Le président Omar Bongo menace d’interdiction de sortie du territoire les opposants politiques «qui vont à l’extérieur pour dénigrer les gens, les insulter». Les responsables de plusieurs partis politiques de l’opposition crient au scandale.
«On va demander à la France, au ministère de l’Intérieur (français) de nous donner la liste de tous ces Gabonais qui font des conférences de presse, qui sont déjà en campagne électorale, et nous allons leur refuser le droit de sortir du Gabon, advienne que pourra», a déclaré le 19 septembre dernier, le président Omar Bongo, agacé par des propos de certains dirigeant de l’opposition politique qui dénoncent les conditions de préparations de l’élection présidentielle prévue à la fin de cette année.
Le 9 septembre, une dizaine de partis de l’opposition avaient organisé une conférence de presse pour dénoncer «les conditions illégales» de préparation du scrutin présidentiel de la fin d’année. Ils accusent le pouvoir de mettre en place un système de «fraude électorale». Dans un communiqué commun, ils évoquent le «tribalisme et le régionalisme» sur lesquels le pouvoir se fonde. «La désignation fréquente d’un membre de sa famille, de son ethnie, de sa province à la Commission nationale électorale (CNE)», dénoncée par ces partis est un exemple du système de fraude. Victor Mwanga-Mabadinga, président du Mouvement d’émancipation socialiste du peuple (MESP), a annoncé la saisine de la Cour constitutionnelle pour protester contre la décision du président de la CNE de désigner seul les présidents des commissions électorales locales.
Par ailleurs, Zacharie Myboto, un ancien cacique du pouvoir a changé de bord et s’est ouvertement montré aux côtés des opposants chevronnés. Son intervention, dans le genre «je sais de quoi je parle», fustigeait le pouvoir à qui il demandait des comptes sur le dernier recensement de la population. Il a exprimé son doute sur la fiabilité des listes électorales en parlant de «chiffres grossis».
L’opposition dénonce une atteinte aux libertés fondamentales
L’élection présidentielle de la fin d’année qui fait couler déjà beaucoup d’encre est au cœur du débat. Les opposants gabonais de l’extérieur, parmi lesquels Daniel Mengara du mouvement «Bongo doit partir Gabon nouveau» s’invitent également au débat. Pour ce dernier «les listes électorales sont préfabriquées par le régime» et il appelle au «report pur et simple de l’élection de décembre au mois de juin 2006 afin d’établir des conditions de la transparence électorale». Sur les ondes de la radio Voix de l’Amérique, il a également qualifié le président Bongo de «dictateur» et a appelé à «sa démission immédiate».
Le mouvement politique «Bongo doit partir Gabon nouveau» s’est aussi vu refuser une marche contre le pouvoir de Libreville, le 15 septembre dernier à Paris. Selon le mouvement une autorisation avait pourtant été accordée dès le mois d’août avant une rétractation de la préfecture de police le 12 septembre.
Visiblement exaspéré par toutes ces attaques, le président Omar Bongo n’a pas mâché ses mots pour signifier à Pascal-Désiré Missongo, le ministre de la Sécurité publique et de l’Immigration, ce qu’il attendait de lui. «On laisse le Gabon et on va à l’extérieur pour dénigrer les gens; des conférences de presse ça et là. Alors pour ceux-là, Missongo, plus de passeport de sortie», a ordonné le président Bongo à son ministre. Furieux que certains opposants profitent des médias étrangers, en France et aux Etats-Unis, pour fustiger son régime et dénoncer le pouvoir personnel qu’il exerce depuis 1967 à la tête du pays, il lance: «Les élections qui se passent au Gabon, c’est au Gabon. Ce n’est pas aux Etats-Unis, ce n’est pas en France, ce n’est pas ailleurs mais c’est ici. Alors pourquoi les uns baladent là-bas, conférence de presse du matin au soir. Tous ces gens-là, terminé !».
par Didier Samson