DAMAS — La Turquie a prévenu mardi qu’elle riposterait à toute violation de sa frontière par la Syrie, où la répression de la révolte et les combats d’une violence inédite près de Damas ont fait près de 90 morts.
L’Otan, réunie à Bruxelles à l’appel de la Turquie dont un de ses avions de combat a été abattu le 22 juin par les défenses aériennes syriennes, a jugé la destruction de l’appareil « inacceptable » et exprimé son « soutien » et sa « solidarité » à Ankara, sans évoquer l’option militaire.
Face à l’escalade des violences en Syrie secouée depuis plus de 15 mois par une révolte populaire réprimée dans le sang, la Russie, une alliée du régime syrien de Bachar al-Assad, a dit accepter de participer à une réunion internationale prévue en principe le 30 juin à Genève sur cette crise.
Devant le Parlement à Ankara, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a violemment condamné le régime syrien, qualifié de « dictature cruelle », et affirmé que « tout élément militaire qui posera (..) un danger de sécurité à la frontière turque venant de la Syrie, sera considéré comme un cible » militaire.
Voyant dans la destruction de l’avion un « acte hostile », il a souligné que le régime Assad était désormais « devenu une menace claire et proche pour la sécurité de la Turquie comme pour son propre peuple », et que son pays riposterait « en temps opportun » à la destruction de son avion.
La Syrie avait affirmé que l’avion turc avait violé son espace aérien et mis en garde contre toute « agression » contre son territoire, alors que la Turquie affirme qu’il était dans l’espace aérien international.
Ankara avait aussi affirmé qu’un avion de sauvetage en mer turc avait de plus essuyé des tirs syriens le 22 juin et menacé d’interrompre les exportations d’électricité vers la Syrie en représailles.
Conférence sur la Syrie
Tentant de jouer l’apaisement, la Russie a estimé que la destruction de l’avion ne devait pas être considérée comme un « acte intentionnel » et jugé « important que cet incident ne conduise pas à une déstabilisation ».
Après l’acceptation par Moscou de l’invitation du médiateur international Kofi Annan à participer à une réunion le 30 juin à Genève, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a estimé que l’Iran, un autre allié du régime Assad mais bête noire des Occidentaux, devrait y être invité.
Cette réunion est souhaitée par M. Annan, dont le plan de paix en six points est mis en échec depuis son entrée en vigueur théorique le 12 avril. Mais l’ONU à Genève a dit n’avoir toujours pas reçu de confirmation de sa tenue.
Alors que la mission des observateurs de l’ONU, prévue par le plan Annan, reste suspendue en Syrie, Nasser al-Qidwa, adjoint de M. Annan, a dit qu’il n’y avait pour l’instant « aucune dialogue politique » en Syrie mais une militarisation croissante des violences, ont indiqué des diplomates.
S’exprimant par vidéoconférence au Conseil de sécurité, il a estimé que les perspectives de solution politique seraient « un élément clé » dans la décision que doit prendre le Conseil de renouveler ou non le mandat de la mission des observateurs expirant le 20 juillet, vu le niveau croissant des violences.
Celles-ci ne faiblissaient pas avec des bombardements intenses de bastions rebelles, des combats entre soldats et rebelles et des perquisitions et arrestations menées par les forces de sécurité, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Des dizaines de morts
Au moins 85 personnes, en majorité des civils, ont péri à travers le pays, dont 25 dans les combats entre l’armée et les rebelles à 8 km de la capitale, notamment à Al-Hama, autour de positions de la Garde républicaine, a précisé l’OSDH.
Selon le président de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane, « c’est la première fois que le régime a recours à l’artillerie lourde dans des combats aussi proches de la capitale ».
« Ces banlieues abritent des casernes de troupes très importantes pour le régime comme la Garde républicaine (corps d’élite chargé de la sécurité de Damas et de ses banlieues). C’est là aussi où habitent des familles d’officiers », a-t-il précisé.
L’agence officielle Sana a affirmé que des « dizaines de terroristes » avaient été tués dans les combats à Al-Hama et que d’autres avaient été arrêtés. « Les groupes terroristes armés ont attaqué les citoyens et les forces de l’ordre, érigé des barrages pour faire passer les armes vers al-Hama », selon elle.
Le régime syrien ne reconnaît pas la contestation populaire qui s’est militarisée face à la répression et l’assimile à du terrorisme. Depuis le début le 15 mars 2011 de la révolte contre le régime, plus de 15.000 personnes ont péri, selon l’OSDH.
L’ambassadrice américaine à l’ONU Susan Rice a déploré « l’échec cuisant » de l’ONU en Syrie, où les veto russe et chinois ont bloqué jusque-là l’adoption de toute résolution contre le régime Assad.