La controverse autour du projet, annoncé en mars dernier, de 28 000 hectares d’hévéaculture dans la province septentrionale du Gabon vient de s’enrichir d’un nouvel élément. Après la discussion arbitrée par l’ONG Brainforest, le 22 mars dernier à Libreville, entre une délégation venue du Woleu-Ntem et Olam, voici qu’un mémorandum vient d’être rédigé qui bat en brèche ce projet avec des arguments non négligeables.
Le développement des plantations de palmiers à huile est à l’origine d’une déforestation massive en Indonésie et en Malaisie, les deux premiers producteurs mondiaux. Dès à présent, et après avoir favorisé l’essor des économies d’Asie du Sud-Est au prix de cette dévastation, le palmier à huile fait son grand retour en Afrique.
Emmené par Jean Marc Ekoh, ancien Haut-commissaire du gouvernement, ancien ministre de Léon Mba, le collectif des ressortissants des villages concernés par le projet Olam au Woleu-Ntem, a publié un mémorandum à travers lequel il marque son opposition au projet du groupe singapourien Olam. Celui-ci a, en effet, conclu, en mars dernier, une convention avec le gouvernement gabonais portant sur un investissement de 91,5 milliards de francs CFA pour la construction d’une usine de transformation et le développement d’une plantation de caoutchouc et de palmier à huile une superficie de plus de 28 000 ha dans la province du Woleu-Ntem.
Le collectif sus cité indique que cette zone, «située dans le triangle que forme Oyem-Bitam-Minvoul au Nord du Gabon est la zone rurale la plus densément peuplée du Woleu-Ntem et du Gabon.» Les populations de cette zone estiment que les «formes et les stratégies de développement ne peuvent être imposées à une population sans leur avis. C’est cela aussi la participation de la population à la prise de décision et à la production chère au président de la République. De nombreux exemples dans le monde notamment au Zimbabwe, en Côte d’Ivoire, en Indonésie, etc. montrent que la négligence ou la non prise en compte du point de vue des populations peut déboucher sur des conflits ou un désastre socio-économique.» C’est sans aucun doute à cet effet que ces populations ont élaboré un mémorandum qui se base sur des arguments historiques, économiques, sociologiques, environnementaux et juridiques.
Arguments historiques
D’un point de vue de l’histoire, le mémorandum remonte au début des années 1940 lorsque Félix Eboué, gouverneur général de l’Afrique équatoriale française, avait interdit aux colons européens l’exploitation des plantations intensives de cacao, café, palmier à huile et hévéa. Ce qui avait induit la création d’une classe de millionnaires agricoles nationaux dans le Woleu-Ntem et la véritable naissance de la vocation agricole de cette province qui fut durant un bon moment le grenier du Gabon. Le collectif signataire du mémorandum en déduit que la concurrence entre les cultures industrielles et les plantations villageoises sera toujours déloyale «imparfaite, déstructurante et déstabilisante» au détriment du développement communautaire. Ramener dans leur localité un exploitant agricole industriel est pour ces populations, un retour aux travaux forcés. On lit en effet dans le mémorandum que «les nombreux témoignages que nous recevons des compatriotes travaillant à Olam à Kango (…) permettent d’affirmer que cela ressemble déjà à des travaux forcés.»
Arguments économiques
Énumérant ses arguments économiques, le collectif des ressortissants des villages concernés par le projet Olam au Woleu-Ntem pense que si ce projet peut avoir une rentabilité financière, ce qui est recherché par Olam, il n’a pas de rentabilité socioéconomique. Ce qu’il ne faut pas confondre avec la rentabilité financière. Le mémorandum défie la société Singapourienne de fournir une étude de rentabilité socioéconomique ainsi qu’une étude d’impact social de son projet dans la région. Selon le document, le projet d’Olam va induire une perte d’environ 10 000 emplois ruraux, notamment agricoles, parce que son implantation va nécessairement détruire les exploitations agricoles villageoises actuelles et créer un chômage notamment auprès des populations de plus de 50 ans. Une démonstration y est déployée au sujet de la disparition de ces emplois et de ce que les 7000 postes de travail promis ne sont que des emplois temporaires pour la phase d’implantation. Des emplois qui seront supprimés durant la phase d’exploitation.
Le mémorandum indique que «du point de vue de l’impact sur les finances publiques, Olam bénéficierait de l’exonération d’impôts et de droits de douane pendant plus de 25 ans! L’État ne gagnera donc rien sur ce projet. L’impact sur les finances publiques est négatif. Pour masquer cet impact négatif, Olam se propose de donner un appui aux conseils départementaux de Bitam et Minvoul par la collaboration aux projets d’infrastructures communautaires. Quelle forme prendra cette collaboration ? Quelle somme compte-t-elle mobiliser ?»
