise nécessaires au développement des infrastructures, à la création d’emplois et à la formation de la main-d’œuvre.
Au début de l’année, après l’entrée en vigueur de cette interdiction, la Société nationale des bois du Gabon (SNBG) a annoncé son projet de construire trois nouvelles usines de transformation du bois. Détenue à 51 % par l’État et à 49 % par des sociétés d’exploitation forestière, cette société semi-publique est responsable de la production et du développement forestiers. Ces nouvelles usines devraient lui permettre d’accroître sa capacité de production actuelle de 250 000 mètres cubes, concentrée sur des activités impliquant quelque 300 000 hectares de forêt.
L’introduction de cette nouvelle loi a mis fin aux exportations de grumes en mai 2010 après les 4 mois accordés par le gouvernement aux entreprises pour écouler les stocks de 2009 et se reconvertir dans la transformation locale du bois en produits « Made in Gabon » à valeur ajoutée. Avant l’introduction de cette loi, il avait été estimé que la capacité de transformation du pays atteindrait 60 % en 2010, puis 75 % en 2011 et 80 % en 2012.
Le nombre d’usines de transformation du bois, qui s’élevait à 82 en 2009, est passé à 93 en 2010, une hausse sans aucun doute attribuable en partie à la nouvelle politique du gouvernement. La capacité de transformation globale a affiché une légère augmentation (+ 1.5 %), passant de 1.6 million de mètres cubes en 2009 à 1.625 million en 2010, et la production forestière a atteint les 3 millions de mètres cubes en 2009 et 1.6 millions en 2010. Les exportations de bois ont chuté de 71.6 % en 2010.
Malgré ce repli important, la SNBG a enregistré une hausse de 47 % de son chiffre d’affaires, établi à 54.8 milliards de francs CFA (83.6 millions d’euros) ; la société ayant désormais orienté ses activités vers la transformation locale, elle a récemment annoncé qu’il serait nécessaire d’opérer une remise à niveau des compétences des salariés afin de s’adapter aux changements générés par le nouvel environnement de travail.
La baisse de la production peut s’expliquer par l’éviction de la demande extérieure de grumes, et le fait que de nombreuses sociétés du secteur, fortement dépendantes des revenus des exportations avant la mise en place de l’interdiction, se sont vu contraintes de suspendre leur production en attendant de pouvoir investir dans les équipements nécessaires à la transformation du bois. Le Gabon pourrait donc rattraper les objectifs dans le futur, par l’optimisation des performances des unités de transformation, et l’investissement dans de nouvelles infrastructures industrielles.
Le gouvernement apporte sa pierre à l’édifice pour accélérer le développement. En décembre 2010, il a été décidé la mise en place un fonds de 20 milliards de francs CFA (30.5 millions d’euros) pour aider l’industrie du bois à opérer sa transition. Le gouvernement a par ailleurs décidé avec le programme de conversion de dette entre la France et le Gabon d’injecter 970 millions de francs CFA (1.5 million d’euros) dans le secteur afin de créer le Bureau Industrie Bois, un organe administratif chargé d’appuyer l’industrialisation du secteur forestier, mais aussi de dispenser des formations aux opérateurs industriels et développer leurs compétences.
Ces mesures ont rapidement fait suite à un accord signé en octobre 2010 entre le ministre gabonais de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle, Léon Nzouba, et Christophe Haring, PDG de la société suisse Haring spécialisée dans la transformation du bois, portant sur la création d’une usine de transformation. Outre la construction physique du site, cet accord devrait aussi permettre d’améliorer la formation des ouvriers et de favoriser l’industrialisation du secteur forestier en stimulant la recherche et le développement à l’échelle locale.
Dans l’intervalle, quelque 40 % des 1 146 hectares de la zone économique spéciale (ZES) de Nkok seront consacrés à la transformation du bois. Située à 27 km à l’est de Libreville, cette zone est appelée à devenir la principale zone économique d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest. Le projet, qui doit prendre fin en mars 2013, devrait dynamiser le développement du secteur et renforcer l’industrie locale, en créant quelque 9 000 emplois.
Ailleurs, l’une des usines que la SNBG contribue à créer sera implantée à Owendo, et spécialisée dans la découpe du bois. Créée en partenariat avec la société italienne Angelo Cremona, qui fabrique des équipements pour la transformation du bois, elle devrait être achevée d’ici la fin de l’année 2011, et emploiera environ 400 nouveaux ouvriers.
Après avoir fait l’acquisition de Leroy Gabon et Pogab, rachetée au groupe chinois Guohua Zhang, la société John Bitar & Company, basée au Ghana, prévoit d’investir jusqu’à 16.3 milliards de francs CFA (25 millions d’euros) pour restructurer la filiale de Pogab, qui sera dédiée à la transformation en contreplaqué de l’okoumé, essence reine du Gabon. Avant l’interdiction d’exporter les grumes, ces activités de transformation étaient effectuées en France. Les effectifs de Pogab devraient passer de 275 à 1 000 personnes. Les activités de Leroy Gabon portent sur environ 600 000 hectares d’okoumé, et contribueront à l’amélioration des infrastructures grâce à la construction de routes et de ponts.
Grâce aux différents projets en cours, le secteur est bien placé pour progresser vers ses objectifs, accroître ses exportations de produits en bois « Made in Gabon » et renforcer leur utilisation dans le cadre des projets d’infrastructures domestiques. Le cap difficile de la transition n’a certes pas encore été passé, mais des progrès réguliers sont accomplis, permettant au pays de tirer les bénéfices attendus.
Source et auteur : Oxford Business Group