De Louis-Philippe MBADINGA
LIBREVILLE — Conditions matérielles difficiles, problèmes d’enseignants, grèves récurrentes des étudiants, l’université gabonaise, jadis réputée à travers l’Afrique, s’est lentement dégradée, la réforme du système en 2010 a débouché sur une crise sans précédent en 20 ans.
Depuis janvier, les accrochages entres étudiants et forces de l’ordre se sont multipliés au point que des unités anti-émeutes sont en permanence stationnées à l’intérieur même du campus de l’université Omar Bongo (UOB) à la demande du recteur.
Malgré les états généraux de l’éducation en 2010, une partie des étudiants refuse la réforme demandant notamment la suppression de la limitation d’âge pour les bourses (27 ans) et une harmonisation du système LMD (Licence-master-doctorat).
Créée en 1970 pour accueillir quelques centaines d’étudiants, l’UOB en compte actuellement 15.000. Tout manque: des enseignants aux salles de cours, des tables aux livres mais aussi des… toilettes. Il en existe à peine une dizaine à l’UOB, construites en 2007 après un mouvement étudiant.
« Depuis les années 1970, aucun pavillon n’est sorti de terre en cité universitaire », déclare Boris Mba, un des leaders de L’Etudiant conscient, mouvement radical proche de l’opposition qui affronte régulièrement la police et dont certains éléments ont lancé des pierres sur le rectorat.
Les étudiants de Libreville demandent aussi la réforme du concours d’entrée à l’Ecole normale supérieure (ENS) qui forme les enseignants, ainsi qu’un agrandissement de la cité universitaire. Celle-ci compte 630 chambres accueillant officiellement deux étudiants chacune. Mais, dans les faits, elles sont occupées par 3 ou 4 étudiants.
Estimant que « faire des études au Gabon ne doit plus être considérée comme une punition », le président Ali Bongo a décidé en août 2011 de revaloriser de 25% les bourses d’études au Gabon et de 10% celles des étudiants à l’étranger. Une décision accompagnée de conditions d’octroi plus sévères sur l’âge et les années dans chaque cycle.
Le Gabon reste l’un des rares pays en Afrique à offrir des bourses dès la classe de 6ème jusqu’au doctorat aux étudiants. Mais « on ne va pas continuer à donner une bourse à un étudiant qui met quatre ou cinq ans à passer une année. C’est ridicule », souligne une source proche de la présidence.
Outre la bourse, il existe d’autres sources de malaise, notamment +les MST, les moyennes sexuellement transmissibles+. De nombreuses étudiantes sont harcelées par leurs professeurs qui exigent des rapports sexuels contre des bonnes notes alors que certains professeurs –hommes et femmes– se plaignent de propositions indécentes des étudiants.
Sur d’autres campus notamment à Franceville (est) la tension est montée avec la contestation des notes attribuées par certains enseignants et l’exclusion de plusieurs étudiants.
Les étudiants sont désormais divisés sur les conditions de la sortie de crise. Deux mouvements concurrents de L’Etudiant conscient sont nés ces dernières semaines.
« Si les étudiants se lèvent pour revendiquer c’est légitime. Mais, il n’y pas lieu de tout casser alors qu’on a la possibilité d’être écouté par les plus hautes autorités », estime l’étudiant Serge Obolo, membre du mouvement La majorité silencieuse.
Confronté à l’urgence face au risque d’une année blanche, le Premier ministre Raymond Ndong Sima a déssaisi le ministre de l’Education du dossier fin mai. « Une partie de la grève à l’université est liée à la crainte que les étudiants ont de quitter le statut de boursier et d’entrer dans la précarité parce que le marché de l’emploi ne leur offre pas assez de possibilités », souligne-t-il néanmoins.