L’avionneur européen a annoncé la construction d’une chaîne d’assemblage en Alabama. Une percée que Boeing voit d’un très mauvais oeil.
L’avionneur européen Airbus a annoncé lundi la construction d’une chaîne d’assemblage en Alabama, établissant une tête de pont aux États-Unis que Boeing a vue comme une déclaration de guerre. « Le moment est venu pour Airbus d’élargir sa présence aux États-Unis », a déclaré le P-DG de l’avionneur, Fabrice Brégier, en annonçant à Mobile, Alabama, la production sur place des monocouloirs A320 de la famille des A320, devant les patrons des compagnies américaines qui volent sur Airbus.
La construction de la chaîne doit commencer à l’été 2013, a annoncé Airbus. L’assemblage des avions devrait débuter en 2015, les premières livraisons, en 2016. Airbus prévoit une production de 40 à 50 appareils par an d’ici à 2018 dans ces installations. « Ce projet va permettre de créer 1 000 emplois stables et bien rémunérés », a déclaré le gouverneur de l’Alabama, Robert Bentley, aux côtés de Fabrice Brégier.
« Carte d’identité américaine »
Airbus a déjà des chaînes d’assemblage à Toulouse, à Hambourg et Tianjin, en Chine. Boeing ne construit ses avions qu’aux États-Unis, à Seattle (État de Washington), et depuis peu à Charleston, en Caroline du Sud. Airbus estime à 5 900 nouveaux avions les besoins de l’Amérique du Nord dans les 20 prochaines années. En prenant une « carte d’identité américaine », il espère pouvoir se battre à armes égales avec Boeing en jouant sur les prix et les délais de production, a expliqué Marwan Lahoud, directeur de la stratégie.
Airbus comme Boeing ont des carnets de commandes tels qu’à leur rythme actuel de production ils ne peuvent pas satisfaire la demande avant de longues années. « Nous devons de toute façon monter la cadence », a poursuivi Marwan Lahoud en expliquant le pari de l’avionneur. Airbus a déjà pris une longueur d’avance sur Boeing en décidant en décembre 2010 de remotoriser son best-seller A320 pour offrir aux clients des avions consommant 15 % de kérosène en moins que les modèles actuels. Les premiers A320 Neo doivent sortir en 2015, deux ans avant le modèle correspondant de Boeing, le 737 MAX.
Sans attendre l’officialisation des projets de son concurrent européen, Boeing a tiré une violente bordée dès vendredi. La firme de Seattle avait mené une campagne virulente et victorieuse contre son rival, obligeant en 2011 le Pentagone à revenir sur sa décision de confier à Airbus le renouvellement de sa flotte d’avions ravitailleurs, un marché de 35 milliards de dollars. Prêtant à Airbus la « promesse de déplacer des emplois d’Europe vers les États-Unis », Boeing affirme que les aides « illégales » qu’Airbus a reçues des gouvernements européens ont détruit des « milliers d’emplois américains ».
Aides gouvernementales excessives
En réalité, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a jugé que Boeing comme Airbus avaient bénéficié d’aides gouvernementales excessives, dans des décisions que chacune des parties interprète à son avantage. Airbus cherche à réduire ses coûts en assemblant des appareils aux États-Unis. Il évitera ainsi le risque de change : les avions se vendent sur le marché mondial en dollars, alors qu’il produit essentiellement en Europe. À Mobile, il bénéficiera du fait que l’Alabama est un des États où l’affiliation à un syndicat n’est pas obligatoire.
Mais l’avionneur se défend de vouloir retirer de la charge de travail des sites européens. L’assemblage d’un avion ne représente que 5 % de sa valeur, le reste représente des commandes pour les fournisseurs et les sous-traitants qui montent les différentes sections de l’appareil, soulignent les dirigeants de l’entreprise. « La direction promet que les tronçons continueront d’être produits en Europe et nous assure qu’il n’y aura pas de pénalisation de l’activité en Europe », a déclaré Michel Bergues, représentant de FO, premier syndicat d’Airbus, après une réunion de la direction avec tous les syndicats européens.
« FO veut des garanties de maintien de l’activité des chaînes européennes, mais aussi de participation à la croissance des cadences », a-t-il ajouté. L’Allemagne, un des deux pays avec la France qui cherchent à peser sur la stratégie d’Airbus et de sa maison-mère EADS, a déjà donné un blanc-seing à l’aventure américaine.