Depuis plusieurs jours déjà, un sujet alimente le débat dans l’espace médiatique et particulièrement les réseaux sociaux africains: La rumeur sur une supposée seconde dévaluation du franc CFA, la monnaie régionale africaine. Dans une interview accordée à GABONEWS, Axel Doumingou, diplômé gabonais en ingénierie financière des marchés et des entreprises, porte parole de l’UJPDG-France, nous présente avec technicité, les raisons pour lesquelles « il n’y aura pas de seconde dévaluation ». Propos recueillis par Jacques Jarele SIKA
GABONEWS : Comment réagissez-vous face à cette incompréhension ou confusion de notions économiques et plus précisément la dépréciation ou la dévaluation du franc CFA ?
Axel Doumingou : La dépréciation d’une monnaie est la perte de valeur causée par le marché. Elle est différente de sa dévaluation. Pour mieux comprendre pourquoi cette rumeur de dévaluation est complètement infondée, il faudrait d’abord savoir pourquoi une monnaie est dévaluée. On dévalue sa monnaie au profit d’une monnaie de référence ; en l’occurrence le franc CFA par rapport à l’euro ou d’un panier de monnaie, pour mettre de l’ordre dans la valeur-même des monnaies respectives afin de faciliter les échanges commerciaux entre pays ou zones économiques, améliorer les balances commerciales en facilitant les exportations tout en espérant que les importations baissent grâce à l’effet-prix. L’effet-prix est utilisé pour décrire le sentiment réel que les consommateurs ont après la dévaluation d’une monnaie ou après sa dépréciation. Les prix des marchandises importées ne changes pas. Mais on doit sortir plus de monnaie pour se procurer des biens étrangers Réduire le déficit budgétaire. Mais l’une des motivations fondamentales reste le risque de marasme économique. En 1994, notre monnaie fut dévaluée pour cette raison. Les années 80 dans les deux zones CFA ont été catastrophiques, entrainant un déséquilibre financier et économique épouvantable. Les pays des deux zones, exportent majoritairement les matières première dont ils disposent et cela sans valeur ajoutée ou presque.
GABONEWS : Les indicateurs aujourd’hui ne laissent pas envisager une dévaluation ?
Axel Doumingou : Les deux zones conjuguées ayant le franc CFA pour monnaie, la CEMAC et l’UEMOA, ont affiché une nette santé ces dernières année et même pendant la crise. En 2010, l’Afrique Subsaharienne avait un rythme de croissance de 5.1% de son PIB. Le compte rendu d’une réunion tenue en mars dernier par l’état-major de la BEAC confirme que 2011 suivra avec 5.2% du PIB. Pour entrer plus dans le détail, le Gabon a connu une augmentation de 6.6%, le Tchad 15.5% et le Congo 9.5% ; pour ce qui est de la zone CEMAC. Pour l’UEMOA, le Niger +8.0 %, le Burkina Faso +7.9 % et le Mali +5.8%. Ces deux zone ont excellé dans ce qu’elles faisaient de mieux ; à savoir les exportations de pétrole pour la zone CEMAC et les productions agricoles pour l’UEMOA.
GABONEWS : Pour vous la dévaluation du franc CFA reste avant tout une politique monétaire ?
Axel Doumingou : Tout est dans le vert ! Bien que différentes dans les deux zones, les politiques des deux banques centrales, BEAC et BCEAO ont porté leurs fruits. La BEAC a opté pour un statu quo en 2010. C’est-à-dire que les conditions de refinancements des banques et des établissements financiers sont restées inchangées. La raison est qu’au début de la première crise en 2008, notre banque centrale a pris une décision de taille, celle de baisser de 150 points de base ses principaux taux directeurs jusqu’à début 2010. La BCEAO quant à elle, a décidé d’une réduction de 50 points de base tout en injectant des liquidités. La conséquence des politiques susmentionnées est le redressement des soldes budgétaires des pays membre des deux zones CFA. En 2009, 6.7% de baisse du déficit par rapport au PIB ; 5.6% en 2010. La CEMAC a connu les joies de l’excédent ; environ 1.7% du PIB. Ceci grâce à la maitrise de ses dépenses budgétaires. Nous ne devons pas négliger ces chiffres. Il est principalement à noter que ces performances ont été constatées durant la période de crise qui dure encore, malheureusement
GABONEWS : Les prévisions sont bonnes pour vous ?
Axel Doumingou : En zone CEMAC, comme je l’ai déjà noté, la croissance atteindra 5.2% du PIB. Et le pétrole n’y est pas pour tout. On note comme au Gabon par exemple, le dynamisme du service non-pétrolier. Tout cela conjugué avec une inflation maitrisée dans la zone, de 2.1% sur l’année 2011.
GABONEWS : La dévaluation du franc CFA est-elle d’actualité ?
Axel Doumingou : Non, au regard des faits et indicateurs énoncés. Et vous comme moi savons que les faits sont têtus.