Face au silence que lui oppose le tribunal de Libreville, Sraige Kombile s’est installé devant le palais de justice de Libreville pour observer un sit-in et une grève de la faim en vue de demander justice.
Après l’accident qui a causé la mort de l’étudiant Stackys Seraige Ditengou Maganga, devant le portail de l’université Omar-Bongo dans la nuit du 11 juin 2011, son frère ainé, Seraige Kombile, a décidé de demander réparation.
Les participants au conseil supérieur extraordinaire de la magistrature, convoqué par le président Ali Bongo Ondimba, qui doit se tenir se tenir ce mardi 26 février 2013 après 20 ans de routine, ne pourront ainsi plus ignorer cet homme, bien décidé à les interpeller sur la situation que vit sa famille depuis la mort de son cadet en 2011. Seul, assez clairement désemparé, il ne demande, en fin de compte, qu’une explication logique à ce qui s’est déroulé depuis 19 mois, ce que, visiblement, la justice ne se sent pas tenue de faire. Plus que de règles de droit, c’est d’humanité qu’il est question ici.
Dans cet entretien réalisé à l’initiative de Gabonreview, il explique les motivations de cette action désespérée.
Gabonreview: Seraige Kombile, pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Seraige Kombile: Je m’appelle Seraige Kombile. J’ai 35 ans. Je suis le frère aîné de Stackys Seraige Ditengou Maganga, l’étudiant qui a été mortellement accidenté devant l’université Omar Bongo de Libreville dans la nuit du 11 juin 2011.
Vous êtes assis sur le sol, à quelques dizaines de mètres du tribunal de Libreville. Qu’est-ce qui justifie votre présence en ces lieux?
© Désiré Dzonteu/Gabonrview
Après les obsèques de notre frère, nous avons été convoqués par le tribunal de Libreville pour une audience opposant le ministère public et Mlle Greta Koumba Mboussou [la personne qui conduisait le véhicule lors de l’accident – ndlr]. Nous avons eu recours au service d’un avocat qui a demandé un report d’un mois dans le but de mieux préparer le dossier. Mais malheureusement, le jour du procès, ledit avocat n’était pas présent dans la salle. Il était parti pour la France sans nous prévenir. Obligés par le tribunal, nous avons pris un autre avocat séance tenante. Celui-ci a été incapable de défendre convenablement le dossier. Aussi, nous avons remarqué que durant le mois de report, notre avocat ne nous a pas facilité l’accès au procès-verbal du constat de police que nous n’avons pu obtenir qu’après la fin du procès ; ce qui nous a notamment pénalisé.
Au vu de tout cela, nous nous sommes rendus à l’université pour rencontrer les témoins dont on nous avait dit qu’ils n’existaient pas. Ces témoins se trouvaient au portail où ils attendaient leur taxi. Ils nous ont donc raconté le déroulement exact de l’accident, ce qui concordait avec les photographies que nous avons prises sur les lieux à la suite du drame. Le tribunal n’a malheureusement pas tenu compte de ces témoignages. De plus, le monsieur que la demoiselle poursuivait en voiture n’a jamais été entendu à la barre, et Mlle Maganga elle-même n’a jamais mis les pieds dans un poste de police bien que sans permis homologué par l’administration gabonaise lors de l’accident. Elle a juste écopé de 8 mois de prison avec sursis le 24 août 2011. Mais jusqu’à ce jour, nous n’avons toujours pas reçu la décision de justice qui nous permettra d’aller vers les assurances.
Nous nous posons donc la question de savoir ce qui se passe. Qu’est-ce qui bloque le dossier depuis 19 mois?
Et qu’est-ce qui explique votre action aujourd’hui?
Je suis ici pour qu’on m’explique enfin ce qui se passe. Pourquoi le président du tribunal, qui semble prendre ce dossier comme une affaire personnelle, bloque les documents après que le verdict ait été rendu ? J’ai été voir le greffier plusieurs fois, j’ai été reçu 3 fois par le président du tribunal. J’ai écrit des correspondances au procureur, mais personne ne daigne me répondre. Le peu qu’on a pu avoir comme réparation ne nous soulage pas.
Je fais un sit-in et une grève de la faim. Je refuse de m’alimenter jusqu’à ce que j’ai enfin des explications car je me rends compte que dans notre pays, de plus en plus de procès ne le sont que de nom. Nous avons, par exemple, vu ce qu’a été celui qui a suivi l’assassinat du Sergent Mayombo à Mouila, ou la mort de la jeune demoiselle à Angondjé. Je veux bien croire que le père de la demoiselle, qui a accidentellement tué mon frère, soit une personnalité du pays, mais cela n’empêche pas que le dossier suive normalement son cours dans un pays de droit. Je resterai donc là jusqu’à ce qu’on me donne des explications cohérentes. Et je me fonde sur le discours du président de la République qui, le 5 août 2011 lors du Conseil suprême de la magistrature, avait été clair sur ses attentes par rapport aux nouveaux magistrats, même si nous sommes de nouveau aux antipodes de ses consignes. Alors, je suis en droit en de savoir ce qui se passe.
Avez-vous été ce matin au tribunal avant d’entreprendre votre action?
Je me suis rendu au greffe aujourd’hui, sans suite. Je suis allé voir des greffières, mais toujours pas de suite. Qu’on m’explique si le tribunal est incapable de rédiger une décision de justice 19 mois après le procès, si ça cache quelque chose d’autre ou si c’est tout simplement de la mauvaise foi. Que l’on m’explique !