Le Trophée des champions, joué le 3 août 2013 à Libreville, a conféré au Gabon une relative importance tout en suscitant de nombreuses interrogations quant à son coût et aux retombées pour le pays. La rencontre qui serait plutôt une belle opération financière pour la Ligue française de football professionnel (LFP), suscite une vive controverse au sein de l’opinion gabonaise.
À l’issue du match de gala opposant le 3 août dernier sur les installations du stade de l’Amitié d’Angondjé, le Paris Saint-Germain aux Girondins de Bordeaux, dans le cadre de la 18e édition du trophée des champions de la Ligue de football professionnelle (LFP), et la première organisée en Afrique subsaharienne, bon nombre de Gabonais s’interrogent encore sur l’intérêt et l’apport d’une telle organisation à l’économie du pays, mais également quant à l’amélioration de son quotidien.
Financé à hauteur de 800 000€, selon une multitude de sources concordantes, dans l’optique de vendre l’image du Gabon à l’international mais également de faire du Gabon un pays événementiel, ainsi que l’a affirmé le commissaire à la Commission d’organisation de cette manifestation, Louis-Claude Moundzieoud-Koumba, sur les plateaux de Gabon Télévision dans le cadre d’une émission bilan, le 4 août dernier, le choix porté par les autorités sur le «trophée des champions» paraît biscornu aux yeux de celui qui est censé en payer la note, ou en tirer des gains : le peuple.
«Un évènement comme ça, tout le monde y gagne, peut-être pas beaucoup, mais ils y gagnent tous. Le transporteur, le restaurateur, l’hôtelier, ceux qui font les télécoms y gagnent. En plus de cela, il y a quelque chose qui n’est pas quantifiable. Il s’agit de l’image, d’un pays. Parce qu’en matière de notoriété c’est une marque. Hier on cherchait à mettre un doigt sur le Gabon via la carte de l’Afrique aujourd’hui c’est possible. Et cela c’est le pays qui gagne, on identifie le pays sur une carte, cela ne peut pas se mesurer», a déclaré Louis-Claude Moundzieoud-Koumba, argumentant en faveur de l’évènement qualifié de «futilité» par M. Mouketou, citoyen gabonais, rencontré pour les besoins d’un micro-trottoir.
Le choix du Gabon pour accueillir la 18e édition du Trophée des champions a été sujet à de nombreuses critiques : une préoccupation que la chaîne de télévision française BFM TV a résumé par cette interrogation : «Mais pourquoi le choix de la Ligue de football professionnel s’est-il porté vers le pays dirigé par le controversé Ali Bongo ?». Si le ton de BFM TV paraît peu flatteur pour l’image du Gabon à l’extérieur, la question n’en est pas du tout anodin. En effet, cinq ans après avoir lancé le projet d’exportation du Trophée des champions dans le but de «faire connaître le football français à l’Etranger», la prestigieuse rencontre sportive opposant le champion de la Ligue 1 au champion de la Coupe de la Ligue s’était déjà déroulée sur le continent africain deux années consécutives, notamment à Tunis (Tunisie) en 2010 et Tanger (Maroc) en 2011, après une première édition à Montréal (Canada) en 2009 ; la dernière s’étant jouée à New York (Etats-Unis) en 2012.
Selon les informations des organes de presse européens au-dessus de tout soupçon de fantaisie, à l’instar d’Eurosport cité par Gabonenervant.blogspot.com et Gabonpress.wordpress.com, «personne parmi les diffuseurs français, principaux pourvoyeurs des revenus de la LFP ne s’était montré preneur de ce match de gala pour l’année 2013, car les précédentes éditions s’étaient soldées par des échecs financiers dus au manque d’intérêt des téléspectateurs. L’édition de Tunis n’avait été suivie que par 2,5 millions de téléspectateurs, ce qui est une broutille. C’est ainsi qu’étant propriétaires du PSG, l’une des deux équipes engagées pour ce match, les Qatari se sont proposés de reprendre la compétition à un prix majoré de seulement 25% de ce que la LFP aurait dépensé».
Mais surtout, «au-delà de l’image que les gouverneurs cherchent à vendre à tous les coups à travers l’organisation des évènements de divertissements sportifs ou culturels aussi coûteux que le trophée des champions, le Libreville moto show pour ne ce citer que ces cas d’exemple, il est prédominant pour le président Ali Bongo Ondimba et son gouvernement de nous dire où se situent leurs priorités pour les Gabonais», a exigé un citoyen ayant requis l’anonymat lors du même micro-trottoir.
Qu’en est-il véritablement des bénéfices escomptés ? Pour Jean-Louis Triaud et son homologue parisien Nasser Al-Khelaïfi, absent au Gabon pour la rencontre, il est évident que le Trophée des champions n’est pas une mauvaise affaire financièrement. L’on affirme déjà que l’argent des recettes sera en effet reversé au Paris Saint-Germain et à Bordeaux. Mais un mystère demeure : celui relatif à la prise en charge du déplacement. Si aucune information n’a été transmise sur la contribution, ou non, de l’Etat gabonais sur ce point, le pays hôte aurait financé la rencontre à hauteur de 800 000 euros, soit 524 millions de francs CFA, selon BFM TV. L’achat des droits de diffusion télévisuelle par la chaîne «BeIn Sport» du Trophée des champion depuis le Stade de l’Amitié sino-gabonaise aurait quant à lui été évalué à 500 000 euros, soit 327,5 millions de francs CFA. Avec de telles retombées, il semble évident que la LFP de Frédéric Thiriez, grand respectueux des valeurs africaines, ne sortira pas perdante de cette édition 2013 du Trophée des champions. Et le Gabon, lui gagnerait peut-être en estime au niveau international.
«Doit-on penser qu’Ali Bongo considère que seule la jouissance constitue l’essentiel de l’identité culturel du gabonais? Comment ne pourrait-on pas répondre par l’affirmative, quand on observe que le football de gala a une priorité absolue sur la santé ou l’éducation?», s’interroge Citoyen Libre Gabon, un Internaute gabonais bien connu et très actif sur le groupe de discussion Infos kinguélé.