Le sommet de l’Union africaine n’est pas parvenu lundi à Addis Abeba à élire un président pour son organe-clé, la Commission, les chefs d’Etat se divisant à peu près à égalité entre le Gabonais Jean Ping et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma.
Quatre tours de scrutin ont exposé les lignes de fracture entre Afrique anglophone et francophone, australe et occidentale.
Ce 18e sommet, le premier depuis la chute du libyen Mouammar Kadhafi, figure historique et controversée de l’organisation, se termine ainsi de façon inattendue.
L’UA dispose d’un splendide nouveau siège offert par la Chine pour 200 millions de dollars (154 M EUR), inauguré samedi, mais pas d’une nouvelle équipe élue pour s’y installer et diriger cette organisation réunissant 54 pays et représentant un milliard d’habitants.
« Aucun des deux candidats en lice ne l’a emporté », a indiqué à la presse le président de la Zambie, Michael Sata, et « la prochaine élection aura lieu en juin », au prochain sommet de l’UA, prévu à Lilongwe, capitale du Malawi.
Jean Ping, 69 ans, en poste depuis 2008, a devancé légèrement sa concurrente sud-africaine, ancienne ministre sud-africaine des Affaires étrangères et ex-épouse du président Jacob Zuma, lors de trois premiers tours (28 voix contre 25, 27/26, 29/24 voix), selon des sources concordantes.
Mme Dlamini-Zuma, 63 ans, actuelle ministre de l’Intérieur, a été alors contrainte par le règlement de retirer sa candidature, mais M. Ping — ancien homme de confiance de l’ex-président Omar Bongo –, pourtant seul en lice, n’a pas atteint la majorité des deux-tiers requise. Il a obtenu au quatrième tour 32 voix, et 20 bulletins blancs, à quatre voix de la majorité qualifiée exigée.
Danse de joie sud-africaine après l’échec de Ping
A l’annonce de l’échec de M. Ping, une dizaine de membres de la délégation sud-africaine ont dansé de joie pendant plusieurs minutes dans les couloirs de l’hémicycle, a constaté un journaliste de l’AFP, une allégresse qui a suscité des hauts-le-coeur chez les partisans de M. Ping.
« Le résultat a montré les divisions au sein du continent » et « il peut également signifier que les Africains ne veulent pas d’un pays de poids comme l’Afrique du Sud à la présidence », a relevé Jakkie Cilliers, directeur exécutif de l’Institut d’études pour la sécurité à Pretoria.
En fin de journée, les chefs d’Etat évoquaient un possible compromis laissant M. Ping et son équipe gérer les affaires courantes jusqu’au prochain sommet de juin, selon des sources diplomatiques concordantes. Les statuts confient pourtant a priori un tel intérim au vice-président, en l’occurrence le Kényan Erastus Mwencha.
L’Afrique du Sud, locomotive économique du continent, avait mené une campagne intense pour imposer Nkosazana Dlamini-Zuma.
Les diplomates sud-africains reprochent en privé à Jean Ping de ne pas avoir réussi à faire entendre la voix de l’Afrique dans les crises à répétition depuis un an sur le continent, en particulier lors de la rébellion en Libye qui a chassé du pouvoir, avec le soutien militaire aérien de l’Otan, Mouammar Kadhafi.
Mais la candidature de Mme Dlamini-Zuma « était avant tout une affaire de politique intérieure sud-africaine », estime un diplomate européen sous couvert d’anonymat. « Jacob Zuma voulait se donner une allure de dur, pour récupérer l’aile dure du Congrès national africain (ANC, au pouvoir) en prévision du prochain congrès du parti en décembre prochain, et faire pièce à Julius Malema », le remuant président de la Ligue de jeunesse.
Dimanche, les chefs d’Etat africains avaient élu le chef d’Etat béninois, Thomas Boni Yayi, président de l’UA pour l’année à venir, une fonction largement symbolique, pour prendre le relais de l’Equato-guinéen Teodoro Obiang Nguema.
En marge du sommet, le Soudan du Sud et le Soudan ont également tenté de régler leur grave conflit sur le partage de la manne pétrolière, sans avoir réussi lundi soir en dépit des pressions, notamment, du secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon.