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Gouvernement : Qui nomme qui ?

gouvernementInvitée sur les pages web de Gabonreview, la rédaction l’hebdomadaire La Loupe, qui sera bientôt en ligne, a préféré reconduire cet article paru dans sa dernière livraison. Supputations d’un nouveau gouvernement aidant, le journal tente ici une dissection du système gabonais de nomination au gouvernement. Qui sont les faiseurs de roitelets ? Comment certains loups solitaires se débrouillent ? Une approche qui laisse comprendre qu’on fera toujours du neuf à partir du vieux.

La formation d’un gouvernement, fut-il de mission ou de combat, a toujours été l’objet d’intenses tractations politiques et sociales. De la recherche des équilibres aux compétences en passant par des assises populaires, le tenant du pouvoir, instance suprême de nomination en dernier ressort, fait l’objet de toutes les sollicitudes et pressions des lobbies issues des provinces, départements cantons, voire des villages, en ce qui concerne le Gabon par exemple, naviguant dans sa galaxie.

Les trois gouvernements formés par Ali Bongo depuis sa prise de pouvoir en octobre 2009, en dépit de la volonté de rupture clairement affichée dès le départ, obéissent malheureusement à cette règle, celle de la prise en compte dans sa configuration des neuf provinces que compte la République. Omar Bongo, dont le pouvoir n’a connu de l’essoufflement et la contestation ouverte que plusieurs décennies après au-delà des réseaux ésotériques et des relations personnelles complexes, ne procédait pas autrement.

A l’approche de la présidentielle de 2016 et au regard des indicateurs, pas tous au vert au niveau de bien de secteurs, il sera difficile, pour l’actuel chef de l’Etat qui va briguer un second mandat, en cas de formation d’un nouveau gouvernement, de s’appuyer uniquement sur les technocrates disposant d’une expertise avérée certes, mais dont l’expérience en matière de gestion des hommes fait grandement défaut.

Et c’est, semble-t-il, l’une des faiblesses des émergents. Et Ndong Sima, le Premier ministre de l’Emergence, même s’il ne s’en réclame pas, l’exemple patent de ce déficit abyssal en expérience politique et qui risque de leur coûter le pouvoir en 2016, si d’aventure l’opposition radicale et non alimentaire, se présentait en rang serré, avec un candidat unique et crédible.

C’est justement cette perspective qui va contraindre Ali Bongo à revoir en profondeur sa copie. D’en évaluer la composante, la crédibilité des possibles nominés, avec la volonté de commettre moins d’erreur de casting que par le passé.

Et dans cet exercice périlleux, Ali, qui a fait suffisamment de dégâts dans son attelage de 2009, va devoir inévitablement s’appuyer, comme il est malheureusement de tradition, sur les piliers du régime que sont les dignitaires, principalement les dépositaires de l’autorité dans chaque province, les présidents des institutions présentés comme des autorités de nomination, les sommités maçonniques, les groupes d’intérêts et de pression, qui constituent de véritables lobbies et centres de décision du pouvoir. La province et le département seront, comme il est de tradition en pareille circonstance, la norme.

Les dernières promotions à la Cour constitutionnelle, au Conseil national de la Communication, au Conseil d’Etat et à la Commission nationale de la lutte contre l’enrichissement illicite, œuvre du président de la République et des présidents des institutions viennent d’étaler au grand jour, le mal qui gangrène depuis des décennies le Gabon, à savoir le tribalisme sous toutes ses formes les plus abjectes et nocives. Les nominations au sein des instances dirigeantes du parti présidentiel lors du 10ème congrès, ne sont pas sorties de cette logique, au point que sur le terrain, le parti n’existe plus que de nom, le clientélisme politique étant passé par là, au vu et au su de tous.

Il se trouve que pour le prochain gouvernement, devant accompagner Ali Bongo jusqu’à la présidentielle de 2016, le risque de voir le cratère s’agrandir entre Ali et le peuple gabonais est non négligeable du fait justement, des fameuses promotions toxiques. Sil est une certitude, c’est celle de savoir que la « légion étrangère du palais », au-delà de l’organisation, ne sera pas d’une grande utilité à Ali. Elle va se contenter de jouer aux souffleurs derrière les rideaux. De créer et financer des milliers d’associations qui vont, comme en 2009, se révéler contreproductive. C’est dire qu’en 2016, Ali n’a rendez-vous qu’avec les Gabonais qui vont devoir lui demander les comptes de sa gestion de sept ans des affaires de la cité. Et avec lui, tous ceux qui y ont participé de près ou de loin. Alors, qui nomme qui, au gouvernement ?

Dans la province de l’Estuaire, tout se joue entre dignitaires Mpongwè et Fang. Et dans ce chapitre, il est difficile de faire sans Biyoghe Bi Mba, Ntoutoume Emane et Paulin Obame Nguema pour le premier groupe, Laure Olga Gondjoult, André Dieudonné Berre et Rahandi Chambrier et Radembinot Coniquet, pour le second. C’est de ce moule que sont sortis dernièrement Julien Nkoghe Bekale, Ossouka Rapono, Onewin et Calixte Nsie Edang.

Le Haut-Ogooué est une particularité depuis que le pouvoir y réside. C’est une propriété présidentielle. Ali est le décideur, aidé en cela par des dignitaires de la trempe de Marie Madeleine Mborantsouo. Mais depuis quelques temps apparaît la griffe de la « Mama » dans certaines promotions qui dérangent.

