L’affaire peut prêter à rire. Le président de la République, de retour de Tanzanie, salue avec «froideur» son Premier ministre venu l’accueillir. Mais bien avant, et notamment le vendredi 28 juin dernier, Bilié By Nzé, porte parole de la présidence aurait publiquement lancé à l’endroit de Ndong Sima : «Personne ne retient personne». Un enchainement d’évènements qui laisse penser à un «Clash au sommet de l’Etat», selon un titre du journal La Loupe.
Le lundi 2 juillet, sur les antennes de Radio France Internationale (RFI), François Mihindou, rédacteur en chef de l’hebdomadaire «La Loupe» s’est exprimé sur la supposée mésentente qui prévaut entre le chef de l’Etat et son Premier ministre. En effet, le confrère a indiqué qu’il existerait «un désaccord profond» entre Ali Bongo et Ndong Sima. Une situation de «crise» qui prendrait ses origines depuis l’accession du premier cité au pouvoir : «Quand Ali Bongo arrive au pouvoir, la première chose qu’il fait c’est d’instituer une sorte d’administration bis en tant que président de la République. Or, le Premier ministre, c’est quand même le chef du gouvernement. Dans ces conditions, cette administration échappe totalement à son contrôle».
Le média à abonnement, La Lettre du Continent, donne plus de détails sur l’étincelle ayant dernièrement mis le feu aux poudres : «Un échange plutôt musclé a opposé, le 20 juin dans le bureau d’Ali Bongo, le premier ministre Raymond Ndong Sima à plusieurs hauts responsables, parmi lesquels le chef de cabinet, Liban Souleymane, le secrétaire général du gouvernement et DG du BCPSGE (Bureau de coordination du suivi et d’évaluation du plan stratégique Gabon émergent), Pacôme Moubelet-Boubeya, ainsi que le patron du Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS), Serge Mickoto. Le chef du gouvernement a reproché à ces proches d’Ali Bongo de mener une campagne de déstabilisation focalisée sur la gestion des ordures à Libreville, visant à le pousser à la démission. Cette gestion, qui relève de la Société de valorisation des ordures ménagères du Gabon (Sovog), a été violemment critiquée par la présidence et les organes de presse proches du Palais du bord de mer pendant la tenue, fin juin, du NYFA de Richard Attias.»
Il apparaît de ce fait que Ndong Sima, selon La loupe, «contesté dès les premières heures de gloire par la baronnie du parti présidentiel, et particulièrement celle de sa province d’origine, le Woleu-Ntem qui le perçoivent comme un usurpateur», devient détenteur d’un poste vide et dépourvu d’une véritable autorité dans le fond ; ce qui aurait notamment contribué à faire naître une certain tension entre les deux parties.
Aussi, la supposée crise de confiance actuelle entre le chef de l’Etat et son Premier ministre serait la conséquence du fait que «Ndong Sima n’est que la victime toute désignée d’un système encore en mutation et à la recherche de nouveaux repères. Repères que les émergents peinent à concevoir et faire passer dans une opinion de plus en plus hostile du fait du retard à l’allumage de nombreux chantiers de l’Emergence». De plus, l’entourage du Premier ministre porterait, lui aussi, sa part de responsabilité dans l’ensemble des supputations qui, aujourd’hui laissent penser à un éventuel «clash» entre Ndong Sima et Ali Bongo dans la mesure où, note La Loupe, le cabinet de la primature n’a pas été au préalable recadré en vu de légitimer de manière prégnante la position et le choix de la personne du chef du gouvernement. Une faute qui, à en croire les confrères, serait la raison pour laquelle Ndong Sima est présenté à ce jour dans l’opinion nationale comme «un Premier ministre imposé au chef de l’Etat».
Ainsi donc, «les conditions jusque-là secrètes du choix du député de Yefa, brusquement présenté non plus comme le Premier ministre du «Palais», mais des lobbies extérieurs, ayant pignon sur rue dans les arcanes du jeune pouvoir de Libreville» seraient la principale cause du déni d’Ali Bongo et les siens à Ndong Sima. En effet, pour La Loupe, il apparaît évident qu’un groupe mal défini d’individus appartenant au Parti démocratique gabonais (PDG), perçoit mal «l’expertise de l’actuel technocrate du 2 décembre [Primature] à qui il manquerait certainement une dose d’expérience politique». Qu’à cela ne tienne, le confrère exhorte : «Bilié By Nzé et les autres Fangs qui entourent Ali, au lieu de faire dans la flagornerie, gagneraient à dire à Ali la vérité sur le risque que représente Ndong Sima, aussi moribond politique et impopulaire qu’il soit, si la logique de l’humiliation permanente demeurait la norme de son traitement au quotidien, et son éviction comme un malpropre prononcé». Une affaire plutôt corsée que l’avenir contribuera à éclaircir donc.