Arguments socioculturels
Le collectif des populations concernées pense que «le projet Olam, par l’exode rural et la dévitalisation qu’il va provoquer, aura un impact négatif sur la culture fang. Rappelons à tous que cette forêt est un temple pour tous les villages limitrophes. C’est le lieu de prédilection de nos rites et coutumes. Ce serait un sacrilège que de donner ce site à des étrangers pour la monoculture de l’hévéaculture.» Les signataires du document, qui annoncent qu’ils se réservent le droit de porter plainte à Olam, s’offusquent de ce que cette compagnie a indiqué dans son étude d’impact qu’elle va améliorer les conditions de vie des populations en leur facilitant le transport aussi bien des personnes que des marchandises et autres biens. «C’est de l’humour de mauvais goût. Olam se transformera donc également en société de transport ? Nous pensions qu’elle était là pour l’hévéa ?», indique le mémorandum qui s’indigne également de ce que la compagnie a annoncé qu’elle va offrir aux populations des groupes électrogènes alors que les villageois de la province se sont déjà équipées elles-mêmes de cette technologie.
Arguments environnementaux
A ce titre un paragraphe du mémorandum fera office de résumé : «Les risques environnementaux liés aux investissements d’Olam sont énormes. C’est pourquoi, nous saluons l’effort du Gouvernement à travers l’étude MCKinsey (L’union du 23 avril 2012). Les impacts environnementaux découlent de la déforestation, la pollution des eaux et des sols, en raison de la mauvaise gestion des engrais et des déchets, de la pollution de l’eau autour de l’usine d’engrais, l’érosion des sols. Nous savons que ces monocultures sont hautement destructrices des écosystèmes forestiers et source d’un déséquilibre écosystémique grave.» Le collectif des ressortissants des villages concernés par le projet Olam au Woleu-Ntem évoquent également les dangers des pesticides qu’envisage de fabriquer Olam à Port-Gentil. Il énumère de nombreux exemples à travers le monde où «l’utilisation de ces produits a augmenté le nombre de personnes atteintes des cancers et autres pathologies graves.»
Arguments juridiques
Le collectif des signataires du mémorandum rejette l’annonce d’Olam de laisser aux autochtones 5 km aux alentours de leurs villages afin qu’ils puissent s’y livrer aux activités agropastorales de subsistance. Au terme d’une argumentation sur les données de l’anthropologie culturelle propres aux tribus concernées, il rappelle que «la loi 16/01 01 du 31 décembre 2001, portant code forestier en République gabonaise est celle qui protège les intérêts de uns et des autres en matière de propriété foncière (…) Or, le code forestier stipule en son article 12 que le domaine forestier rural est constitué des terres et forets dont la jouissance est réservée aux communautés villageoises, selon les modalités déterminées par voie réglementaires. En d’autres termes, qu’elles y exercent un droit d’usage coutumier (loi 16/01 ; chap VI, art 252-261).»
Le collectif indique à cet effet que «D’après les données que nous avons actuellement, il s’avère que le domaine forestier sur lequel nous, populations du Woleu-Ntem exerçons nos usages coutumiers, fait l’objet de convoitise et d’expropriation. Et tout usage de ce domaine forestier sans l’accord et la participation des ressortissants de cette province est considéré comme une violation de la loi 16/01 portant code forestier en République Gabonaise, causes d’éventuels conflits entre populations et opérateurs économiques.»
Le collectif des ressortissants des villages concernés par le projet Olam au Woleu-Ntem conclu son mémorandum en ces termes : «Si l’État tient à son projet malgré la rentabilité socioéconomique incertaine comme nous l’avons démontré, qu’il trouve à Olam des zones vides à l’intérieur du Gabon, par exemple la foret des abeilles, la forêt de Ndjolé, la zone déserte entre Mékambo et Okondja etc. Fort de ces arguments, nous, populations de Bitam, Minvoul et Oyem disons à l’État et à Olam, «nous sommes des agriculteurs, nous ne voulons pas devenir des ouvriers agricoles, ni des étrangers sur nos terres».
Qui dit mieux?
Après avoir détruit la filière cacao et café, on veut maintenant détruire nos forêts parce qu’on n’a pas réussi à nous retirer notre indépendance.
Quelle est cette haine que les bilops vouent aux fang? Est-ce de notre faute si nous sommes les plus beaux, les plus grands, les plus nombreux et surtout les plus instruits???
Vous voulez la guerre civile peut-être?