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Etonnantes discordances dans le règlement définitif du budget de l’État 2011

cour-des-comptesLe règlement définitif du budget de l’État, gestion 2011, a été conclu à l’issue du conseil des ministres du 21 février dernier. Si le gouvernement a l’autorisation de prendre des ordonnances durant l’intercession parlementaire, on se demande quelle urgence a conduit à l’adoption, par ordonnance, de la loi de règlement pour le budget 2011 ? De plus, comment justifier le gap de 354,9 milliards de francs CFA de recettes et le surplus de 313,8 milliards de francs CFA concernant les charges. Le pouvoir qui a contourné le juge des comptes, aurait-il menti au parlement ? Remarques essentielles d’un expert ayant requis l’anonymat.

Le conseil des ministres du 21 février 2013 a adopté, par ordonnance, le règlement du budget, gestion 2011. Ce faisant, le conclave ministériel a violé la constitution du Gabon, notamment ses articles 48 et 52. Le communiqué final de ce conseil des ministres introduit que le solde du budget 2011, «pris en application des dispositions de l’article 47 de la Constitution et au terme de ce texte», s’établit ainsi que suit. Ressources perçues : 2 291,92 milliards de francs CFA ; règlement effectués : 2 405,8 milliards de francs CFA et déficit : 113,87 milliards de francs CFA.

L’information appelle deux observations résultant des dispositions des articles 48 et 52 de la constitution qu’il convient ici de rappeler. En son alinéa 5, l’article 48 stipule que «La Cour des Comptes assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution de la loi de finances. Le projet de loi de règlement établi par le Gouvernement, accompagné de la déclaration générale de conformité et du rapport général de la Cour des Comptes, doit être déposé au Parlement, au plus tard, au début de la première session ordinaire de la deuxième année qui suit l’exercice d’exécution du budget concerné.»

L’article 52 de la constitution indique quant à lui que «Le Gouvernement peut, en cas d’urgence, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de faire prendre par Ordonnances pendant l’intersession parlementaire, les mesures qui sont normalement du domaine de la loi. Les Ordonnances sont prises en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat et signées par le Président de la République. Elles entrent en vigueur dès leur publication. Elles doivent être ratifiées par le Parlement au cours de sa prochaine session. Le Parlement a la possibilité de modifier les Ordonnances par voie d’amendements. En l’absence d’une loi de ratification, les Ordonnances sont frappées de caducité. Les ordonnances peuvent être modifiées par une autre Ordonnance ou par une loi.»

Quid de l’article 52 de la constitution ?

Le libellé du communiqué final du conseil des ministres du 21 février amène à s’interroger, à titre principal, sur l’urgence, l’autorisation préalable du parlement et le lien entre le vote de la loi de règlement et l’exécution du programme du gouvernement.

Sur la question de l’urgence, la constitution fait obligation à l’exécutif de déposer le projet de règlement au parlement au plus tard, au début de la première session ordinaire de la deuxième année qui suit l’exercice d’exécution du budget concerné, soit au début de la première session ordinaire de l’année 2013 pour ce qui concerne la loi de règlement du budget 2011. Cette première session ordinaire ouvrant au mois de mars 2013, il n’y avait donc aucune urgence à adopter le projet de loi de règlement en conseil des ministres le 21 février dernier et le transmettre au parlement à l’ouverture, quelques jours plus tard, de la première session ordinaire de l’année 2013. On actera donc que l’urgence semble ne pas être avérée pour justifier l’ordonnance du Conseil des Ministres.

Sur la question de l’autorisation préalable, il conviendrait ici de préciser que, normalement, l’autorisation du parlement se traduit par le vote d’une loi autorisant l’exécutif à légiférer par ordonnance au cours de l’intersession et ce texte de loi doit préciser de manière explicite les matières pour lesquelles cette autorisation est donnée. Il ne semble pas que le conseil des ministres ait, aux mois de novembre ou décembre, adopté un projet de loi de cette nature et que le parlement ait à son tour vote cette loi avant les vacances parlementaires.

