Du fait qu’un alinéa de la loi 7/96, révisée et publiée dans des conditions contestées par l’opposition, le prive de la possibilité de se porter candidat aux prochaines législatives, le député de la commune d’Oyem, Jean-Christophe Owono Nguéma, a introduit une saisine à la Cour constitutionnelle. Ce qui impliquerait que «tous les actes posés actuellement par la Cenap sont nuls et de nul effet».
Jean-Christophe Owono Nguéma, député de la commune d’Oyem, a procédé, le 21 octobre, à une saisine de la Cour constitutionnelle, en vue de faire constater le caractère anticonstitutionnel de certains aspects contenus dans la loi, récemment révisée, N°7/96 relative aux dispositions communes à toutes les élections politiques en République gabonaise.
Joint au téléphone le 21 octobre, le député d’Oyem explique : «Il se trouve que le chef de l’Etat, qui a le droit de légiférer par ordonnance durant l’intercession parlementaire, a pris l’ordonnance n°9 en date du 11 août 2011. Cette ordonnance n’a été publiée qu’il y a trois jours. A l’article 62 nouveau de cette ordonnance, on lit : « les partis ou groupement de partis politiques légalement reconnus sont admis à déposer une liste de candidatures et une seule. Les candidats indépendants peuvent également présenter une liste de candidats ». Ce qui veut dire que les candidats indépendants sont reconnus au niveau de la loi, ainsi que stipulé dans la loin fondamentale.»
«Mais là où le bât blesse», poursuit le député, «c’est lorsqu’on écrit, dans l’alinéa 2 de cette ordonnance, que « tout membre adhérant à un parti politique légalement reconnu, ne peut sans démission préalable de celui-ci, dans un délai de six mois au moins avant le scrutin, être investi par un autre parti politique ou se présenter comme candidat indépendant ou figurer sur une liste de candidats indépendants ». Cela veut dire que cette ordonnance qui a été publiée début octobre, nous demande, à moi par exemple, député sortant n’ayant pas été investi par mon parti, de ne pas me présenter en qualité de candidat indépendant parce qu’il aurait fallu au préalable que je démissionne six mois avant le scrutin. Or cette loi n’a été adoptée que deux mois avant le scrutin.»
Pour Jean-Christophe Owono Nguéma, il ne s’agit-là en fait que d’un subterfuge juridique pour «empêcher tous ceux qui n’ont pas été investis par le PDG de se porter candidats, au nom d’autres partis ou en indépendants, à cette élection. Ce qui est contraire à la constitution qui garanti les libertés fondamentales des citoyens que nous sommes.»
Le représentant du peuple, qui reconnait dans sa saisine que « aux termes de la Constitution, « les partis politiques concourent à l’expression démocratique »», estime que la disposition de l’alinéa 2 de l’article 62 nouveau de l’ordonnance dont il est question ne vise qu’à «priver le citoyen de sa liberté d’être candidat à la toute prochaine élection législative».
Et de préciser : «Le seul moment pouvant m’empêcher d’être candidat est le cas où je serais un repris de justice, ou ayant un casier judiciaire surchargé. Or ce n’est pas le cas, même si je suis signataire de la pétition « Ça suffit comme ça ! » lancée par la société civile et les partis politiques de l’opposition et que je suis tout à fait en accord avec le triptyque « Pas de transparence, pas de biométrie, pas d’élection ». Voilà qu’on prend une ordonnance qui va à l’encontre de notre constitution.»
«Ma saisine est simple : je demande à la Cour constitutionnelle, d’annuler cette ordonnance ou de surseoir son application. Or, suspendre l’application de cette ordonnance impliquerait que tous les actes posés actuellement par la Cenap sont nuls et de nul effet puisqu’étant antérieurs à la promulgation de cette ordonnance. Je demande donc tout simplement l’annulation de cet alinéa ou alors la suspension de la l’application de cette ordonnance n°9», poursuit le député d’Oyem.
Le 12 octobre dernier, Jules Aristide Bourdès Ogouliguendé, leader du Congrès pour la Démocratie et la Justice (CDJ), parlant au nom de l’opposition au cours d’une rencontre avec le Premier ministre, avait lui aussi déploré la modification, durant l’intercession parlementaire, de cette loi N°7/96, en y abrogeant certaines dispositions qui garantissaient plus de démocratie et en y ajoutant d’autres qui octroient au gouvernement le contrôle quasi exclusif du processus électoral.
Il est également connu que l’opposition a effectué une saisine de la Cour constitutionnelle aux fins d’interrompre l’activité de la Cenap, «vu que l’esprit et la lettre de la Constitution n’ont pas été respectés». Daté du 15 octobre, un communiqué de l’UPG à ce sujet indiquait que «sur la foi de l’exploit de l’huissier commis par l’Opposition, il a été démontré que l’ordonnance modifiant la loi N°7/96 n’a pas fait l’objet d’une publication à la date 06 octobre 2011. Par conséquent, nul n’étant sensé ignorer la loi, les dispositions de cette ordonnance ne peuvent être opposables.»
On se souviendra par ailleurs que Jean-Christophe Owono Nguéma avait été suspendu, en mars dernier, par le conseil de discipline du Parti démocratique gabonais (PDG) pour avoir, avec la député Paulette Oyane, émis des remarques et réserves lors de la révision constitutionnelle de décembre 2010. Si ces deux députés avaient conservé le privilège de leur siège respectif, on se doutait bien que le PDG n’allait pas les réinvestir aux législatives suivantes. Un peu plus, la révision récente de l’article N°7/96 les prive de la possibilité de se porter candidat.