Le Conseil constitutionnel sénégalais n’a pas cédé. Les Sages ont confirmé, lundi, leurs décisions de valider définitivement la candidature d’Abdoulaye Wade à la présidentielle et de repousser celle de Youssou N’Dour.
En choisissant de faire cette annonce au beau milieu de la nuit, presque en catimini, ils confirment aussi que ce choix, s’il était attendu, n’était pas forcément l’évidence. Depuis des mois, les opposants affirmaient que la volonté du président sortant de se représenter était anticonstitutionnelle. Les proches d’Abdoulaye Wade expliquaient que le chef d’État est dans son bon droit. La lutte entre les deux camps, plus irréconciliables que jamais à moins de quatre semaines du scrutin prévu le 26 février, est loin d’être finie. Le pouvoir comme ses détracteurs se crispent.
Les partis d’opposition, réunis avec la société civile au sein de Mouvement du 23 juin (M23), ont promis dès dimanche d’entrer en résistance. «Cette décision va dans le sens voulu par le pouvoir», accuse Abdul Aziz Diop, un porte-parole du M23 en appelant à une manifestation mardi à Dakar pour obtenir le retrait du «Vieux», comme les Sénégalais surnomment Wade. Une protestation qui se veut pacifique, assure-t-on au M23. Mais, vendredi soir, une précédente manifestation avait dégénéré, versant dans des heurts avec les forces de l’ordre jusqu’à présent rares à Dakar. Lundi, près de Saint-Louis, au nord du pays, de nouvelles échauffourées ont fait deux morts et cinq blessés parmi les manifestants.
Y’en a marre!
De leur côté, les rappeurs de groupe apolitique Y’en a marre semblent eux aussi durcir leur discours. «Les paroles suffisent, nous allons passer aux actes», a promis Thiat, l’un de ses leaders. Eux aussi évoquent des manifestations. Mais, lundi, les deux branches de la contestation n’appelaient pas à une action commune. «Y’en a marre fédère les jeunes détachés des partis politiques traditionnels. Pour l’instant ils exigent simplement qu’on les prenne en compte. Mais s’ils devaient rejoindre officiellement le M23 le front du refus s’en trouverait nettement renforcé», souligne un observateur. Pour faire vaciller une présidence intransigeante, les opposants doivent faire montre d’une immense capacité de mobilisation. Gilles Yabi, analyste du centre de recherche International Crisis Group (ICG), estime que «s’il y 50000 ou 100000 personnes dans les rues c’est possible. Sinon il est difficile d’imaginer que ça puisse changer la position de Wade». Mais dans ce cas le risque de violences s’en trouve accru.
Le pouvoir n’ignore rien de cette équation et ne reste pas inactif. Depuis des jours, pour affaiblir la contestation il joue d’une part des divisions qui miment l’opposition et d’autre part de menaces à peine voilée. Ainsi, samedi, Alioune Tine, un militant des droits de l’homme très connu au Sénégal mais surtout coordinateur et âme du M23, a été placé en garde à vue dans les locaux de la police. Il était toujours retenu lundi en fin d’après-midi. «La journée de mardi sera un bon test pour savoir s’il reste une chance de voir les élections se dérouler dans le calme», glisse un diplomate.