Depuis la nomination de Ndong Sima au prestigieux poste de premier ministre, certains observateurs de la vie politique, à commencer par ceux de sa province d’origine, estiment que ce dernier à du mal à trouver ses marques.
Décidemment, Raymond semble avoir du mal à déployer ses voiles. Alors que tous s’accordaient à dire que la séance de présentation à l’Assemblée nationale de son discours de politique générale devant les députés était l’occasion idéale pour lui de prendre son envol, malheureusement, ce fut un raté.
Pour ses adversaires, RNS flotte et peine à trouver l’inspiration. Malgré l’obtention du vote de confiance auprès des députés de la 12è législature, il fuite ici et là que ce dernier, au lieu de se mettre en toute confiance à l’ouvrage, bouderait en catimini la toute puissance de certaines agences et certains ministres qui satellisent au tour du chef de d’Etat. Pour ses affidés, ces agences et ces ministres amoindrissent particulièrement sa marge de manœuvre.
Ses partisans chuchotent aussi, remontés, que Ndong Sima manque de maîtrise sur certains de ses ministres qualifiés de «piliers» de la politique de l’émergence. Ces derniers, au lieu de lui rendre compte, se tournent plutôt vers le Président de la République. Sont particulièrement indexés : Magloire Ngambia, Jean-François Ndoungou, Léon Nzouba, Julien Nkoghé Békalé, Ida Réteno Assonouet, Gabriel Ntchango et Blaise Louembé.
La meilleure ! L’un des cités ci-dessus, au cours d’une conversation sur un parking d’un supermarché avec un proche qui lui demandait comment ça allait avec son patron, répondit : «qui ? Simon ?». Son interlocuteur, outré de constater qu’un mois après sa nomination ou sa reconduction comme ministre, ce dernier ne connaissait toujours pas le prénom de son patron, rétorqua en lui disant «non ! Ce n’est pas Simon, mais Raymond Ndong Sima». Et, malgré cette remarque, le ministre s’exclama en disant «ça change quoi ? Ce n’est pas mon chef ! En plus c’est un incompétent, il a laissé des problèmes partout où il est passé avant. Je n’ai rien à cirer avec. Moi, je rends compte au Président de la République, chef de l’Etat » Belle ambiance en perspective pour la suite! Notre confrère le Scribouillard avait certainement raison lorsqu’il titrait sur sa «Une» : «Ndong Sima prépare t-il sa prochaine sortie ?».
Est-ce cette ambiance délétère qui a fait écrire à notre confrère de l’Agp: «qu’on juge Ndong Sima sur pièces » ?
Pourtant, au terme d’un écrasant suspense qui aura ébranlé les plus flegmatiques, Ali Bongo Ondimba rendait enfin l’oracle en nommant Raymond Ndong Sima à la Primature. Véritable tremblement de terre dans le landerneau politique national qui, depuis des semaines déjà, bruissait confusément de prophéties, ragots et conjectures.
Si d’aucuns ont salué le courage politique du père de l’émergence, il n’a pas manqué des nostalgies pour cracher sur cet acte dont la simple évocation, il y a trois ans, aurait relevé du conte de fées. Pour une frange de compatriotes, le président de la république, et c’est tout son honneur, a certes franchi le Rubicon mais hélas, a promu celui qu’il ne fallait pas (sic). D’où les tirs groupés que l’élu du canton Kyè subis depuis qu’il a pris pied au ‘’Deux Décembre’’. Une solution finale dans laquelle aucune arme n’est épargnée : mousquetons, mines anti personnelles, artillerie lourde, tout y passe. Aucune trêve n’étant envisagée, l’on a comme l’impression que n’ayant pas apposé leur imprimatur sur le décret de nomination du Premier ministre, les soi-disant faiseurs de rois n’auront de repos qu’ils n’aient détrôné Raymond de son prestigieux piédestal.
L’homme qui est dépeint tendancieusement comme inexercé, distant et politiquement inexistant, est devenu depuis sa déroutante propulsion à la tête du gouvernement, le mouton noir des tenants les plus réactionnaires de l’ordre ancien. Singulier pays que le nôtre où l’émotion supplante volontiers la raison ; où l’on ne juge plus sur pièces mais sur la foi des certitudes. Et voilà qu’insidieusement, une jurisprudence ténébreuse prend corps au sein de la République qui, au mépris du principe de la présomption d’innocence conduit à l’échafaud ceux qui ne trouvent pas grâce aux yeux des gourous politiques nationaux.
