L’affaire de pédophilie qui secoue notre pays en ce moment me révolte au plus haut point, et je regrette que cette indignation ne soit pas partagée dans son intensité par toute la communauté médiatique nationale. A la veille des fêtes de Noël qui symbolisent la place centrale de l’enfant-roi dans toutes les cultures, cette indignation se transforme en colère sourde.
Il est vrai que c’est d’abord une affaire de mœurs. Un homme ayant de très hautes responsabilités, usant de sa fortune acquise dans notre pays, assouvit ses instincts les plus inavouables sur de pubères enfants. En France, et dans tous les pays dits développés, c’est un délit qui aurait fait la une de tous les journaux, avec d’autant plus de retentissement que la position sociale du présumé coupable est élevée. C’est un délit qui, selon le site du Ministère français des Affaires Etrangères, « peut consister en une réclusion de 10 ans, 20 ans, 40 ans, voire en une peine à perpétuité et peut parfois s’accompagner de travaux forcés, si le délit est commis à l’étranger ».
Un Français qui commet un crime à l’étranger peut être poursuivi en France (art.113-6 et 227-27-1 du Code pénal français). La peine encourue en France par une personne reconnue coupable d’un acte de pédophilie est de 7 ans de prison ferme (article 227-22 du Code pénal français). Une personne reconnue coupable d’actes pédophiles commis dans un pays où ces actes ne sont pas punis pourra néanmoins être poursuivie en France (art.222-22 du Code Pénal français).
C’est vous dire la gravité du délit, signe de la protection à accorder à l’enfant. Depuis l’affaire Dutroux, les opinions publiques européennes sont, à juste titre, profondément traumatisées !
J’estime que notre justice doit aller jusqu’au bout de cette affaire, sinon au lieu de se cantonner à une sordide affaire de mœurs, cette histoire se transformerait en une affaire d’honneur, avec son lot d’orgueil et de vengeance. Il en va d’abord de l’honneur de la justice. Ce cas d’école serait le signe qu’elle est aussi du côté de la veuve et de l’orphelin, du faible et de l’exploité, et non pas sujette à des achats de conscience, comme la croyance populaire l’accrédite et comme les esprits bien informés autour de cette affaire le craignent. Elle (re)trouverait enfin du crédit auprès des justiciables !
Il en va également de l’honneur de notre pays. Le Gabon n’est pas une destination privilégiée pour le tourisme sexuel. Les individus qui, solidaires, se battent sans vergogne pour faire relaxer leur comparse seront les mêmes qui se répandront pour que cette image nous colle définitivement à la peau. Les réseaux pédophiles continueront sans crainte leurs basses besognes, et c’est ma fille, et c’est votre fils, ce sont nos enfants qui seront leurs prochaines victimes.
Pardonnez-moi, cher lecteur, ce cri du cœur. Mais, j’aurai dû commencer par là. Celui qui a un enfant comprendra la profondeur et la légitimité de ma colère. Un mwana gabonais n’est pas de la viande destinée à rassasier un européen pervers, aussi riche soit-il, disons-le clairement. J’estime que ce n‘est pas juste. Dans un cas similaire, au Tchad, le retentissement lié à l’affaire de l’Arche de Noé a donné lieu à une mobilisation internationale. L’opinion tchadienne a retenu que même pauvre, un enfant tchadien a droit à la même justice qu’un petit européen.
C’est bientôt Noël. Il est né le divin enfant. L’enfance et l’adolescence sont les périodes les plus précieuses de la vie, avant les combats tumultueux de l’âge adulte. J’estime que nos enfants ont droit à leur part de rêve. Les démons qui rôdent autour de leur innocence, dans le but d’abuser de nos misères matérielles et morales, ne sont pas nos amis comme ils le prétendent, mais la manifestation moderne de ces négriers qui volent, violent, pillent et repartent dans le même mépris où ils sont arrivés.
J’estime que la justice doit aller jusqu’au bout de cette triste affaire.
Michel-Edouard VINGA