L’armée syrienne contrôlait lundi un quartier stratégique du centre d’Alep, la métropole du Nord où d’intenses combats ont opposé troupes et rebelles, alors que l’émissaire international Lakhdar Brahimi est attendu mardi en Turquie pour visiter un camp de réfugiés proche de la frontière avec la Syrie.
Au terme d’une mission de quatre jours à Damas qu’il a qualifiée d' »extrêmement difficile », le médiateur international Lakhdar Brahimi devait auparavant rendre compte au Caire auprès de la Ligue arabe de ses entretiens avec le président Bachar al-Assad et avec des chefs de la rébellion.
Il devait également participer au Caire à la première réunion du « groupe de contact » quadripartite sur la Syrie (Iran, Egypte, Turquie et Arabie saoudite), selon un diplomate arabe. Si M. Brahimi avait lui-même prévenu qu’il ne fallait pas s’attendre à des « miracles », les insurgés ont d’ores et déjà estimé que sa mission était vouée à l’échec en raison de la poursuite des violences et du blocage au Conseil de sécurité de l’ONU.
Le président de la commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie, Paulo Pinheiro, a souligné que les violations flagrantes des droits de l’Homme augmentaient en « nombre, rythme et intensité » dans ce conflit qui a coûté la vie à 27.000 personnes en 18 mois. Présentant une version actualisée de son rapport publié en août, il a recommandé au Conseil de sécurité de prendre « les mesures appropriées », relançant le débat sur une éventuelle saisine de la Cour pénale internationale (CPI).
Il a pointé du doigt « la gravité des violations, abus et crimes perpétrés » par les forces gouvernementales et les milices pro-régime, ainsi que par « des groupes antigouvernementaux ».
Selon le magazine allemand Der Spiegel paru lundi, l’armée syrienne aurait effectué des essais avec des armes chimiques fin août près de Safira, à l’est d’Alep. Cinq à six obus vides de substances chimiques mais destinés à une guerre chimique ont été lancés de chars ou d’avions sur un terrain baptisé Diraiham dans le désert près de Chanasir, réputé être le plus grand centre de tests d’armes chimiques en Syrie, affirme l’hebdomadaire qui cite des témoins.
Sur le terrain, dans le centre d’Alep, les troupes gouvernementales contrôlaient le quartier stratégique de Midane, théâtre de combats acharnés pendant une semaine, a constaté un correspondant de l’AFP.
L’armée conseillait toutefois aux habitants d’éviter une partie du quartier où des tireurs embusqués pourraient être retranchés. Le correspondant de l’AFP a vu une dizaine de corps de rebelles gisant au sol près de cette zone.
Le quotidien al-Watan, proche du pouvoir, a annoncé que Midane avait été « purifié », précisant que la majorité des hommes armés qui y combattaient étaient « des salafistes arabes et étrangers ». « Purifier Midane ouvrira la porte au nettoyage » d’autres quartiers rebelles, selon le journal.
Ecoles improvisées
Lundi, au moins 64 personnes –36 civils, 15 soldats, 13 rebelles– ont péri dans les violences à travers le pays, selon un bilan provisoire de l’OSDH, une organisation basée en Grande-Bretagne et qui se base sur un large réseau de militants.
Malgré le conflit qui a détruit ou endommagé plus de 2.000 établissements scolaires selon l’Unicef, la rentrée scolaire a eu lieu dimanche. Dans la ville rebelle d’Azaz, défigurée par les raids de l’aviation du régime, des opposants ont improvisé des écoles pour « former la génération de la liberté et de la dignité qui représentera la Syrie moderne » de l’après-Assad.
Le Premier ministre syrien Waël al-Halaqi a affirmé que « la crise avançait vers sa dernière étape » et que les autorités « travaillaient sur les axes sécuritaire, politique, social et économique pour mettre fin à la violence », dans des déclarations à l’agence officielle Sana.
Dimanche, un dirigeant rebelle a affirmé que la mission du médiateur Brahimi était vouée à l’échec et qu’un régime qui « dirige le pays par la force (… ne pouvait) être renversé que par la force », écartant ainsi toute possibilité de dialogue avec Damas.
Face à cette spirale de violences, le Conseil de sécurité est paralysé par ses divisions, la Russie et la Chine bloquant toute résolution condamnant la régime, alors que les pays occidentaux, certains pays arabes et la Turquie réclament le départ du président syrien.
Téhéran, autre allié de Damas, a démenti l’envoi de Gardiens de la révolution (Pasdaran) en Syrie, au lendemain de déclarations en ce sens du commandant en chef des Pasdaran qui avait reconnu publiquement pour la première fois la présence en Syrie et au Liban voisin de membres de cette force d’élite du régime iranien.
Chose inédite, Beyrouth a réclamé lundi officiellement des explications de l’Iran après cette annonce. Téhéran est le parrain du puissant parti chiite Hezbollah, mouvement lui-même créé par les Pasdaran en 1982 et désormais un membre influent du gouvernement libanais.
La Grèce a indiqué qu’elle s’apprêtait à renforcer ses contrôles aux frontières maritimes et terrestres dans l’hypothèse d’une arrivée massive de réfugiés syriens. « Une vague de migrants commence à être perceptible, elle n’a pas encore atteint la Grèce en nombre important, actuellement elle se dirige vers la Turquie, la Jordanie et l’Irak, mais le pays doit être prêt », a annoncé lundi le ministre de l’Ordre public Nikos Dendias.