La persistance des crimes rituels au Gabon a fait rompre le silence à la population qui jusque-là subissait, attendant sans aucun doute la réaction des pouvoirs publics. Après le lancement d’une campagne sur Facebook et l’annonce d’une manifestation début avril, il est question de la mise aux arrêts des six présumés assassins de Marcel Mayombo.
Manifestation des femmes à Libreville en mai-2012 contre les injustices dont le crime rituel.
Si les voix se délient en effet, c’est que le phénomène a soudainement pris de l’ampleur dans le pays. Des corps, généralement de jeunes filles, sont régulièrement retrouvés avec des parties manquantes tels que les yeux, la langue ou les parties génitales. Au-delà des derniers cas où des dépouilles mortelles de jeunes filles sont de plus en plus retrouvées, dénudées, avec des morceaux de bois ou de fer enfoncés dans le sexe, il y a le meurtre du Camerounais, Amadou Yogno, après la ville de Ndjolé, qui défraie la chronique.
Selon le président de l’Association gabonaise pour la prévention des crimes rituels, Jean-Elvis Ebang Ondo, «il y a eu une vingtaine de meurtres (de cette nature) depuis le début de l’année». Les victimes sont pour la plupart amputés des lèvres, de la langue et des organes génitaux. Ce nombre d’assassinats pour les seuls trois premier mois de l’année est d’autant plus inquiétant que les états-majors des partis politiques se remuent déjà en attendant l’annonce de la date des prochaines élections locales, les politiques étant souvent indexés comme commanditaires de ces pratiques lugubres.
A l’occasion, une autre affaire est revenue sous les feux de la rampe avec l’arrestation des six présumés assassins de l’adjudant-chef Marcel Mayombo. Parti en manœuvre militaire, le 14 décembre 2011 à une vingtaine de kilomètres de Ndendé dans la province de la Ngounié ou se trouve le Centre d’Instruction de la 6e Région militaire de Mouila, le sous-officier supérieur n’est jamais revenu avec le groupe dont il faisait partie et qui comprenait des nouvelles recrues. Son corps avait été retrouvé mutilé.
Cette fois, les six présumés criminels coupables nouvellement mis aux arrêts sont tous des frères d’rames. Il s’agit du Commandant Calixte Bembeleni Rembendambya, du lieutenant Pamphile Moukagni, Alain Didace Nziengui, Benjamin Ndoutoume Ella, Rodrigue Ivoungou et du caporal-chef Nicaise Iwangou. La presse gabonaise, notamment le satirique La Griffe espère que «Pour une fois, les choses vont aller jusqu’au bout» et que le ou les commanditaires seront eux-aussi interpellés.
La résurgence des meurtres rituels provoque de ce fait un mouvement de colère contre les pouvoirs publics gabonais, accusés de ne pas agir avec assez d’énergie pour mettre fin au phénomène.
«Nous voulons crier notre colère et dire aux autorités que cela doit cesser», déclare Jessy Miyzambou, membre de l’association Cris de Femmes, qui organise le 6 avril 2013 un rassemblement en soutien aux familles des victimes et pour dénoncer avec «vigueur ces exactions qui font du Gabon un pays dangereux».
Depuis le 20 mars 2013, de nombreux membres Gabonais du réseau social Facebook ont simultanément décidé de se faire entendre et de sensibiliser le monde entier contre les crimes dits rituels au Gabon, appelant au changement de mentalité. «Le phénomène des crimes rituels est réel», affirme un député sous le sceau de l’anonymat avant d’ajouter : Mais personne ici n’est prête à dénoncer qui que ce soit par crainte de se retrouver soi-même en danger».
Jusqu’ici, une seule affaire semble en réalité bouger. Elle met en cause un sénateur, Gabriel Eyéghé Ekomie, présenté par un criminel comme le commanditaire de meurtre d’une fillette de 12 ans. L’immunité parlementaire de ce sénateur du Komo-Kango, a finalement été levée et l’homme a récemment été entendu par le tribunal tandis que l’instruction du dossier se poursuit. Mais, jusqu’où pourra aller la justice ? Là est la question qui taraude l’esprit des Gabonais qui vivent désormais dans la psychose.