Comme chez les présidents occidentaux, les déclarations de patrimoine font leur apparition sur le continent. Mais le flou entoure encore la rémunération totale.
Au Sénégal et au Niger, l’alternance politique s’est accompagnée d’un fait peu courant jusqu’ici en Afrique : la publication du patrimoine du président. Même si l’opération n’a pas manqué de susciter quelques critiques de la part de l’opposition, elle n’en demeure pas moins une nouvelle tendance. Le président sénégalais récemment élu, Macky Sall, en déclarant au Conseil constitutionnel un patrimoine de 1,3 milliard de F CFA (près de 2 millions d’euros) – incluant villas au Sénégal, appartement aux États-Unis, trente-cinq véhicules… -, a créé la polémique sur sa fortune alors que celle de son prédécesseur reste à ce jour inconnue…
La déclaration de Mahamadou Issoufou brille quant à elle par son exhaustivité : outre ses huit maisons à Niamey, Tahoua, Illela et Dan Dadji, le chef d’État cite pêle-mêle quatorze réfrigérateurs, dix salons ou encore neuf postes de télévision !
Le président sud-africain, Jacob Zuma, est moins appliqué, loin s’en faut. Il aura attendu 245 jours après son entrée aux Union Buildings, au lieu de 60 jours comme l’impose la loi, pour déclarer n’être ni « membre du conseil d’administration ni actionnaire d’aucune société publique ou privée »… Trop vague, estiment ses détracteurs.
À Abidjan, malgré ses promesses, la liste des biens d’Alassane Ouattara n’a toujours pas été publiée, alors que l’article 55 de la Constitution ivoirienne de 2000 l’y oblige à deux reprises, « lors de son entrée en fonction et à la fin de celle-ci ».
Même ignorance de la loi en Algérie. Instituée par le président Liamine Zéroual en 1997, la déclaration de patrimoine est depuis 2006 une obligation légale pour tout responsable politique (désigné ou élu). Les Algériens attendent toujours celle de leur président, Abdelaziz Bouteflika, mais connaissent en revanche ses émoluments. Hors avantages inhérents à sa fonction, il gagne plus de 9 000 euros par mois, quand son homologue ivoirien engrange, lui, plus de 14 000 euros.
Jacob Zuma les surpasse tous avec ses 19 700 euros mensuels, alors qu’en Tunisie, temps de crise oblige, Moncef Marzouki se contente de 3 000 dinars (1 493 euros), soit dix fois moins que ce qui est prévu par la loi (30 000 dinars mensuels). En Guinée, le président Alpha Condé a, lui, décidé de baisser son salaire, de 20 millions de francs guinéens à 15 millions (1 696 euros).
Si ces montants officiels restent pour la plupart en deçà de ceux que perçoivent les autres chefs d’État dans le monde – 14 836 euros pour le Français François Hollande, 17 016 euros pour l’Allemande Angela Merkel ou 26 700 euros pour l’Américain Barack Obama -, ils n’incluent pas les fameux fonds de souveraineté. Ceux-ci s’apparentent la plupart du temps à une cassette personnelle dans laquelle les présidents peuvent puiser à leur guise.
Entre fantasmes et réalité, enquête sur les salaires et les avantages des ministres… et de quelques présidents. Acte deux, l’Afrique de l’Ouest.
« Je gagne presque autant aujourd’hui comme professeur d’université que lorsque j’étais ministre de la Justice », se souvient un ex-membre d’un gouvernement ouest-africain. À l’exception de la Côte d’Ivoire, où les ors de la République sont plus clinquants qu’ailleurs, un ministre ouest-africain gagne péniblement 1 million de F CFA par mois (1 500 euros), rarement plus. C’est évidemment beaucoup dans une région ou plus de la moitié de la population vit avec moins de 1 dollar par jour. Mais c’est finalement assez peu au regard des salaires pratiqués dans certaines grosses entreprises. Et rien en comparaison des revenus des interlocuteurs expatriés envoyés par les organisations internationales ou les grandes puissances amies… « C’est un vrai problème, car un ministre doit pouvoir « assurer » lorsqu’il invite, reçoit ou voyage », explique l’un d’entre eux.
Cherchez l’erreur !
SLes nécessaires équilibres politiques et régionaux ne suffisent pas à expliquer les gouvernements pléthoriques en Côte d’Ivoire. Il y a sans doute une autre raison : la « prime d’installation » au montant vertigineux. Lors de sa prise de fonctions, chaque ministre reçoit environ 43 000 euros. En plus du salaire et des avantages classiques… Un record !.
C’est un fait, mais il y a les bonus souvent peu avouables. « Les per diem lors des déplacements, les présidences rémunérées de commissions ad hoc dont les travaux ne sont guère perceptibles et les « com » sur les contrats publics presque systématiques constituent un confortable complément de salaire », avoue notre Premier ministre.
Quelques avantages…
Sénégal : Maison et véhicule de fonction, prise en charge des frais téléphoniques et des voyages en avion.
Côte d’Ivoire : Prime d’installation (6 fois le montant du salaire mensuel), indemnités de représentation, voiture avec chauffeur.
Mali : Prise en charge à hauteur de 450 000 F CFA par mois des frais d’eau, d’électricité et de téléphone si le ministre ne dispose pas d’une résidence, véhicule de fonction, 300 litres d’essence par mois, per diem de 100 000 F CFA pour un voyage à l’étranger.
Guinée : Voiture de fonction, logement ou prime de logement, indemnités pour le carburant, 2 sacs de riz au moment de la fête de l’Aïd.
Burkina : Voiture de fonction avec chauffeur, indemnité compensatoire pour pallier la perte de revenu par rapport au métier d’origine (350 000 F CFA).
Niger : 300 000 F CFA d’indemnités mensuelles, voiture de fonction avec chauffeur, secrétaire particulier et chef de cabinet.
Bénin : Prime « d’équipement » de 5 millions de F CFA, voiture avec chauffeur, prise en charge de trois personnes au cabinet, dotation illimitée de carburant.