Omar Bongo, le président gabonais, a des difficultés de trésorerie. Non seulement ça ne date pas d’hier mais, de plus, son intermédiaire préféré et cajolé, l’avocat français Robert Bourgi, en a même un temps souffert…
Le temps est venu de battre en brèche la vilaine réputation du président de la République gabonaise, son excellence El Hadj Omar Bongo, démocrate toujours bien élu depuis bientôt plus de quarante ans. Le bon « Mollah Omar » a des difficultés de trésorerie. Les preuves s’accumulent. Déjà, « papa » Bongo, comme l’appellent ses fils et ses courtisans, se trouve obligé de puiser dans les comptes de la trésorerie générale du Gabon, dont l’un des comptes est logé à la banque de France, à Paris, pour régler des petits achats pour sa famille. Comme l’écrivait Bakchich le 2 février dernier, c’était par exemple le cas de quelques Mercedes à 300 000 euros pièce. À l’époque, seuls des « droits-de-l’hommiste » un peu sourcilleux, telle l’association Sherpa, y ont vu un détournement de fonds publics.
Pire, lors de sa dernière et brillante réélection en 2005, Bongo a même du rogner sur ses frais de campagne à l’étranger. En 2005 en effet, son VRP hors Gabon avait dû porter sa bonne parole moyennant 225 millions de francs CFA, contre 600 millions en 1998. Les temps sont durs.
Une missive explosive© PieR GajewskiEt à en croire un joli courrier dégoté par Bakchich, la situation ne date pas d’hier. La missive, daté du 9 septembre 1997 (lire ci-dessous), dans un style bien peu empesé, réclame quelques comptes à l’un des serviteurs de papa Bongo : l’avocat et missi dominici de la Françafrique, Robert Bourgi. L’auteur de la lettre, un certain Danois du nom de Knud Rolf Thomsen, n’a rien d’un pitre. Il officie comme patron de la société d’import-export Proscan Ltd basée à Bâle, mais aussi comme consul royal du Danemark dans la même ville suisse. Bref, un homme plein de ressources et muni d’un passeport diplomatique qui a la légère impression de s’être fait gruger au Gabon. Par deux fois.
« J’attends toujours ma commission »
À la fin 1991, cet aimable Danois, affirme avoir travaillé d’arrache-pied pour faire entrer au Gabon une société chinoise (Viewood KT Chong) afin qu’elle fasse du business avec la Société nationale des bois gabonais. « J’ai visité Beijing trois fois (…), j’ai toute une documentation sur l’affaire (…), j’ai fait venir M. KT Chong en Suisse et au Gabon sur ta demande pour un rendez-vous avec le président », écrit-il à Robert Bourgi. Dès le début des années 90, ce dernier, en homme clé des réseaux Foccart, a effectivement participé à l’offensive de la Chine sur les bois précieux du continent.
Mais, apparemment, l’ami danois n’a pas été récompensé pour sa belle œuvre. Toujours est-il que l’ami Knut, au moment où il écrit la lettre, n’a pas vu sa commission sur ce contrat. Un pourboire de 20 francs français par mètre cube de bois exporté hors du Gabon, qu’il devait partager avec l’ami Bourgi. Et, s’il n’a pas sorti sa règle de calcul, le Danois l’a à portée de main. « En vue des volumes que Viewood a fait depuis 1991, les commissions doivent monter à des chiffres astronomiques et je suis très étonné que tu ne m’aies pas versé ma part de commissions ». Aimable, le Danois propose même à Bourgi de l’aider à faire les comptes. « Je peux assez facilement te calculer le cubage vendu à KT Chong (…) si cela peut aider ta mémoire ».
Bref une jolie ardoise pour Bourgi, à laquelle s’en ajoute une autre, dont la réclame est donnée dès le début de la lettre. 180 000 dollars US « versés en espèces comme prêt à S.E. El Hadj Omar Bongo pour financer ton voyage à New York, Washington DC et Atlanta avec l’ambassadeur Michel Teale (…) Dois-je demander cette somme au Gabon ou veux-tu me faire un virement d’un de tes comptes en Suisse ? », s’enquiert le Danois. Diable, Omar Bongo obligé de demander un prêt via Robert Bourgi ? Et la dette met du temps à être honorée ! Pov’, Pov’ Gabon…