Dans le Moyen-Ogooué où les fameuses nominations toxiques font des ravages et risquent de plomber les locales et la prochaine présidentielle, ce qui ne surprendrait personne au regard de 2009 où Ali y a été laminé par Pierre Mamboundou et Mba Obame, les regards seront une nouvelle fois tournés vers Rose Francine Rogombé. Même si Ali détient le dernier mot l’avis de Rose Francine Rogombé compte. Et là, il n’y aura pas de comité permanent du PDG. Certains devraient attendre un autre cadre pour s’exprimer et réclamer ce qu’ils veulent.

La Ngounié ressemble de plus en plus à un champ de maïs où tout le monde porte la barbe. Il est aujourd’hui difficile de dire qui fait quoi et qui décide de quoi. Mais dans le chaos, deux noms sortent du lot. Léon Nzouba l’actuel ministre de la Santé et député non siégeant de la commune et Yves Fernand Mamfoumbi, le directeur général du budget. Mamfoumbi est aujourd’hui l’homme fort de la province. Voilà qui fâche certains dignitaires aujourd’hui à la touche, à l’exemple de Marcel Doupamby Matoka ou Jean François Ndongou qui ne se retrouvent plus alors qu’en pays Nzebi, c’est la grogne.

Séraphin Moudounga n’est pas un exemple de sagesse et de probité morale. Mais il a la particularité d’avoir mis les syndicalistes de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur au pas. Ce qui n’est pas rien pour un jeune régime. Et depuis la sortie d’Angélique Ngoma, et la mise à la retraite de « Yaye », ponctué par l’éloignement de Germain Ngoyo Moussavou, le protégé de Nzouba Ndama, est le seul maitre à bord dans le dispositif d’Ali dans la Nyanga. Et à ce titre, s’il n’est pas consulté lors du renouvellement des équipes, c’est qu’il est viré. Et Ngoyo rappelé en urgence pour conduire le bateau émergence dans cette partie de la République qui n’a pas voté Ali en 2009, malgré justement la présence de Ngoyo, Moudounga et les autres.

L’Ogooué-Ivindo est actuellement à la recherche d’un patron pouvant incarner avec autorité l’Emergence. Secouer par les affaires les plus lugubres, Ikamboyat et le ministre Ngazouzet auront du mal à convaincre une opinion qui a la particularité de naviguer dans l’une des provinces les plus arriérées de la République malgré ses énormes potentialités. Il reste que quand l’Ogooué-Ivindo se réveillera, sa place sera au niveau des hautes sphères de la République. Pour l’instant, elle traine au dernier rang du développement et Issozet Ngondet ou Billie Bi Nze, considérés comme les deux têtes de proue dans la chaine de décision. On attend tout d’Ali.

Guy Nzouba Ndama, l’actuel président de l’Assemblée nationale, a la particularité d’énerver les Emergents qui le perçoivent comme un potentiel adversaire politique d’Ali pour 2016. Vrai ou faux, Guy Nzouba Ndama est pourtant l’un des piliers du régime actuel. Et dans l’Ogooué-Lolo, sa posture compte. Une gestion politique qu’il partage avec Faustin Boukoubi, le député de Pana et actuel Sg du PDG. Problème : L’Ogooué-Lolo ne se gère pas dans les départements, mais dans la commune. Et là, il faut faire avec certains barons, notamment les descendants de Jean Stanislas Migolet qui considèrent Koula-Moutou comme leur « bien ». Et Nzouba Ndama, tout président de l’Assemblée qu’il est, le sait très bien. Y compris Boukoubi. C’est la botte secrète de Blaise.

Michel Essonghe, l’une des bibliothèques vivantes de la présidence de la République, cultive une discrétion maladive. C’est à peine s’il n’a pas fondu en larmes lors du dernier congrès du PDG, quand il est appelé par Ali, pour, présider les assises. Et du reste, il a fallu quelques apparitions en public pour le compte de Ceca-Gadis, pour qu’on le découvre sous cette nouvelle casquette qu’il porte pourtant depuis de longues dates. Là-bas, le nom de Mme Dossou revient souvent comme « celle qui fabrique les rois » dans l’Ogooué Maritime. Question, qui de Michel Essonghe ou de Dossou est l’autorité de nomination dans l’Ogooué-Maritime ? Peu importe la réponse, il faut reconnaître la qualité de Michel Essonghe dans la gestion des équilibres, malgré des choix parfois surprenants au regard des potentialités, de la densité et du poids des cadres dont regorge cette province cosmopolite.

Enfin rien ne va plus pour René Ndemezo’o dans le Woleu-Ntem. L’homme de Bifolosi qui a refait son retard lors du dernier congrès du parti au pouvoir, a-t-il brusquement décidé de considérer le Woleu-Ntem comme une affaire pliée et ses détracteurs mis sous éteignoir ? Que rien du tout. Ndong Sima, le Premier ministre, ne semble non plus tenir le bon bout. Le Woleu-Ntem ressemble de plus en plus à un vaste champ de guerre où tous les coups sont permis. Le plus compliqué pour Ali, c’est qu’aucune autorité ne semble faire l’unanimité, chaque roitelet ayant pris la décision de faire de son espace une zone interdite à quiconque. Une balkanisation de la province qui n’annonce rien de bon pour le pouvoir émergent qui risque fort de prendre une nouvelle gamelle lors des locales, et une autre déculottée en 2016 si rien n’est fait pour ramener la sérénité dans le Grand nord. Fallait-il alors sacrifier Engongah Owono pour Ndong Sima ?

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