A l’évidence, tout citoyen proposé aux charges publiques y arrive avec ses atouts et ses faiblesses. Affubler a priori Ndong Sima du manteau de l’infamie, édicter prématurément son échec relève davantage du procès d’intention. Dès lors, quels enseignements tirer de cet acharnement quasi obsessionnel qui n’a que peu de chance de prospérer ? Essentiellement quatre. Le premier, c’est que les mercenaires et leurs commanditaires se trompent de cible d’autant que Raymond Ndong Sima ne s’est pas auto désigné Premier Ministre .Ce qui ôte toute crédibilité à cette entreprise de démolition. Le second, c’est que tout ce qui est excessif est dérisoire et, pour paraphraser Valery Giscard D’Estaing il faut laisser les choses basses mourir de leur propre poison. En clair, l’opposition crypto personnelle à Raymond participe des débats des cavernes qui se nourrissent des miasmes des logiques suicidaires du passé. Le troisième est que le choix du Premier ministre est dicté par le contexte socio politico économique du moment. En fonction de l’ordre de priorités qu’il définit, le chef de l’Etat accordera la préférence à tel ou tel profil. Le quatrième et non le moindre, c’est de situer la place du Gabon dans l’économie mondialisée d’aujourd’hui. En d’autres termes, que serons-nous dans dix, vingt ou trente ans ?
Pour reprendre la belle formule de Paul Valery, nous vivons dans un monde fini, et cette vérité nous interpelle tous. Hypothèse d’école : que deviendra notre pays si le pétrole venait à s’épuiser ? Voilà la seule querelle qui vaille et c’est justement à cet exercice de projection dans l’avenir que le Premier ministre s’est livré avec doigté devant l’Assemblée nationale le jeudi 12 Avril 2012. Les censeurs patentés ont trouvé le propos du chef du gouvernement aérien et sa posture équivoque. Ces procureurs gagneraient à savoir que la vocation du Premier ministre n’est pas de plaire mais de traduire dans les faits le projet politique du Président de la République. Raymond Ndong Sima a donc pour mission de maximiser sous contrainte le progrès économique et social des Gabonais.
Economiste de formation, le Premier ministre porte sur les affaires de la cité un regard qui tranche avec celui du non-initié. En effet, le praticien de l’économie n’est ni un démagogue ni un adepte du populisme. Face aux défis qui lui sont posés, il échafaude les différents futurs envisageables compte tenu des ressources disponibles. Sachant qu’il est appelé à gérer une économie vulnérable, le Premier ministre a refusé de s’engager à la légère, préférant faire sienne la maxime de Jean Jacques Rousseau qui, dans Emile observait que le plus lent à promettre est toujours le fidèle à tenir.
Le tableau que le chef du gouvernement a brossé à grands traits devant les députés témoigne de ce qu’il maîtrise parfaitement les enjeux. De là à vendre du roman aux élus en égrenant une litanie d’engagements, il n’y a qu’un pas qu’il s’est à juste titre refusé de franchir. Le respect dû à la représentation nationale, c’est-à-dire au peuple gabonais imposait cette approche raisonnée. Au surplus, de mémoire de gabonais, que de profession de foi n’a-t-on pas entendu dans l’hémicycle du palais Léon Mba, lesquelles à l’expérience se sont avérés de véritables promesses d’ivrogne. Autrement dit, un Premier ministre ne vaut pas par la profusion de ses engagements mais plutôt par la pertinence des actes concrets qu’il pose au quotidien.
Raymond Ndong Sima est donc désormais à la manœuvre. Et le simple bon sens commande de le juger sur pièces, c’est-à-dire sur ses faits et gestes. Toute posture contraire ne serait que de la vulgaire malveillance.
Au lieu donc de faire le MCD (Mauvais Cœur Dur) en ruminant sur la gestion des budgets d’investissements et de certains dossiers par les agences, Raymond Ndong Sima, alias «Simon» ferait mieux de s’acclimater rapidement à son nouveau veston de PM, tout en évitant de perdre inutilement du temps avec des faux états d’âmes sur la superpuissance des agences, qui au demeurant sont une aubaine pour l’émergence et la bonne gestion des ressources du Gabon.
Par Amélie Edwani