Sitôt le verdict du procès qui opposait Liban Soleiman à Mar Ona connu, ce 29 mars, le FERN a écrit au directeur général du Service européen d’action extérieure (SEAE) pour lui demander d’exprimer officiellement ses inquiétudes au gouvernement gabonais et étudier les possibilités d’agir pour la protection de la liberté d’expression.
Seul délibéré du jour, donné de manière expéditive alors que le prévenu n’était pas encore dans la salle, Marc Ona Essangui, le leader de Brainforest, poursuivi en justice par Liban Soleiman, le chef de cabinet du président de la République, a été condamné, le 29 mars, à six mois de prison avec sursis, assortis d’une amende de 200 000 francs CFA et du paiement de la somme de cinq millions de francs CFA au plaignant.
Membre de la Société civile gabonaise et prix Goldman pour l’Environnement en 2009, Marc Ona a été accusé en novembre 2012 pour diffamation à l’endroit de Liban Soleiman. L’accusation portait sur des déclarations faites au cours d’une réunion publique dans le Woleu-Ntem, en octobre 2012, ainsi que lors d’un débat télévisé portant sur les activités l’entreprise Singapourienne Olam, le 9 novembre 2012, sur l’émission «Ma Séquence» de la chaîne Téléafrica.
Quelques heures après la décision de justice, le FERN, une ONG chargée de suivre l’implication de l’Union Européenne dans les forêts et coordonner les activités des ONG sur les forêts et les droits des peuples forestiers, a écrit à Nicholas Westcott, directeur général du Service européen d’action extérieure (SEAE), avec ampliation à Jean Eric Holzapfel (Correspondant de l’UE pour les droits de l’homme) et à Martins Barreira Cristina (Ambassadeur, chef de la délégation de l’Union européenne au Gabon), entres autres.
Dans ce courrier de deux pages, le FERN, se prononçant sur la condamnation de Marc Ona, estime que «cette peine est incompatible avec le droit à la liberté d’expression tel qu’il figure dans la Constitution du Gabon, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et la Déclaration universelle des droits de l’homme. En outre, la notification du procès était trop courte et a empêché à l’un des avocats de M. Ona Essangui d’y assister le 8 Mars 2013. L’équité du procès peut donc être discutée». Vraisemblablement, le conseil de Marc Ona dont l’absence au procès est déplorée pourrait être l’avocat parisien William Bourdon, connu comme président de l’ONG Sherpa, un groupement de juristes qui a joué un rôle moteur dans le dossier des biens mal acquis
La correspondance du FERN rappelle le mémorandum produit, le 6 Mars 2013, par l’American bar association center for human rights, qui est l’association des avocats américains du Centre pour les droits de l’Homme. Il y est précisé que «les prétendues déclarations de M. Essangui sont nécessairement à classer dans la catégorie des discours qui concernent le plus la liberté d’expression et auxquels le droit international offre la plus grande protection contre l’intrusion du gouvernement. Car, la corruption du gouvernement est une question d’intérêt public. […] Des sanctions pénales pour des déclarations diffamantes sont disproportionnées par rapport à l’objectif de protéger la réputation d’autrui, particulièrement en raison de l’effet dissuasif que de telles sanctions ont sur le débat public. Ceci est particulièrement vrai lorsque la diffamation présumée concerne un personnage public.»
Le FERN qui brosse également un bref tableau de l’action d’Olam au Gabon depuis 2010, rappelle que «Marc Ona Essangui et Brainforest ont suivi ces développements avec une grande préoccupation et ont publié un rapport durant cette semaine, en collaboration avec le FERN et le World rainforest movement (WRM), sur les impacts actuels et potentiels de la concession sur les populations local.» L’ONG européenne exhorte «le SEAE, en conformité avec les directives de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme d’exprimer officiellement ses inquiétudes au gouvernement du Gabon.»
Ecrit le 29 mars 2013 depuis Bruxelles, la correspondance indique que ses auteurs envisagent de rencontrer le directeur général du Service européen d’action extérieure pour examiner «quelles sont les possibilités pour le SEAE à agir.»
Sitôt le verdict de sa condamnation livré, Marc Ona a indiqué à l’AFP qu’il devrait faire appel, non sans souligner : «Nous sommes une ONG engagée, je suis quelqu’un d’engagé, et ce ne sont pas de telles intimidations qui peuvent arrêter notre détermination».