Le Docteur Noël OGOWET IGUMU a été condamné à cinq mois de prison dont un ferme et à 10 millions de FCFA d’amende pour homicide involontaire. Ces faits remontent à 2006. La nature d’un fait divers est qu’au-delà d’un cas particulier, généralement tragique, il y a toute la température d’une société, son état d’esprit et, écrivons-le, son degré de maturité.
Je suis navré que la réputation d’un médecin aussi réputé, qui a voué sa vie à soigner son prochain, se trouve ternie par une affaire dont nous ne jugeons pas de la pertinence judiciaire sur le fond, mais qui, d’un point de vue personnel, vient mettre à mal une réputation bâtie une vie entière. Que dire de la famille de la victime qui vient voir enfin sa douleur ineffable reconnue après cinq longues années d’une interminable procédure?
Comment ne pas se reconnaitre dans cette dramatique histoire? Qui n’a pas vécu ou entendu un proche ressortir d’un établissement hospitalier plus désespéré qu’il ne l’était en entrant du fait d’une erreur médicale? Comment mettre un mot sur le sentiment d’abandon et de profonde solitude face à la douleur de l’être disparu et sur une colère qui se transforme en fatalité, parce que l’on ne sait pas vers qui se plaindre? Qui n’a jamais été choqué par la qualité de l’accueil dans un hôpital parce que l’argent est la condition sine qua non pour être soigné? Voire. La condition de privilégié n’est pas un rempart contre les erreurs dues à l’incompétence, mais surtout au fait que la vie humaine n’a plus la valeur sacrée qu’elle doit avoir, même dans des sanctuaires comme les hôpitaux.
Il est urgent de revoir la philosophie qui est au cœur de nos hôpitaux et cliniques. Il ne s’agit pas seulement de les débarrasser de tous ces charlatans qui nuisent au lieu de redonner de la vie. Il est vital de remettre au centre de la relation médecin-patient cette conception, essentielle dans la civilisation bantoue, que soigner est un acte de thaumaturge qui donne à celui qui détient ce pouvoir l’illusion d’être Dieu. L’aspect matériel est anodin. Le patient est tout.
Je veux bien croire en cette mauvaise foi de journaliste qui transforme la réaction diligente du Conseil de l’Ordre des Médecins en un réflexe corporatiste. Nous regrettons cependant qu’il n’ait pas ce rôle de régulateur actif voire de nettoyeur rigoureux au sein de la profession afin de séparer le bon grain de l’ivraie et de communiquer sur les débats essentiels dans le domaine médical au sein de notre société.
Dans cet esprit, nous formulons la proposition suivante, afin de sortir par le haut de ce fait divers. Que le Conseil de l’Ordre des Médecins initie une proposition de réforme sur l’évolution de l’accueil dans les établissements de santé, afin de souligner de nouveau que le patient est l’alpha et l’oméga. Puisqu’il s’agit d’une relation complexe, il serait utile d’associer la société civile et les pouvoirs publics pour écouter, s’écouter et enfin proposer.
Cette histoire émouvante devient également emblématique car elle concerne aussi la justice. Il a fallu cinq années afin de répondre à une requête. S’il s’agit de réhabiliter l’image de la justice sur le dos d’un justiciable alors cette mascarade sera insupportable. Est-ce le seul cas concernant le corps médical ? La diligence et l’intransigeance de la justice dans ce domaine sont attendues pour que le Docteur OGOWET IMUGU ne soit pas uniquement un bouc émissaire.
Qu’est ce qu’une société émergente, selon nous? Un corps social suffisamment mature au point de discuter sereinement des sujets qui fâchent ; des citoyens désireux de rendre demain meilleur, en ayant la capacité de dialoguer et d’agir.
Michel-Edouard VINGA