Sur la question de l’exécution du programme du Gouvernement, c’est le lieu de dire ici que la loi de règlement ne saurait constituer un élément du programme du Gouvernement car il s’agit ni plus ni moins de l’obligation constitutionnelle de rendre compte de sa gestion devant les représentants du peuple souverain.

Aussi pourrait-on affirmer que l’ordonnance adoptée en Conseil des Ministres ne respecte aucune des trois conditions nécessaires prescrites par la Constitution : l’urgence, l’autorisation préalable et l’exécution du programme du Gouvernement.

Entorse à l’article 48 de la Constitution

Il convient de se poser la question de savoir si l’ordonnance adoptée par le conseil des ministres est conforme à l’article 48, alinéa 5 de la Constitution. A la lecture du communiqué final du conseil des ministres, la réponse est non. Il est clair que le projet d’ordonnance adopte par le Conseil des ministres n’était pas accompagné de deux actes nécessaires prescrits par la constitution, à savoir : la déclaration générale de conformité et du rapport général de la Cour des Comptes. Car si le Conseil des ministres légifère en lieu et place du parlement, il doit le faire dans les mêmes conditions, à savoir que les documents qui doivent nécessairement accompagner un projet de loi sont les mêmes qui devront accompagner le cas échéant tout projet d’ordonnance.

Aussi, peut-on affirmer que l’Ordonnance adopté lors du conseil des ministres du 21 février 2013 relative au règlement du budget 2011 est contraire aux dispositions de l’article 48 alinéa 5 de la constitution.

Il n’est pas inutile à ce stade de s’interroger sur les motivations profondes du pouvoir, donc les raisons qui ont conduit à recourir à la procédure de l’ordonnance pour l’adoption d’une loi de règlement. Ce qui semble être une première en république Gabonaise. En effet, pourquoi, alors qu’il pouvait adopter un projet de loi et le présenter au parlement, le pouvoir est-il allé jusqu’à violer la constitution pour adopter par ordonnance le projet de loi de règlement du budget exercice 2011 ?

Deux raisons pourraient l’expliquer :

Première raison, en 2012 la Cour des comptes a refusé de déclarer conforment les comptes de l’année 2010 qui lui avaient été présentés. Il arguait en cela que la somme d’environ 400 milliards de francs CFA manquait à la caisse. Il ne faudrait pas exclure que la Cour des Comptes avait l’intention de faire preuve de la même intransigeance concernant les comptes 2011 et que le pouvoir a ainsi contourné le juge des comptes.

Deuxième raison, les contradictions du résultat de l’exercice budgétaire 2011. Dans l’ordonnance adoptée en Conseil des ministres le 21 février 2013, le solde du budget 2011 s’établit ainsi que suit :

Pour le Conseil des ministres, le solde du budget 2011 s’établit ainsi que suit : ressources perçues : 2 291,9 milliards de francs CFA ; règlement effectués : 2 405,8 milliards de francs CFA et déficit : 113,9 milliards de francs CFA.

Or, en sa page 13, le rapport économique et financier accompagnant la loi de finances 2013, adoptée en décembre 2012, indique : ressources : 2 646,8 milliards de francs CFA ; charges : 2 092 milliards de francs CFA et excédent : 554,8 milliards de francs CFA. Comment donc expliquer les 354,9 milliards de francs CFA de recettes en moins et les 313,8 milliards de francs CFA en plus concernant les charges ? Il semble en effet que cet écart de 670,7 milliards de francs CFA.

Que diront les partenaires techniques et financiers du Gabon, principalement le FMI et la Banque Mondiale qui par leurs silences laisseraient l’impression de cautionner cela. Enfin, que fera le parlement en réaction à la violation de cette prérogative exclusive qui est la sienne ?

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