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Hollande président, l’Afrique retient son souffle

Pour afrik.com, la victoire de François Hollande à la présidentielle française marque une «rupture», «au terme d’une campagne extrêmement virulente qui a vu les thèses extrémistes du Front National déteindre sur les positions du président sortant Nicolas Sarkozy. (…) L’opinion publique africaine avait eu de nombreuses occasions de déplorer l’action erratique de la France en Afrique au cours des cinq années de la Présidence de Nicolas Sarkozy».

Dans cette synthèse, le journaliste résume très bien le sentiment général des gabonais, et sans doute de nombreux autres africains francophones : un immense soulagement, le sentiment que les choses reviennent à la “normale”. La référence africaine de Nicolas Sarkozy est sans aucun doute le discours de Dakar et cette phrase qui blesse encore de nombreuses personnes : le «drame de l’Afrique» vient du fait que «l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire. […] Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès».

D’autres remarques ont semblé conforter ce mépris d’un autre temps porté aux africains, comme les injures raciales de Brice Hortefeux, les déclarations de Claude Guéant qui a pu dire que: «contrairement à ce que dit l’idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas».

Mais si l’Afrque ne se réjouis pas encore ouvertement de la victoire de François Hollande et du parti socialiste en France, c’est qu’elle ne fût pas, loin s’en faut, au cœur de la campagne présidentielle. Sur slateafrique.com, Jean Kouemayoa, enseignant béninois, résume cette appréhension : «la gauche, c’est toujours mieux pour l’Afrique. Mais nous attendons François Hollande au tournant concernant la Françafrique et la démocratisation qui régresse dans notre pays et partout en Afrique. Car il faut que la France arrête de soutenir les dirigeants africains qui sont des pseudo-démocrates et qui pillent les ressources de leur pays. Même si c’est de connivence avec des multinationales, qu’elles soient françaises ou non».

Ce que les éditorialistes, journalistes et hommes politiques africains connaissent de François Hollande n’est pas pour les rassurer. Car François Hollande ne connaît visiblement rien à l’Afrique. Dans un sens, c’est rassurant car il ne risque pas de l’étouffer en cherchant à la prendre dans ses bras comme le faisaient beaucoup de ses prédécesseurs. Mais c’est évidemment un énorme point d’interrogation pour la politique qu’il va mettre en place dans ce continent, du moins dans l’Afrique francophone, puisqu’il est resté particulièrement discret à ce sujet. Slateafrique.com, encore eux, paraphrase avec humour l’anaphore de François Hollande lors du débat télévisé avec Nicolas Sarkozy :
■Lui, président de la République, peut-être n’acceptera-t-il pas des djembés bourrés de devises détournées des maigres budgets d’États fragiles.
■Lui, président de la République, peut-être hésitera-t-il à répondre aux invitations touristiques de puissants africains en passe d’être “malencontreusement” renversés et inopinément bavards.
■Lui, président de la République, peut-être ne recevra-t-il pas avec faste les sombres autocrates qui continuent de souiller la réputation de l’Afrique.
■Lui, président de la République, peut-être ne sera-t-il pas tenté par des remakes de l’opération “Barracuda”.
■Lui, président de la République, peut-être ne distinguera-t-il pas, dans son tri des immigrés économiques, les pratiquants d’un culte musulman prétendument catalyseur de communautarisme.
■Lui, président de la République, peut-être arrivera-t-il à ne pas donner de leçons aux Africains…

On remarquera toutefois que ce qui domine dans cette énumération reste le « peut-être » et c’est bien là que le bât blesse. Force est alors de se pencher sur l’équipe qui, durant sa campagne, était chargée de formuler des propositions sur l’Afrique

Une cellule “Afrique” hétéroclite mais concernée

Kader Arif tout d’abord, chargé de la coopération et ministrable à ce titre. Né en Algérie en 1959, ce député européen, élu local toulousain, effectue de nombreuses missions sur le continent, en particulier en Algérie, pour le compte de François Hollande. Il prône une rupture avec la “Françafrique”, une révision en profondeur des politiques commerciales et migratoires et une refonte de l’aide au développement. Il est devenu incontournable sur les questions africaines

Christine Taubira rédige depuis peu des notes “Afrique” notamment sur la région des Grands lacs, pour le compte de François Hollande. Ancien soutien d’Arnaud Montebourg lors des primaires socialistes, elle fait désormais partie des noms cités à gauche (surtout par ses proches) pour occuper le ministère de la Coopération. Moins politique, moins médiatique

Jean-Michel Severino participe lui aussi activement à l’élaboration de la “pensée africaine” du candidat socialiste. Ancien directeur général de l’Agence française de développement jusqu’en 2010, il s’occupe des pays émergents au sein de l’équipe de campagne. Né à Abidjan, cet inspecteur des finances, fils d’immigrés italiens, fut aussi le vice-président Asie de la Banque mondiale. Il possède une expérience et une autorité qui en font l’un des plus écoutés au PS sur les questions Nord-Sud.

