Depuis 2010 dans la presse gabonaise, l’Ordre militaire de la Panthère noire est l’objet de moult extrapolations et procès en sorcellerie. L’hebdomadaire Echos du Nord a poussé, le 17 juin dernier dans sa rubrique «Analyse & Commentaire», une série d’interrogations et d’hypothèses sous le titre «L’Ordre de la Panthère noire et les crimes rituels». Morceaux choisis.
À la recherche des déterminismes de la recrudescence, ces derniers temps, des crimes dits rituels, l’hebdomadaire Echos du Nord qui pense à juste titre que «Personne n’a osé explorer du côté des ordres initiatiques, philosophiques et différentes obédiences mystiques dont regorge notre pays aujourd’hui», s’est avancé sur une hypothèse pour le moins métaphysique : celle de l’ordre aussi particulier que nouveau de la Panthère noire.
Jusqu’en 2009, en effet, on connaissait, au titre des ordres et décorations du Gabon, l’Ordre de l’Étoile équatoriale créé en 1959, l’Ordre national du mérite créé en 1971, l’Ordre de l’Éducation nationale et Ordre du mérite agricole gabonais. L’Ordre militaire de la Panthère noire n’est apparu au grand jour que le 9 août 2010 lors d’une cérémonie qui marquait le début des festivités célébrant le Cinquantenaire de l’Indépendance du Gabon. Ce jour-là, rappelle Echos du Nord, «Ali Bongo recevait le fanion symbolique des mains du ministre de la l’époque, une certaine Angélique Ngoma. Un fanion à l’effigie d’une panthère noire, devant lequel des hommes et des femmes venaient se prosterner.»
Selon la version officielle, l’Ordre de la Panthère noire a pour objectifs d’une part, de récompenser les mérites des personnels militaires et civils des Forces de Défense ; d’autre part, de témoigner la reconnaissance de la nation à toute personne physique ou morale ayant prêté son concours ou rendu des services éminents pour le rayonnement de la défense nationale. Il comporte trois grades : Chevalier, Officier et Commandeur. Le président de la République, Chef de l’Etat, est Grand Maître de l’Ordre Militaire de la Panthère Noire tandis que le ministre de la Défense nationale en est de droit le Commandeur.
Passé l’aspect visible des choses, l’hebdomadaire cite un adage gabonais qui rappelle : «Si tu caches une panthère derrière la maison, elle dévore tout ton bétail» et de commenter cette maxime : «De façon naturelle et simple, tout le monde sait que la panthère se nourri de sang et de chaire fraiche et rien d’autre. Or, si l’Ordre de la panthère noire, comme les autres ordres maçonniques, rosicruciens, chrétiens… contribuent à la recherche et à la conservation du pouvoir mystique ou politique, il n’est pas injuste de dire que cet ordre inconnu du commun des Gabonais et dont Ali Bongo est le seul grand maître, lui a permis de prendre le pouvoir. A défaut c’est cet ordre qui lui permet de se maintenir au pouvoir.»
Une suspicion est donc jetée sur ce nouvel ordre gabonais, en ceci que «la recrudescence du phénomène des crimes rituels dans notre pays coïncide avec la prise du pouvoir de force par Ali Bongo en 2009. Certes, sous Bongo père, on assistait déjà à ces cas d’assassinats avec prélèvements d’organes, mais ces derniers temps, la cadence et le rythme ont décuplé depuis l’arrivée d’Ali Bongo et l’installation de son groupe aux commandes de l’Etat. On est passé à un ratio d’au moins deux personnes mutilées par jour. Pour les cas connus et publiés.»
Explicitant sa thèse, l’hebdomadaire poursuit : «De façon naturelle et simple, tout le monde sait que la panthère se nourri de sang et de chaire fraiche et rien d’autre. Or, si l’Ordre de la panthère noire, comme les autres ordres maçonniques, rosicruciens, chrétiens… contribuent à la recherche et à la conservation du pouvoir mystique ou politique, il n’est pas injuste de dire que cet ordre inconnu du commun des Gabonais et dont Ali Bongo est le seul grand maître, lui a permis de prendre le pouvoir. A défaut c’est cet ordre qui lui permet de se maintenir au pouvoir.» Slalomant entre métaphysique et concret, le journal poursuit : «Que l’on soit dans la symbolique ou dans une vision naturelle de la question, si vous ne nourrissez pas la panthère que vous avez cachée derrière la maison, elle fini bien par dévorer votre bétail. Or, si une panthère s’acharne sur du bétail, même celui de son maître, quel sera le courage de ce dernier pour l’arrêter ? Autre chose possible dans le meilleur des cas : le maître de l’Ordre de la panthère noire n’aurait pas la force d’arrêter son monstre. Dans le pire, la panthère noire ne ferait que ce doit faire pour permettre à son maître de conserver le pouvoir.»
«Tout en souhaitant nous tromper dans notre analyse, il faut remarquer que l’indolence du gouvernement face au phénomène d’assassinats et d’enlèvement fait penser à un génocide programmé», note Echos du Nord presqu’en guise de conclusion.
Le journal n’est cependant pas le premier à jeter un regard soupçonneux sur l’Ordre de la panthère noire. Le 1er décembre 2010, quatre mois après l’officialisation de cet ordre, le journal gabonais Elite Afrique Magazine indiquait la présence de certains grands maîtres spirituels indiens venus sur le territoire national pour une «domination spirituelle» du peuple gabonais, en concertation avec certains responsables politiques du pays. Elite Afrique Magazine, citant certaines indiscrétions, assurait alors que ces maîtres spirituels avaient été invités par les plus hautes autorités du pays afin d’asseoir le pouvoir de la nouvelle équipe gouvernementale. Résumant l’article d’Elite Afrique Magazine, dans sa revue de la presse, le site Internet Infosgabon avait alors écrit que tout cela était fait «dans l’optique d’amener sur notre sol, une nouvelle secte appelée «La Panthère noire» devant remplacer «La Loge Equatoriale» désormais avec pour objectif, rendre ou faire allégeance au drapeau gabonais pendant une certaine période bien indiquée de l’année. Tout cela, en présence des membres du système gouvernance. Avec pour maquillage la Journée du Drapeau. En amont de cette mascarade politique, une certaine somme d’argent aurait été accordée au Gabon en forme d’emprunt soit, 250 milliards pour la construction des cités du côté de Bikelé (PK18). Le nouvel Ordre National de la Panthère Noire serait un ordre initiatique qui, sortant des sentiers battus, veut présenter au grand jour ce qui se fait dans le secret le plus absolu dans les salles feutrées des Charbonnages ou de la Sablière. L’Ordre National de la Panthère Noire vient concurrencer celles qui existent depuis comme le Grand Orient, Ordre Equatorial, la Grande Loge de France, le Rite Ecossais. En fait, pourquoi une autre obédience alors que celles qui existent, n’ont pas connu de crise majeure en leur sein ?»
Fantasmes ou vérité métaphysique ? Toujours est-il que la panthère noire, qui n’est pas une espèce à part entière, n’est qu’un félin ayant subi une mutation génétique appelée mélanisme qui provoque la formation d’un pelage noir au lieu du pelage brun-fauve tacheté de noir. On en trouve rarement en Afrique, le lieu de prédilection des panthères noires étant les forêts sombres d’Asie, en Birmanie, dans les iles de Java et Sumatra. Alors, rite maléfique véritablement importé d’Inde ou simple symbolique débouchant sur toutes ces extrapolations ?