Le sceptre des autocrates serait-il soluble dans la magie du football ? Le casting des demi-finales de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 -Côte d’Ivoire/Mali et Ghana/Zambie-, disputées ce jeudi, met en scène quatre pays affranchis du joug du despotisme. Conquête certes précaire, voire douloureuse, mais qui interdit au moins à quelques tyranneaux, élus ou pas, de confisquer les lauriers cueillis par d’autres balle au pied.
D’abord, le duel des francophones. Au prix d’un long bras de fer et d’une brève guerre, Alassane Ouattara, l’élu des Ivoiriens, a fini par déloger du palais Laurent Gbagbo, l’inventeur du quinquennat qui dure dix ans. Au Mali, le sortant Amadou Toumani Touré jure, à la différence de nombre de ses pairs, virtuoses du temps additionnel, de s’effacer en mai prochain au terme de son second mandat, sans en briguer un troisième au prix d’un hold-up constitutionnel ; même si l’insurrection touarègue déclenchée le 17 janvier assombrit sa fin de règne et menace le calendrier électoral. Ce péril a d’ailleurs inspiré dimanche au milieu de terrain Seydou Keïta une ardente supplique : « J’ai la peur au ventre, confesse le Malien du FC Barcelone. On adresse ce message au président : qu’il fasse le maximum pour que cette situation s’arrête, que les gens du Nord cessent de se tuer entre eux. » Par un singulier hasard, son adjuration fait écho à celle lancée en un soir d’octobre 2005 par le capitaine des Eléphants Didier Drogba, au terme d’une qualification miraculeuse pour le Mondial allemand, arrachée à Khartoum (Soudan). Dans la touffeur du vestiaire, le buteur de Chelsea s’empare alors du micro, plante son regard dans l’œil de la caméra, puis invite ses coéquipiers à s’agenouiller avec lui. « Ivoiriens, Ivoiriennes, du Nord, du Sud, du Centre et de l’Ouest, implore-t-il, on vous le demande à genoux. Pardonnez! Déposez toutes les armes, organisez les élections et tout ira mieux. » Malgré l’aura de la star, il faudra donc cinq longues années pour que sa prière soit exaucée.
Côté anglophone, le duel pour une place en finale met aux prises les Etoiles Noires de l’ex-Golden Coast, où le pouvoir a changé de mains par le jeu des isoloirs deux fois en huit ans, et les Chipolopolos de Zambie, théâtre en septembre 2011 d’une alternance exemplaire. Des sanglots dans la voix, le sortant vaincu, Rupiah Banda, avait reconnu sa défaite en ces termes : « Le peuple a parlé, il faut l’écouter. Quand la danse est finie, dit-on au village, il faut cesser de danser. »
Ironie de cette petite géopolitique des stades, les deux pays hôtes, écartés en quarts-de-finale, affichent un palmarès démocratique moins flatteur. Il s’agit du Gabon, où l’héritier Ali Bongo avait, peu après son élection controversée de 2009, réservé sa première sortie aux « Panthères » nationales. Mais plus encore de la Guinée Equatoriale, écartée malgré un parcours surprenant et sa légion étrangère, où brillent notamment quelques Brésiliens naturalisés à grand frais, par la grâce d’un pactole pétrolier dont seul le clan au pouvoir se repaît. Que dire enfin du Sénégal, rangé hier parmi les favoris, gratifié d’un zéro pointé et piteusement éliminé ? Sans doute Abdoulaye Wade, qui rêve d’un hat-trick -un troisième mandat de rang, au demeurant illégal- à la faveur de la présidentielle du 26 du mois, espérait-il tirer profit des exploits des Lions de la Teranga. Raté. A Dakar, dans le costume du sélectionneur, un Conseil constitutionnel asservi a validé sa candidature et expulsé de l’arène le chanteur Youssou Ndour. Mais à l’heure du match truqué qui s’annonce, seuls les citoyens sénégalais en âge de voter auront le pouvoir de glisser dans l’urne un carton jaune ou rouge.