Si une télévision publique interrompre à plusieurs reprises ses programmes pour annoncer une nouvelle, c’est que celle-ci est de toute première importance. Et la Télévision gabonaise n’a pas dérogé à cette règle pour annoncer, samedi 15 octobre dernier, sur le coup de 23 heures, le décès par suite de « crise cardiaque » de l’historique opposant, Pierre Mamboundou.
En effet, hormis le père Paul Mba Abéssolé (qui a fini par rejoindre avec armes et bagages le pouvoir en place), s’il est un opposant au Gabon qui a fait vaciller de toute sa carcasse le clan Bongo au pouvoir, ce fut bel et bien Pierre Mamboundou, le charismatique leader de l’Union du peuple gabonais (UPG), fondée le 14 juillet 1989.
Ingénieur des postes de son état et cadre de l’Organisation internationale de la Francophonie à l’époque, il eut maille à partir avec le clan Bongo, écopa d’une peine de 10 ans de prison par contumace, mais n’en resta pas moins intransigeant et audacieux.
Et contre vents et marées, il se présentera successivement à la présidentielle de 1996, à celle de 1998 et à celle de 2005 contre Omar Bongo Ondimba. En 2009, il croisera le fer contre Ali, le fils, et sera officiellement deuxième dans un scrutin présidentiel à un tour.
Que ce soit dans le cadre du travail parlementaire ou lors des concertations politiques, ses prises de positions avaient du relief tant il avait compris la nécessité de ne pas succomber à la tentation de trop s’approcher du marigot politique du pouvoir en place.
On se souvient que, ces derniers temps, approché par la société civile, il avait rejoint le mouvement « ça suffit comme ça », au sein duquel se trouve l’ensemble de l’opposition pour revendiquer le report des législatives du 17 décembre prochain en vue de l’introduction de la biométrie dans le processus électoral.
Grugé plusieurs fois lors des scrutins, il n’entendait plus être le dindon de la farce politique qui se joue dans son pays et semblait avoir fait de la biométrie la potion antifraude électorale ; il ne ménageait guère ses efforts à cet effet, mais il n’ignorait aucunement que l’acceptation de cette requête matricielle de l’opposition ne pouvait se faire au forceps mais sur la base d’une concertation avec le pouvoir.
C’est certainement ce qui explique que, de septembre 2010 à la veille de sa mort, il rencontrait régulièrement Ali Bongo Ondimba pour le convaincre d’accepter d’aller vers la biométrie, sa dernière revendication ; mais à l’évidence, à Libreville, le pouvoir n’en veut pas.
Boureima Diallo — L’Observateur Paalga