Mahmoud Djibril, Premier ministre de l’insurrection pendant la guerre civile qui a conduit à la chute du régime de Mouammar Kadhafi, souhaite une accélération du processus de transition en Libye afin d’éviter un vide politique selon lui dangereux pour l’indépendance et l’avenir du pays.
Dans une interview à Reuters, il a critiqué le calendrier fixé en août par le Conseil national de transition (CNT) qui prévoit la rédaction d’une nouvelle Constitution et l’élection d’un Parlement d’ici la mi-2013.
Les 51 membres du CNT doivent apporter leur soutien d’ici la semaine prochaine à un gouvernement intérimaire dirigé par Abdel Rahim al Kib.
Selon le scénario actuel, cette nouvelle équipe aura jusqu’à juin 2012 pour organiser des élections à une assemblée constituante. Une fois la Constitution rédigée et soumise à référendum, des élections législatives auront lieu.
Pour Mahmoud Djibril, ce processus est bien trop lent et expose le pays à de grands risques de divisions et d’ingérences.
« Je veux juste que cette période de transition soit écourtée le plus possible afin d’éviter un vide politique, afin que nous ayons une loi fondamentale et un gouvernement effectif dans les six mois », a-t-il expliqué, interrogé mardi soir dans les locaux fortement gardés du CNT dans les faubourgs de Tripoli.
« Plus cette période de transition se prolonge, plus c’est dangereux pour l’unité du pays. Trop de gens ont commencé à intervenir dans la politique libyenne », a ajouté l’ancien Premier ministre, qui a démissionné de la direction du CNT il y a deux semaines, après la mort de Mouammar Kadhafi et la proclamation de la libération du pays.
« Ce vide politique ne peut qu’attiser les ambitions de certains, à l’étranger comme chez nous, et ce n’est vraiment pas sain pour la sécurité du pays. »
Il n’a pas voulu être plus précis sur la nature exacte de ces menaces.
RISQUES D’INGÉRENCE
Récemment, il a critiqué le soutien apporté par l’émir du Qatar à un groupe islamiste armé en Libye.
« Une puissance étrangère, alliée ou pas à des groupes ici en Libye, peut exploiter le vide politique pour chercher à façonner l’avenir de notre pays, ce qui est tout à fait inacceptable », a ajouté Mahmoud Djibril.
Il craint également que l’un des fils Kadhafi toujours en fuite, Saïf al Islam, et l’ancien chef des services de renseignement Abdoullah al Senoussi ne cherchent à fomenter des troubles dans le pays.
Pour Djibril, au lieu d’élire l’an prochain une assemblée constituante de 200 membres, il vaudrait mieux faire passer le CNT à 130 ou 140 membres, avec des femmes, des jeunes et des représentants des différentes milices.
Ce nouveau CNT désignerait une commission chargée de rédiger un projet de Constitution qui serait ensuite soumis à un plébiscite, dernière étape avant des élections législatives. « En seulement six mois, on peut avoir un Parlement », a-t-il assuré.
Mahmoud Djibril a précisé ne pas vouloir jouer un rôle au sein du gouvernement intérimaire mais espère que celui-ci écoutera ses suggestions. « Ce serait absurde de laisser le vide politique s’installer pendant huit mois en Libye », a-t-il insisté.
Le nom de Djibril est parfois cité pour former un mouvement politique capable d’offrir aux Libyens une alternative aux groupes islamistes comme celui d’Ali al Sallabi ou les Frères musulmans. Une idée qu’il juge « prématurée ». « Je n’exclus rien mais en ce moment ce n’est pas une de mes priorités. »
La présence dans le pays d’une pléthore de groupes armés, « voilà le vrai défi actuellement », a-t-il souligné. « Ces gens-là prennent les choses en main, ils arrêtent des gens, les interrogent », a-t-il constaté. « Quel genre de transition peut-on mener quand il n’y a même pas de policiers pour protéger les juges ? »
Guy Kerivel pour le service français