Il ne faut pas oublier non plus quelques “cadors” du PS impliqués dans des opérations récentes de charme en Afrique, comme Martine Aubry (Maroc), Jean-Louis Bianco (Côte d’Ivoire), Lionel Jospin (Sénégal), Laurent Fabius (Gabon) et bien entendu Harlem Désir, bien que ce dernier soit plus concerné par la situation des étrangers en France que par la coopération avec l’Afrique.

Enfin, citons les intellectuels de cette cellule “Afrique”. Thomas Mélonio, docteur en sciences économiques, diplômé d’HEC, il travaille au sein de l’Agence française de développement, l’AFD. Il est un peu la modernité pétrie de bonnes intentions. Il souhaite une rupture fondamentale avec «le paternalisme d’hier, le cynisme d’aujourd’hui, et la tentation toujours vivace du retrait», comme il l’écrivait en 2009 dans la Revue socialiste.

Parmi les têtes pensantes, d’autres techniciens comme Pierre Schapira, adjoint au maire de Paris, ou encore Louis-Mohamed Sèye, grand promoteur de la diversité au sein du PS, ont planché respectivement sur les questions de coopération décentralisée et de co-développement.

Quid du gabon ?

Bien malin celui qui connaît les pensées de François Hollande sur ce sujet, et même s’il a déjà son idée sur la question ! Rien ne transparaît dans ses discours au sujet du pays des Bongo, mais quelques axes sont développés dans une longue interview donnée au mensuel “Afrique Éducation” dont on peut rappeler quelques extraits.

«Je romprai avec la « Françafrique » en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité. Je relancerai la francophonie. Je prendrai les mesures nécessaires pour accompagner nos compatriotes établis hors de France, notamment, en matière d’enseignement, en fonction de leurs revenus. Je suis très conscient du fait que l’Afrique bouge même si les situations sont différentes d’un pays à l’autre. Le taux de croissance se situe aux alentours de 5 à 6% par an. Un niveau enviable par rapport au nôtre en France. On constate des améliorations dans la gouvernance des Etats même s’il reste beaucoup à faire.»

«Si j’étais élu, l’Afrique serait une priorité dans mon action.»

«J’ai déjà dit au début de cet entretien que je romprai avec la “Françafrique”. Permettez-moi d’insister : il n’y aura plus de réseaux parallèles. Tout cela est terminé. Voilà une vraie rupture que je vais immédiatement mettre en œuvre. Notre pays va étroitement travailler avec l’Union africaine et les organisations sous-régionales comme la CEDEAO qui vient de montrer son efficacité sur la question malienne. Que veux-je dire par là ? Qu’il ne revient pas ou plus à la France de dire aux Africains ce qu’ils doivent faire. La France ne fera plus à la place des Africains, mais avec les Africains. Je pense avoir été suffisamment clair là-dessus.»

«Si je suis élu le 6 mai prochain, je serai le garant de l’indépendance de la justice. C’est notre Constitution qui l’énonce. Je ne ferai donc pas obstacle aux affaires judiciaires en cours ou à venir. Mais permettez-moi d’évoquer un autre sujet voisin important bien que vous ne m’ayez pas posé la question, mais j’y tiens : je soutiendrai l’initiative sur la transparence des industries extractives et tous les projets demandant aux grandes entreprises de publier leurs comptes pays par pays.»

«Le gouvernement français actuel a nui à l’image de la France par une politique de visas humiliante et parfois arbitraire. Je mettrai un terme à ces tracasseries pour permettre la mise en place d’une coopération gagnant-gagnant.»

Il y a aussi ce discours à Tulles, les premières paroles de président de la République, le soir de son élection : «Mesdames, messieurs, chers concitoyens, nous ne sommes pas n’importe quel pays de la planète, n’importe quelle nation du monde, nous sommes la France. Et, président de la République, il me reviendra de porter les aspirations qui ont toujours été celles du peuple de France, la paix, la liberté, le respect, la capacité de donner au peuple le droit aussi de s’émanciper de dictatures ou d’échapper aux règles illégitimes de la corruption.»

Bref, des paroles claires mais trop générales pour en tirer des conclusions hâtives, d’autant que ces belles intentions devront résister à l’épreuve des faits et des contraintes internationales. Il ne reste donc qu’à attendre et observer, dans les semaines qui viennent et rester attentifs à certains détails qui, plus qu’une déclaration de politique générale, forgent un climat entre deux pays : la politique des visas, celle de l’immigration, les visites officielles ou officieuses, le développement ou le blocage des affaires judiciaires, les engagements économiques et les conditions politiques exigées, etc.

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